Wanted: Dead, développé par le studio japonais Soleil, tranche net. Inspiré jusqu’à l’os par les beat’em all des années 2000, l’héritier illégitime de Ninja Gaiden avance sabre au clair, système nerveux à vif, dans un décor où chaque ennemi est une invitation au carnage. Sorti sur Xbox Series, ce titre revendique d’emblée sa filiation : arcade, sueur, sang, et mort.
Loin des ambitions calibrées des productions modernes, Wanted: Dead ne cherche ni la séduction, ni la complaisance. Il n’enrobe pas ses mécaniques. Il les expose, brutes, rugueuses, sans mode photo, sans filtres inutiles. La violence est directe. La structure, rétro. La prise en main, volontairement agressive.
Et si les critiques l’ont éreinté, ce n’est pas pour ses défauts — bien réels — mais pour ce qu’il ose revendiquer : un jeu d’action dur, sec, désuet dans sa forme, viscéral dans son exécution. Un projet bancal, détesté, adoré, jamais tiède. Un jeu de studio B avec une âme de titre culte.
Une escouade de marginaux dans un polar cyberpunk
Vous incarnez Hannah Stone. Ex-militaire, criminelle de guerre, condamnée à perpétuité. Libérée contre sa volonté pour intégrer la plus sale des unités spéciales de Hong Kong : la Zombie Squad. Un bataillon d’élite composé de vétérans fracassés, de sociopathes hautement fonctionnels, de figures cabossées par un passé qu’on devine lourd, mais qu’on n’explicite jamais complètement. Pas besoin. Tout passe par l’attitude, les regards, les silences.
Wanted: Dead est un polar déglingué, trempé dans l’alcool industriel des années 90, nourri de John Woo, de cyberpunk sale, de Blade Runner rongé par les acides, et d’un amour inconditionnel pour le cinéma d’action hongkongais. Ce n’est pas une intrigue, c’est une fuite en avant. Trahison, multinationales, technologie, corruption : chaque mission renvoie à une pièce du puzzle. L’ensemble est foutraque, brutal, furieusement attachant.
Et pourtant, le jeu n’en fait jamais trop. Il refuse les effets de manche, évite les grands discours. Il fait exister ses personnages par la friction, pas par la confession. Entre chaque mission, Hannah retourne au commissariat : un hub où l’équipe se repose, discute, mange, échange des banalités… et se laisse deviner. La narration reste minimaliste, mais dense. Les fiches à lire, les notes disséminées, les mini-dialogues : autant de couches discrètes qui renforcent le lien.
Personne n’est là pour vous guider. Pas de quête secondaire, pas de romance attendue. Juste une bande de marginaux armés jusqu’aux dents, enfermés dans une spirale de violence cybernétique. Et au milieu, vous — joueur, exécutant, survivant.
Un système nerveux à vif
Wanted: Dead ne cherche pas l’équilibre. Il impose un rythme. Celui de la douleur, de la répétition, de l’apprentissage. Ici, le gameplay ne se dévoile pas : il se dompte. Vous incarnez Hannah, soldate suréquipée mais vulnérable, armée d’un fusil d’assaut, d’un katana, d’un pistolet — et surtout d’un timing. Deux combos. Une esquive. Une parade. Trois trousses de soins. C’est tout. Mais chaque mouvement a un poids, une cadence, une nécessité.
Le jeu ne vous explique rien. Il vous jette dans la mêlée. Les premières heures sont brutales. L’impression de flou, de maladresse, de combat injuste prédomine. Puis le corps répond. L’ennemi, multiple, devient lisible. Le décor, contraignant, devient terrain. Et chaque micro-victoire est une montée d’adrénaline. À distance, le jeu déçoit. En mêlée, il explose.
Pas de combos infinis, pas d’enchaînements spectaculaires : un jeu d’exécution pure. Un “fast-action TPS” où les balles ralentissent l’élan mais où seule la lame délivre. L’héritage est limpide : c’est Ninja Gaiden sans le vernis technique. Une valse désespérée entre parade, contre, et exécution.
Les ennemis ne respectent rien. Ils attaquent en meute, balancent des grenades, vous encerclent sans pitié. Le jeu ne s’adapte pas à vous. Il vous attend. Et si vous craquez, il propose la “difficulté Chaton” comme une provocation. Une insulte. Une invite à vous relever.
