Quand un vétéran du jeu de cartes compétitif et un studio indépendant s’associent pour réinventer le genre auto-battler, les attentes sont élevées. Vanguard Exiles, développé par The Tea Division sous la direction de Richard Garfield, entend repousser les limites du genre en y injectant des mécaniques de deck-building dynamique, le tout dans un univers où magie et technologie s’affrontent pour la suprématie.
Sorti en accès anticipé sur PC le 10 mars 2025, le jeu s’adresse aux amateurs de stratégie compétitive, mais parvient-il réellement à renouveler un genre déjà saturé ou ne fait-il que recycler des concepts déjà vus ?
Des cendres et des exilés, mais où est l’âme ?
Dans un monde brisé par le “Jour des Cendres”, les civilisations qui dominaient autrefois la Terre ont sombré dans l’oubli. Mais les vestiges de leur grandeur subsistent encore, portés par des factions qui tentent, chacune à leur manière, de façonner l’avenir. Vanguard Exiles promet un univers où la technologie et la magie se livrent une bataille sans merci, où l’héritage du passé est une arme aussi bien qu’un fardeau. Pourtant, sous cette façade séduisante, la narration s’efface progressivement, laissant une impression d’inachevé.
Les factions qui s’affrontent ont chacune leur propre philosophie, leur propre vision du monde et de la guerre. Les anciens empires industriels se fragmentent sous le poids de leur décadence, tandis que de nouvelles forces émergent, manipulant l’arcane et la science avec une arrogance aveugle. Mais au-delà de ces luttes de pouvoir, le jeu peine à offrir une véritable immersion narrative. Les conflits sont esquissés dans les descriptions des unités et des cartes, mais jamais réellement vécus. On ne ressent ni la tension d’un monde en ruine, ni l’urgence d’une cause à défendre. Ce qui aurait pu être une véritable fresque épique, une chronique de la survie et de la réinvention après un cataclysme, n’est finalement qu’un habillage vaguement esquissé, un décor en arrière-plan qui peine à se matérialiser dans l’expérience du joueur.
Et c’est bien là le problème. Vanguard Exiles semble avoir oublié que pour qu’un monde prenne vie, il faut plus que de simples textes d’ambiance ou des factions dotées de motivations génériques. Où sont les figures marquantes ? Où sont les dilemmes, les trahisons, les sacrifices ? Tout ce qui aurait pu conférer une âme à cet exil forcé est réduit à une simple justification ludique, un prétexte pour donner du contexte aux affrontements stratégiques. La guerre n’est plus qu’un enchaînement de mécaniques froides, un champ de bataille où l’émotion a été reléguée au second plan.
L’univers aurait pu être fascinant, mais il manque cette étincelle qui fait la différence entre un simple décor et un monde que l’on a envie d’explorer. Au lieu de faire du joueur un acteur de son propre récit, Vanguard Exiles l’enferme dans un cadre figé, incapable d’évoluer au-delà de ce que le gameplay lui impose. C’est une immense occasion manquée, un écrin magnifique, mais sans le joyau qui aurait pu en faire une véritable œuvre marquante.
Une arène d’exilés, mais qui tient vraiment les rênes ?
Si Vanguard Exiles se veut une refonte du genre auto-battler, c’est avant tout dans sa mécanique centrale : une combinaison entre deck-building dynamique et affrontements tactiques où chaque décision pèse sur l’issue du combat. Ici, les unités ne sont pas de simples pions que l’on positionne pour les voir s’entre-déchirer. Chaque choix, chaque placement, chaque synergie construite avec soin peut renverser le cours d’une partie. Le jeu pousse les joueurs à réfléchir en permanence, à adapter leur stratégie à un terrain en constante évolution, et surtout à anticiper les coups de leurs adversaires.
Mais cette complexité, qui pourrait être la plus grande force du titre, devient rapidement une épée à double tranchant. Là où d’autres jeux du genre trouvent un équilibre entre accessibilité et profondeur, Vanguard Exiles jette son joueur dans l’arène sans filet. Il faut du temps, beaucoup de temps, pour réellement comprendre les subtilités du système, et encore plus pour les maîtriser. Là où certains apprécieront ce plongeon sans concession dans un système riche, d’autres trouveront cette courbe d’apprentissage inutilement abrupte, d’autant plus que le jeu n’offre pas un tutoriel clair et structuré.
Autre problème : l’équilibrage des factions et des unités. Certaines stratégies dominent outrageusement les autres, brisant le dynamisme des affrontements et réduisant la diversité des styles de jeu. On a parfois l’impression que certaines combinaisons de cartes ou de synergies sont non seulement plus puissantes, mais tout simplement nécessaires pour rester compétitif, ce qui nuit gravement à l’intérêt du deck-building. La variété stratégique promise se transforme alors en illusion, un mirage où seules quelques options s’avèrent réellement viables.
