Amande est un roman de Won-Pyung Sohn paru aux Éditions Pocket Jeunesse le 10 Avril 2025. Il se compose de 400 pages.
Alexithymie
Yunjae souffre d’alexithymie, c’est-à-dire que ses émotions sont quasiment imperceptibles parce que ses amygdales sont trop petites ; un dysfonctionnement physique qui l’isole au fil du temps. En grandissant, ce handicap devient plus marqué, les enfants le ciblent facilement en bouc émissaire pour son étrangeté et le qualifient même de psychopathe.
Diverses tragédies ponctuent la vie de Yunjae, qui ne discerne presque rien, jusqu’au jour de ses 15 ans, le 24 Décembre. La soirée tourne au drame, sa mère se fait attaquer à coups de marteau et sa grand-mère à coups de couteau. Yunjae y assiste sans réagir, ce qui multiplie les chuchotements dans son lycée. Les autres le prennent pour un fou, sans réaliser qu’il éprouve en réalité un vide, sans saveurs, sans couleurs ; car il ne ressent rien.
Durant son enfance et même après, la mère de Yunjae lui a donné des cours pour identifier différentes situations : comment réagir, quoi dire, les mots-clés pour s’en sortir. Avoir l’air normal, autant que possible. Maintenant que sa grand-mère est morte et que sa mère ressemble à un légume ; Yunjae se retrouve seul. Le Docteur Shim, qui vend du pain au premier étage, décide de l’aider à régler les frais hospitaliers pour qu’il conserve l’assurance prévue pour ses études. Mais plus que cela, il s’investit dans un lien qui s’apparente à celle d’un père pour son fils, même si l’adolescent ne s’en aperçoit pas.
Les Monstres se rencontrent
La grand-mère de Yunjae le surnommait « monstre adorable ». Un oxymore qu’il n’a jamais compris. Ce sont les autres qui le qualifient de monstre à cause de son absence d’empathie.
Yunjae rencontre Mr Yun de nombreuses fois à l’hôpital. Ce dernier finit par lui soumettre une requête : que Yunjae se fasse passer pour son fils auprès de sa femme mourante… Yunjae prend toujours un temps de réflexion avant de donner une réponse. Finalement il accepte. Le fils de Mr Yun a disparu quand il avait 4 ans, kidnappé par un vieux couple de Chinois. Il a ensuite mené une existence misérable. Enfin retrouvé après toutes ces années, Leesu ne correspond pas à l’image que Mr Yun attend de lui, voilà pourquoi il propose cette supercherie.
Yunjae se fait donc passer pour Leesu et recueille les derniers mots de cette étrangère qui le confond avec son véritable fils avant qu’elle parte en paix.
Cependant, lors des obsèques, Leesu fait irruption. Ou plutôt Gon. C’est ainsi qu’il se fait appeler. Gon déborde de colère, peut exploser à tout moment et capable de tout détruire sur son passage. En rencontrant Yunjae qui s’est fait passer pour lui auprès de sa mère mourante, il lui promet en retour de lui pourrir l’existence. Et c’est ce qu’il s’applique à faire, jour après jour au lycée ; jusqu’à le réduire en charpie de façon extrême devant l’incinérateur de l’école. Gon attend désespérément une réaction qui ne vient pas. Yunjae ressent la douleur, mais pas la peur, la tristesse, etc… Il ne tarde pas à le qualifier de robot.
Amour, Mort et Éveil
Si le lien entre Yunjae et Gon démarre dans la violence ; ils ont néanmoins besoin l’un de l’autre. Grâce à Gon, Yunjae en apprend plus sur les émotions. Gon est tellement explosif, tellement sensible sous ses airs de voyou, qu’il est capable de lui enseigner ce qui lui manque. De son côté, Gon est intrigué par cette apathie incroyable, multipliant ses visites à la librairie que Yunjae tient pour le voir. Tous deux se rapprochent, tissant une amitié très particulière. Yunjae met fort longtemps à comprendre que Gon est son ami.
Par la suite, Yunjae évolue différemment au contact de Dora. La jeune fille pratique l’athlétisme contre l’avis de ses parents, simplement parce qu’elle aime ça. Elle ne cherche pas de raison particulière, ce serait comme demander pourquoi on vit selon elle. Tournée vers la beauté et la douceur, elle ouvre une porte unique dans le cœur de Yunjae qui en tombe amoureux sans parvenir à identifier ces sensations intenses.
La narration à la première personne confère une dimension intimiste. L’écriture, entière, nous plonge au cœur des conséquences de l’alexithymie, une pathologie encore assez méconnue. Les amygdales ont une forme d’amande, d’où le titre de ce roman. Il s’agit d’une œuvre de fiction dont l’impact émeut, écrite brillamment et intelligemment, avec une rare sensibilité dans l’absence d’émotions de son protagoniste principal.
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