Développé par Thera Bytes et publié par Aerosoft, Zombie Cure Lab est sorti le 27 mai 2025 sur Xbox Series. Ce titre singulier inverse les codes du post-apo en vous plaçant non pas dans la peau d’un tueur de morts-vivants, mais dans celle d’un scientifique en quête de rédemption.
Dans un monde ravagé par une infection globale, vous ne tirez pas sur les zombies : vous les sauvez. Mais cette promesse de gameplay pacifiste et de gestion scientifique suffit-elle à créer une expérience captivante, ou n’est-elle qu’un vernis original posé sur une mécanique stérile ?
Des cobayes sans nom dans une parabole creuse
L’apocalypse a frappé, mais Zombie Cure Lab ne propose ni récit de chute, ni tragédie en marche. Juste un prétexte minimal : des scientifiques s’enferment dans un laboratoire au fond des bois pour transformer des zombies en hybrides dociles. Pas de scène d’introduction, pas de contexte dramatique développé, seulement une idée : capturer, soigner, convertir. Le reste est silence.
Il aurait pourtant été possible d’insuffler une tension éthique, de poser des dilemmes sur la manipulation génétique, sur l’assimilation des anciens ennemis. Mais ici, rien de tout cela. Aucun personnage n’existe vraiment. Aucun dialogue ne cherche à poser des enjeux. Aucun journal, aucun témoignage, aucun fragment d’humanité n’émerge de cette mécanique de réhabilitation. Les scientifiques sont des silhouettes. Les zombis, des ressources. L’expérience, un protocole sans mémoire.
Le jeu ne propose ni antagoniste, ni progression narrative. Même les Humbies, ces créatures mi-humaines censées porter l’espoir d’un avenir, restent désincarnés. Pas de regard, pas d’histoire, pas de voix. Un monde post-apocalyptique vidé de tout ce qui fait un monde : la peur, le regret, l’attachement.
Zombie Cure Lab aurait pu être un conte sur la rédemption ou la déshumanisation. Il n’est qu’un simulateur de gestion où l’âme a déserté. Un théâtre clinique sans récit ni visage.
Une forteresse de routines dans un monde qui refuse l’accident
Zombie Cure Lab est un jeu de gestion qui s’imagine être un jeu de stratégie. On y bâtit un laboratoire, on y capture des zombies, on y mène des recherches scientifiques. Mais à aucun moment, la mécanique ne parvient à transcender son propre protocole. Chaque action semble extraite d’un manuel d’instructions, chaque décision d’un tableau Excel. Il n’y a pas de chaos, pas de tension, pas de surprise. Seulement des procédures.
Vous construisez des murs. Vous dressez des clôtures. Vous installez des tourelles. Vous définissez des zones. Et lorsque les vagues de zombies arrivent, chaque nuit, vous appliquez la méthode : endormir, capturer, transformer. Le geste est propre. Lisse. Sans éclat. À aucun moment vous ne sentez la pression monter, à aucun moment vous ne luttez réellement contre la débâcle. Même l’échec est un processus maîtrisé, une variable prévisible. Ce n’est pas une apocalypse. C’est un planning.
Le jeu repose sur une boucle simple : récolter, construire, améliorer, défendre. Mais aucune de ces étapes n’offre un véritable relief. L’arbre technologique est long, mais jamais passionnant. On débloque des machines, des infrastructures, des modules… mais rien ne modifie fondamentalement votre manière de jouer. On applique un plan. On ne l’invente pas.
Même les Humbies, ces créatures hybrides que vous créez à la chaîne, ne changent rien à la donne. Ils deviennent des travailleurs comme les autres. Des chiffres dans une matrice de production. Pas d’accident, pas de débordement, pas de prise de risque narrative ou systémique. La seule idée originale du jeu — guérir au lieu de tuer — est absorbée par un gameplay qui ne connaît que la répétition.
On attendait une tension constante entre le soin et le danger. On obtient une grille d’optimisation. Zombie Cure Lab n’est pas un laboratoire, c’est une horloge. Chaque engrenage tourne comme prévu. Et c’est précisément ce qui l’empêche de vivre.
Un monde froid sans visage ni frisson
Il y avait pourtant matière à frapper fort. Le concept même de Zombie Cure Lab appelait une direction artistique affirmée, un monde où la science rencontre l’horreur, où la lumière des néons tranche sur la noirceur d’un monde effondré. Il n’en est rien. Le jeu opte pour un style cartoon générique, sans audace ni personnalité. Une esthétique aseptisée, qui nie jusqu’à l’ombre des événements qu’elle est censée représenter.
Les environnements sont plats. Les textures sont propres, trop propres, comme stérilisées. L’ensemble évoque davantage une simulation médicale pour lycéens qu’un monde post-apocalyptique. On construit des laboratoires, on installe des congélateurs, on aligne des clôtures… mais rien n’évoque la décrépitude ou le vertige d’un monde en ruine. Le laboratoire n’est jamais un lieu habité. C’est une maquette.
Le design des zombies et des Humbies ne propose aucun contrepoint. Là où l’on aurait pu espérer une ambivalence graphique — quelque chose d’inquiétant, de troublant, de dérangeant — on obtient des personnages ronds, inoffensifs, interchangeables. Le grotesque est désamorcé, la monstruosité effacée. On soigne des icônes. On domestique des caricatures. Rien ne heurte. Rien ne marque.
La bande-son, quant à elle, est une ligne de basse continue. Présente, mais jamais signifiante. Les musiques d’ambiance accompagnent les phases de gestion sans jamais provoquer la moindre émotion. Pas de tension lors des vagues nocturnes. Pas de mélancolie dans les moments de calme. Pas de crescendo, pas de rupture. Juste une nappe sonore qui survole l’expérience sans jamais l’enrichir.
Même les effets sonores échouent à soutenir l’immersion. Les tirs cryogéniques manquent d’impact. Les cris des zombies sont génériques. Les bruits d’ambiance, rares et mécaniques, participent à cette atmosphère de laboratoire vide. Aucun son ne raconte. Aucun silence ne pèse. Le monde n’a pas de voix.
Il n’y a ni matière ni rugosité dans l’univers de Zombie Cure Lab. Ce n’est pas un monde post-apocalyptique. C’est une salle blanche, sans odeur, sans mémoire, sans trace.
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