Sorti le 23 mai 2023 sur Xbox Series, Wobbledogs Console Edition, développé par Animal Uprising et publié par Secret Mode, transpose sur console une simulation expérimentale déjà remarquée sur PC. Ici, pas d’objectif clair, pas de progression structurée : vous élevez des chiens génétiquement instables dans un bac à sable coloré, les observant muter, grandir, dégénérer.
Un concept déroutant, entre laboratoire loufoque et tamagotchi mutant. Mais derrière l’excentricité assumée, ce chaos canin a-t-il la carrure d’un vrai jeu, ou reste-t-il un simple jouet interactif ?
Une mécanique de l’absurde qui tourne à vide
Le cœur de Wobbledogs repose sur un principe simple : élever des chiens mutants dans un environnement clos, en influençant leur génétique par l’alimentation, l’aménagement et l’observation passive. Chaque créature évolue au fil du temps, développe des comportements imprévisibles, et finit par muter — parfois légèrement, parfois de manière grotesque. Ce chaos volontaire est le moteur du jeu… mais il s’épuise vite.
La première phase émerveille. Voir un chiot pousser des ailes, se tordre, grandir des pattes surnuméraires, ou se transformer en serpent mou déclenche un rictus sincère. Le jeu surprend, amuse, amuse encore. Puis il répète. Le processus de mutation devient prévisible dans son imprévisibilité. Vous attendez qu’un événement survienne, mais vous n’avez que peu d’emprise sur ce qui le déclenche.
Les interactions se réduisent à l’essentiel : nourrir, déplacer, aménager des pièces, ajouter quelques éléments décoratifs. Le chien fait le reste, ou ne fait rien. Il dort, se cogne contre un mur, mange un objet, mue. Vous observez, vous cliquez, vous patientez. Il ne s’agit pas d’un jeu de gestion. Il ne s’agit pas non plus d’une simulation stratégique. C’est une vitrine comportementale algorithmique, au rythme volontairement non ludique.
Le level design, ou plutôt l’organisation de l’espace, repose sur des modules de pièces connectées. Vous ajoutez des couloirs, des zones de ponte, des distributeurs de nourriture. Mais aucun de ces éléments n’a de véritable poids mécanique, si ce n’est de varier légèrement les réactions de vos créatures. Aucun défi ne vient réorienter la construction, aucune limite ne contraint vraiment l’expérimentation.
L’ensemble souffre d’un défaut structurel : l’absence de tout objectif. Il n’y a rien à débloquer, aucune mission à accomplir, aucun climax ludique. Vous laissez le système s’user sous vos yeux. Ce qui au départ semble ouvert devient rapidement clos. Et lorsque la surprise cesse, il ne reste plus rien à maîtriser.
Wobbledogs fascine par sa logique biologique loufoque, mais échoue à se transformer en expérience de jeu durable. Il amuse. Il ne construit rien.
Une peluche de pixels dans un décor de plastique
Visuellement, Wobbledogs revendique une esthétique volontairement naïve. Couleurs saturées, formes molles, animations absurdes, chaque élément est conçu pour désarmer, amuser, désorienter. L’univers évoque un bac à sable numérique où tout semble sortir d’un dessin animé généré sous calmants : aucun réalisme, aucun détail, rien de plus qu’un flux de textures pastel posées sur des modèles rigides.
Les chiens, cœur de l’expérience, sont à la fois grotesques et attendrissants. Leurs mutations produisent des silhouettes difformes, des torsions inattendues, des comportements erratiques. L’animation accentue cette étrangeté : les corps se plient, chutent, volent, rient et s’effondrent dans une logique purement physique. Mais cette absurdité visuelle, aussi charmante soit-elle, ne se renouvelle pas. Elle déclenche le sourire, puis s’émousse à mesure que les variations se ressemblent.
Les environnements — pièces modulaires, fonds plats, textures basiques — n’évoquent rien d’autre qu’un jouet numérique. Aucune densité, aucune matière, aucun relief. Chaque salle ressemble à la précédente, avec quelques accessoires jetés çà et là : coussins, distributeurs, plateformes, objets à mastiquer. Ce n’est pas un monde. C’est une aire d’attente.
La direction artistique, si l’on peut l’appeler ainsi, ne propose aucun fil visuel, aucun travail de composition, aucun moment de contraste ou d’intensité. Il n’y a pas de progression graphique. L’univers reste identique du début à la fin, comme figé dans sa propre répétition.
La bande-son adopte la même logique. Musique d’ambiance légère, nappes électroniques inoffensives, quelques jingles discrets. L’habillage sonore est propre, fonctionnel, mais ne porte aucune tension ni surprise. Les bruitages — gémissements, couinements, bruits d’ingestion — participent à l’identité étrange du jeu, sans jamais renforcer l’immersion.
Rien ici ne blesse l’œil, mais rien ne le captive. Le choix du simplisme assumé aurait pu devenir une force. Il reste un confort esthétique sans ambition, un minimalisme fade là où l’étrangeté aurait mérité une vraie mise en scène.
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