Chaque progression devient un acte de volonté. Le gameplay se réduit à l’essentiel pour mieux exiger le maximum. Et cette épure génère un plaisir rare : celui d’avoir survécu, compris, maîtrisé.
Violence néon et bande-son à balles réelles
Wanted: Dead ne rivalise pas avec les ténors techniques de la Xbox Series. Il ne le prétend jamais. Visuellement, le titre affiche un retard objectif : textures inégales, modélisations sommaires, animations parfois rigides. Et pourtant, le style compense. L’univers cyberpunk est là, saturé de néons, de béton armé, de couloirs humides, de commissariats éclairés au néon rose et de clubs noyés sous les LED. Le tout compose une esthétique cohérente, singulière, immédiatement lisible.
Chaque niveau offre un décor distinct : jardin japonais noyé dans le béton, labyrinthe industriel, bar glauque, tour d’entreprise. L’identité visuelle n’a rien d’un prétexte. Elle structure le rythme, impose une ambiance, sert le gameplay. Rien n’est gratuit, tout est ancré.
Les personnages, eux, refusent le lisse. Ce sont des gueules. Hannah, bras cybernétique et tatouages visibles, incarne la brutalité du système. Les autres membres de l’escouade suivent : silhouettes marquées, traits durs, physiques crédibles. Pas de canon marketing. Des corps fatigués. Des visages hantés.
La bande-son élève le tout d’un cran. Composée en grande partie par Stefanie Joosten, elle alterne entre mélodies synthétiques sombres et explosions de rock furieux. S’y ajoutent des morceaux rétro — Maniac, She Works Hard for the Money — réinterprétés par Bella and the Switchblades, qui viennent renforcer le contraste entre violence et dérision. C’est exubérant, assumé, profondément ancré dans l’esthétique 90s.
Le doublage, volontairement compressé, évoque les VHS d’époque. Une prise de risque. Un hommage. Un filtre sonore qui divise, mais ne trahit jamais l’intention.
Seul bémol sonore : les bugs d’ambiance. Musique de mini-jeu qui déborde sur une scène sérieuse, audio de cinématique qui continue malgré une pause… De petits accrochages, mais qui déchirent parfois l’immersion.
Niveaux classiques, chaos contrôlé
Wanted: Dead ne multiplie ni les idées, ni les détours. Il propose six niveaux, linéaires, sobres, construits comme autant d’arènes à nettoyage intensif. Aucun embranchement, peu de verticalité, des environnements simples dans leur structure — mais jamais paresseux. Chaque zone s’enchaîne sans rupture : soldats, drones, androïdes, boss. Une boucle. Une escalade. Une résistance.
Le design ne cherche pas l’inventivité, il soutient l’agression. Les ennemis arrivent par vagues. Les checkpoints sont espacés avec cruauté. La lisibilité des arènes reste bonne, mais la caméra — souvent trop proche — gêne les mouvements et provoque des morts absurdes. C’est un défaut récurrent. Rageant. Persistant.
Entre deux combats, le jeu s’ouvre. Mini-jeux absurdes, clins d’œil arcade, séquences musicales, karaoké : des respirations étranges, hors du temps, qui élargissent le spectre de l’univers sans jamais le fragiliser. Une pince à figurines pour débloquer des musiques. Un mini-shmup complet. Une chanson chantée faux, mais juste dans l’intention. Rien n’est indispensable. Tout construit l’ambiance.
Le lore se niche dans les détails. Un décor, une note, un échange. Pas de codex pompeux. Pas de quête secondaire. Mais une cohérence diégétique rare, qui récompense l’attention. On traverse Wanted: Dead comme on explore une pièce fermée, à la lampe-torche. Ce qu’on y voit dépend de l’angle, du regard, de la patience.
Comptez huit à dix heures pour voir le générique. C’est court. Mais intense. Et pour certains, ce sera un point final. Pour d’autres, ce sera le début de l’apprentissage. Car le jeu incite au recommencement. Monter en difficulté. Rejouer. Maîtriser.
Un défaut revient pourtant : les bugs. Crash unique, audio qui continue en pause, musiques qui débordent, caméra capricieuse. Rien de rédhibitoire, mais tout de perceptible. Et rien n’a encore été corrigé à ce jour.
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