La Lignée des maudits est un roman de Bleuenn Guillou, illustré par Pauline Gallois. Paru le 15 Janvier aux Éditions Didier Jeunesse, il se compose de 448 pages.
La dynastie Hazegast
Les Hazegast sont une famille de médiums, tellement illustres qu’ils forment une dynastie que la Reine Mary Stuart 2 en personne vient consulter. Leur prestige menace de lui faire de l’ombre, voilà pourquoi ils travaillent main dans la main avec une extrême prudence.
Si Archibald Hazegast, le fondateur de leur empire, était bel et bien un médium, ce n’est pas le cas de sa descendance, à l’exception d’Ava. Tous les autres mentent en entretenant le secret sous couvert de mécanismes ingénieux qui crédibilisent la supercherie.
La Brume coupe l’Écosse de l’Angleterre. Tout le monde la redoute, elle avale les gens, les égare, et seuls les vrais médiums parviennent à en sortir vivants. Les Hazegast participent à la Cérémonie de la Brume, qui les intronise dans le milieu le 31 Octobre de leurs 15 ans, en présence de la Reine. Ils connaissent les risques en s’y exposant, pour autant, le prestige de leur famille les incite à s’y aventurer, quitte à ce que la Brume les engloutisse…
Si certains Hazegast ont disparu dans la Brume, beaucoup de mystère entoure plusieurs protagonistes, notamment Lizzie, dont le portrait a été retiré du manoir familial.
Ignorer les Esprits
Ava est l’héroïne de cette histoire, la seule véritable médium de la famille. Elle fait croire aux autres qu’elle ne dispose d’aucun talent afin de ne pas se faire manipuler dans le but de faire fructifier leurs affaires. Ava est très proche de ses cousines, Sophronia, ainsi qu’Hester liée par alliance. Elles connaissent son secret et le respectent, même si elles estiment que c’est un véritable gâchis de ne pas exploiter son don. Hester, n’étant pas une Hazegast de sang, essaie de s’intégrer dans la famille en cultivant son intelligence et en compulsant les vieux documents, à l’instar de Lucian.
Le quotidien d’Ava est particulièrement ardu, elle voit les esprits depuis sa Cérémonie de la Brume. Pour éviter de se laisser submerger, elle les ignore, feintant d’être incapable de les voir. Méthode qui fonctionne plutôt bien, jusqu’à ce qu’un esprit particulièrement tangible se manifeste à elle. Même si Ava simule ne rien voir ni entendre, ce dernier se montre particulièrement tenace. Arrogant, orgueilleux, plein d’humour ; il ne tarde pas à lui faire comprendre pourquoi il la hante : il s’agit de Duncan Stuart, le fils de la Reine, tué par un Hazegast. Ava refuse d’y croire, jamais sa famille ne pourrait commettre un meurtre ! Le Prince insiste et ne la lâche pas : le meurtrier fait partie de sa famille et Ava est la seule médium capable de le voir et de communiquer avec lui. Tous les autres sont des imposteurs, ce qui amuse beaucoup Duncan ; il commente leur grand talent d’acteurs auprès de leurs clients richissimes.
Ava ignore longuement Duncan, qui la trouble non seulement par ses propos odieux, mais également sa grande beauté… Cependant, lorsque la Reine pose un ultimatum pour résoudre le meurtre de son fils en menaçant son père, Silas, ainsi que sa tante, Rosamund ; Ava est contrainte d’écouter le spectre pour mener l’enquête.
Médium et Fantôme mènent l’enquête
Tout porte à croire que le Prince a été empoisonné. Son esprit ne se souvient de rien, hormis la certitude que c’est bel et bien un Hazegast qui l’a tué.
Rosamund dirige la famille d’une main de fer, prenant les décisions majeures pour assurer leur prospérité et leur implantation en Édimbourg. Puisque la tante d’Ava n’est pas médium, pas plus que tous les autres, elle va devoir enquêter de manière ordinaire, en auscultant le cadavre, récoltant les preuves… et faire accuser quelqu’un, qu’il soit coupable ou non. Les Hazegast doivent conserver leur pouvoir, au détriment de la vie des autres. Une ligne de conduite que la jeune fille rejette résolument.
Ava écoute Duncan qui lui révèle l’emplacement de son laboratoire secret, ses recherches sur la Brume et ce qu’il a fait de son vivant… Elle réalise que le Prince est étroitement lié aux Hazegast en raison de leur entraide commune qui remonte aux négociations d’Archibald.
La jeune fille s’aperçoit que sa famille cache de nombreux secrets. Lucian, Rosamund et Silas sont victimes de « crises » durant lesquelles l’esprit du patriarche semble les posséder. Ava ne voit pas le spectre d’Archibald, mais ces crises sont plutôt spectaculaires. Elle ignore pourquoi son père en est victime plus que les autres ; peut-être à cause de sa douceur ? Il n’a pas été épargné, endurant le deuil de sa sœur et de sa fille, Lizzie. Lizzie est un sujet tabou ; à sa mort, son portrait et toutes ses affaires ont été retirés du manoir familial. Silas refuse de parler d’elle, tandis qu’Oliver, le frère d’Ava, se montre beaucoup plus disposé à l’évoquer. Ava, qui a perdu tous ses souvenirs concernant Lizzie, retrouve peu à peu la mémoire, ainsi qu’un don incroyable sous hypnose…
Roman gothique modernisé
La plume de Bleuenn Guillou est fluide, très facile à lire. Les nombreux dialogues apportent beaucoup de vie au récit. On plonge avec plaisir dans ce roman gothique en cherchant avidement l’identité du tueur. Les blagues de Duncan viennent alléger les tensions et les séquences parfois dures qui ponctuent l’histoire. Son jeu de séduction avec Ava est tout aussi plaisant. Si le vocabulaire employé est plutôt moderne et ne colle pas tellement à celui de 1877, il devient accessible pour les adolescents, leur permettant de découvrir cette époque grâce à une bonne intrigue.
Pauline Gallois s’est occupée des superbes illustrations ; outre la couverture, un arbre généalogique renseigne le lecteur sur la lignée des Hazegast au début du livre. C’est une excellente idée, car la famille compte de nombreux membres ; cela permet de poser un visage facilement et de situer les liens entre les protagonistes. Ceux qui sont décédés sont barrés d’une croix.
Le Kit Presse est de toute beauté, emballé dans une page de journal qui évoque les Hazegast, noué avec un fil de chanvre. Une bougie à la cannelle accompagne 3 portraits de famille. Les illustrations, je le souligne encore, sont vraiment sublimes et ajoutent au cachet gothique qui parfume cet ouvrage splendide ; des arabesques agrémentent la tranche de livre bleu foncé. Un travail de toute beauté qui le place en objet de collection dans une bibliothèque.
La narration happe instantanément le lecteur et grâce à la plume très accessible, il n’y a jamais de lourdeur. C’est un livre qui se lit facilement et propose un univers gothique avec des moments plus cosy, comme lorsque Ava savoure un thé chaud devant une bonne flambée aux côtés de ses cousines. Leur quotidien est très vivant. Les indices concernant l’enquête sont introduits petit à petit et c’est au lecteur de les saisir avant d’arriver aux déductions. Un roman qui régale par son histoire et ses illustrations.
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