Développé par Toylogic, studio japonais ayant collaboré sur NieR Replicant et Kid Icarus: Uprising, Warlander débarque sur Xbox Series le 15 mai 2023, édité par Plaion, dans un fracas d’acier et de sorts destructeurs. Ce free-to-play hybride mêle MOBA, stratégie d’équipe et hack’n’slash à la troisième personne dans des batailles massives à 100 joueurs, où les catapultes croisent le fer avec les incantations.
Mais derrière cette promesse de grandeur martiale, une question s’impose : le champ de bataille de Warlander repose-t-il sur des fondations solides, ou s’agit-il d’une joute creuse camouflée sous une armure brillante ?
Champ de bataille aux rouages dissimulés
Derrière ses allures de défouloir médiéval, Warlander dissimule une architecture complexe. Deux équipes de 50 joueurs s’affrontent sur une carte symétrique où chaque forteresse protège un noyau à détruire. Trois classes jouables — guerrier, mage, prêtresse —, une trentaine de minutes par partie, et un principe fondateur : la bravoure.
Tout commence avec un personnage de niveau 1, sans titre ni gloire. Chaque action accomplie sur le terrain — soin, assistance, capture, élimination — confère des points de bravoure. Une fois le seuil atteint, vous pouvez faire appel à un avatar plus puissant, préalablement construit dans votre escouade personnelle. C’est là que se niche le cœur du gameplay : vous ne montez pas en puissance avec le temps, mais avec la performance.
Cette boucle de progression rend les affrontements étonnamment nerveux. Le moindre échec vous condamne à repartir du bas de l’échelle, tandis que les meilleurs joueurs deviennent des catalyseurs de victoire, capables d’inverser le cours d’une bataille par leur seule efficacité. L’effet est grisant… à condition d’avoir une équipe qui comprend les fondamentaux.
Car Warlander ne laisse que peu de place à l’improvisation individuelle. Trois groupes sont assignés à chaque armée : défense, assaut direct, soutien. Chaque joueur vote en amont pour une stratégie globale (défensive, équilibrée, offensive) puis sélectionne son rôle. Et si les consignes sont ignorées — ce qui arrive souvent —, le chaos règne, et la défaite devient inévitable.
Pour structurer le tout, des mécaniques secondaires s’ajoutent : capture de tours servant de points de réapparition, construction de catapultes, invocation d’idoles capables de faire tomber une météorite ou d’invoquer un golem géant… Autant d’éléments qui récompensent la coordination, mais qui ne brillent que dans des équipes matures et disciplinées, rares en pratique.
Le game design, à défaut d’être original, est précis. Le level design est fonctionnel, lisible, sans fioritures, mais souffre d’un manque de variété — seules deux cartes sont disponibles. L’absence de quêtes annexes ou de modes alternatifs renforce cette sensation de répétition. Et malgré les apparences, Warlander n’est pas un défouloir : c’est un jeu de placement, de tempo, de maîtrise.
En l’état, le système est solide. Mais sans un tutoriel plus avancé, sans matchmaking intelligent et sans contenus supplémentaires, l’exigence du jeu devient un mur plutôt qu’un tremplin.
Effets d’armes sans âmes ni ardeurs
Visuellement, Warlander cherche le fonctionnel, pas le spectaculaire. L’interface est claire, les effets de compétences lisibles, les silhouettes bien différenciées, mais l’ensemble reste d’une platitude artistique désolante. L’esthétique oscille entre fantasy générique et design utilitaire, sans jamais affirmer une vision.
Le cel-shading discret ne masque ni la pauvreté des textures, ni la rigidité des animations. Personnages raides, environnements recyclés, décors minimalistes : la direction artistique sacrifie tout ce qui pourrait distraire le joueur de son objectif mécanique. Résultat : un monde sans identité, ni charisme, ni contraste, ni mémoire.
Le bestiaire, déjà limité, recycle allègrement les mêmes ennemis d’un match à l’autre. Les forteresses manquent d’âme. Le terrain n’évolue jamais. Aucun effet météo, aucun cycle jour/nuit, aucune transformation du champ de bataille ne vient surprendre le regard. Chaque partie ressemble visuellement à la précédente, dans un minimalisme presque anti-immersif.
Côté son, même constat. Musique d’ambiance discrète, voire absente, effets sonores convenus, aucune spatialisation notable ni effort de mise en scène auditive. Les voix, rares, sont fonctionnelles. Aucune empreinte sonore ne marque les esprits. Vous jouez en silence ou avec votre propre playlist — preuve ultime d’une identité sonore inexistante.
La seule variation, ténue, viendra des sorts élémentaires et des invocations, qui bénéficient d’une mise en scène légèrement plus soignée. Mais rien qui ne parvienne à élever l’ensemble au-delà du strict nécessaire.
Un champ de bataille fragile sur ses fondations
Warlander repose sur une structure multijoueur ambitieuse… mais instable. Le premier écueil est celui de sa population. Trop peu de joueurs, trop peu de cohésion, trop peu de discipline. Les affrontements à 100 peinent à se remplir, les modes secondaires comme les batailles à cinq armées restent désespérément vides, et les lobbys s’étirent parfois pendant de longues minutes.
Le matchmaking n’y change rien : des vétérans aguerris se retrouvent régulièrement aux côtés de débutants désorientés, sans distinction de rang ni prise en compte des performances passées. Le chaos qui en résulte n’est pas celui du champ de bataille, mais celui du déséquilibre structurel.
À cela s’ajoute une progression d’une lenteur abyssale. Chaque montée en grade demande des dizaines d’heures, chaque gain de puissance pour vos personnages réclame une patience peu commune. Pire encore, le loot est biaisé : certaines classes (notamment la prêtresse) sont visiblement favorisées dans la répartition des récompenses, créant un déséquilibre artificiel dans les ressources.
Sur le plan économique, Warlander évite heureusement le pire. Le jeu n’est pas un pay-to-win, et même les équipements achetés ne peuvent pas être équipés par les héros de base. La boutique se concentre sur les cosmétiques, certes trop chers, mais sans incidence majeure sur l’issue des parties.
Le système de Battle Pass suit la même logique : trois versions (gratuite, payante, premium), des différences minimes, quelques bonus de loot, mais aucun pouvoir démesuré. Le seul vrai avantage — les boosts de drop — reste marginal, incapable de compenser un mauvais positionnement ou une mauvaise lecture de terrain.
Enfin, le jeu reste relativement stable sur le plan technique. Quelques ralentissements, des bugs sporadiques, mais rien qui vienne briser l’expérience. Pas de crashs récurrents, pas de bugs bloquants. Warlander est jouable, mais encore loin d’être optimisé pour une scène compétitive durable.
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