Le level design, quant à lui, reste plutôt minimaliste. Certes, les cartes de bataille offrent des zones influant sur le déroulement des affrontements, mais celles-ci restent trop peu nombreuses pour éviter une certaine redondance. Une fois que l’on a assimilé les spécificités des différents terrains, on ne ressent plus vraiment l’excitation de l’adaptation. On finit par dérouler des stratégies optimisées sans réelle surprise, là où le genre devrait pourtant pousser à l’improvisation permanente.
Pire encore, le rythme du jeu souffre d’un manque de dynamisme. Là où un Teamfight Tactics ou un Hearthstone Battlegrounds ont compris l’importance d’un tempo fluide, Vanguard Exiles s’enlise dans des phases de jeu parfois trop longues, où l’issue d’une bataille semble scellée bien avant la fin du combat. Ce manque de tension, ajouté à des parties qui peuvent traîner en longueur, affaiblit l’impact des décisions stratégiques, ce qui est un comble pour un jeu basé sur ce principe.
En l’état, Vanguard Exiles a de l’ambition, des idées intéressantes et une mécanique qui pourrait fonctionner. Mais il souffre encore de trop d’aspérités, entre son équilibrage à revoir, sa courbe d’apprentissage brutale et un rythme de jeu qui peine à maintenir la tension. Avec le bon suivi des développeurs, il pourrait devenir un véritable incontournable du genre. Mais en l’état, il oscille encore entre promesse et frustration, et seuls les plus persévérants y trouveront réellement leur compte.
Une direction artistique inspirée, mais une exécution inégale
Visuellement, Vanguard Exiles opte pour une esthétique dieselpunk qui fusionne éléments industriels, arcaniques et militaires. L’univers repose sur un mélange de cités en ruines, de machines de guerre massives, et d’une magie qui suinte autant le mysticisme que la science interdite. Ce monde, où les exilés tentent de reconstruire leur avenir sur les cendres d’un passé glorieux, possède une identité visuelle marquée, qui se démarque de nombreux jeux de stratégie aux inspirations plus classiques.
Mais si la direction artistique est inspirée, son exécution technique peine à suivre. Les animations en combat sont rigides, manquant du dynamisme et du poids nécessaires pour rendre chaque affrontement percutant. Les unités manquent de variété dans leurs animations, donnant une impression de manque de finition. Là où un TFT ou un Hearthstone Battlegrounds parviennent à donner du caractère à leurs unités par des effets d’impact soignés et des animations fluides, Vanguard Exiles semble encore en rodage, avec des mouvements trop mécaniques et une sensation de combat statique.
Autre problème : les environnements de bataille. Le jeu propose différentes arènes de combat, certaines évoquant d’anciennes cités dévastées, d’autres des champs de bataille corrompus par la magie, mais ces dernières manquent de vie. L’ambiance est trop figée, trop statique. Les détails sont là, mais ils ne racontent pas d’histoire, ils ne donnent pas l’impression d’un monde en perpétuelle mutation. Résultat : on s’habitue trop vite aux décors, et ce qui aurait pu être un élément immersif devient un simple fond d’écran répétitif.
En revanche, la bande-son sauve les meubles. La musique accompagne bien l’univers, oscillant entre des thèmes martiaux, métalliques et mystiques qui évoquent le chaos et la grandeur déchue de ce monde. Certaines pistes se démarquent réellement, notamment lors des combats décisifs, où les percussions martiales et les chœurs oppressants viennent renforcer la tension. Malheureusement, le mixage sonore n’est pas à la hauteur, et certains effets sonores sont trop génériques ou manquent d’impact. Les affrontements souffrent notamment d’un manque de feedback sonore puissant, rendant les actions moins satisfaisantes qu’elles ne devraient l’être.
Vanguard Exiles n’est donc pas un raté sur le plan visuel et sonore, mais il reste inégal. La direction artistique est solide, mais la réalisation technique ne suit pas entièrement. Les combats manquent de puissance visuelle et sonore, ce qui amoindrit leur impact. Et si la bande-son contribue efficacement à l’ambiance, elle ne suffit pas à masquer l’absence de vie et de mouvement dans les environnements. Avec un travail plus poussé sur les animations et la mise en scène, le jeu pourrait vraiment gagner en intensité et en immersion. En l’état, il reste un univers au potentiel indéniable, mais encore en quête d’une exécution à la hauteur de ses ambitions.
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