Développé par Stunlock Studios, V Rising a d’abord surgi des ténèbres en accès anticipé en mai 2022, avant de renaître dans sa version 1.0 le 8 mai 2024 sur PC. Le studio suédois, connu pour ses jeux compétitifs comme Battlerite, opère ici un virage audacieux : celui d’un action-RPG à la troisième personne, baignant dans l’ambiance gothique d’un monde ouvert impitoyable. Mais sous ses crocs aiguisés et ses manoirs à ériger pierre par pierre, V Rising aspire à autre chose qu’un simple jeu de survie vampirique.
Vous incarnez un vampire réveillé après des siècles de sommeil, nu, vulnérable, et surtout affamé. La lumière vous tue, les villageois vous chassent, et chaque instant passé hors de l’ombre est une sentence. C’est dans cette fragilité initiale que se dessine la promesse d’une ascension : celle de bâtir un empire nocturne, de conquérir terres, âmes et puissances oubliées. Un royaume à votre image, forgé dans le sang et l’ambition.
Mais V Rising est-il vraiment l’expérience vampirique ultime qu’il prétend être ? Parvient-il à mêler construction, survie, exploration et domination sans se perdre dans la redondance de ses mécaniques ? Et surtout, la version finale sublime-t-elle les fondations posées en accès anticipé ou se contente-t-elle d’enrober d’anciens ossements dans une cape plus brillante ?
Contes de sang et de silence
L’univers narratif de V Rising repose sur une proposition simple : vous êtes un vampire ancien, tiré de son sommeil par un monde qui l’a presque oublié. Privé de pouvoir, vous devez reconquérir votre force, reconquérir votre statut — et ce terme n’est pas anodin, car tout dans V Rising parle de reconquête. Celle du territoire, de l’identité vampirique, et d’un ordre ancien que l’humanité a tenté d’effacer.
L’histoire ne se livre pas par des cinématiques grandiloquentes ou des dialogues abondants, mais par l’environnement, les journaux épars, et surtout par les ennemis que vous traquez. Chaque cible de sang — ces boss uniques disséminés dans le monde — n’est pas simplement un défi mécanique, mais une incarnation d’un pan de l’histoire. Un alchimiste aux secrets perdus, un prêtre fanatique, un chasseur de vampires légendaire : chacun d’eux vous raconte ce que le monde est devenu pendant votre absence, et ce qu’il a dû sacrifier pour vous survivre.
Le jeu ne propose pas de protagoniste défini : vous incarnez un avatar muet, façonné selon vos choix. Cela peut sembler limiter l’attachement narratif, mais ce silence volontaire renforce l’idée d’un monstre immortel, distant, détaché des affaires humaines. L’écriture choisit de vous faire ressentir le poids du temps plus que de le raconter : vous explorez les ruines d’un monde qui vous rejette, un monde que vous devez plier à nouveau à votre volonté.
L’absence de personnages secondaires réellement développés peut être perçue comme une faiblesse pour ceux qui cherchent une narration classique. Il n’y a pas de compagnons à aimer ou trahir, pas d’intrigues personnelles tissées entre les murs de votre château. En revanche, cette solitude narrative renforce une ambiance presque lovecraftienne : vous êtes l’entité surnaturelle, l’Autre absolu, dont la simple présence bouleverse l’ordre établi.
La narration environnementale, quant à elle, se montre plus subtile. Les zones sont pensées comme des fragments de mémoire du monde : villages abandonnés, bastions en guerre, forêts maudites. Chaque lieu porte les stigmates d’une lutte contre votre espèce, et chaque victoire est une réaffirmation de votre nature maudite. Ce n’est pas un récit qui vous tient la main, mais un monde qui vous crache sa peur et son mépris.
Le sang comme système, la nuit comme territoire
V Rising n’est pas un jeu. C’est une mue lente. Une ascension brutale. Une alchimie de mécaniques millimétrées où chaque action — construire, combattre, traquer — est un battement de cœur arraché à une créature en reconquête. Oubliez les tutos mielleux et les débuts en terrain sûr : ici, votre réveil est une agonie. La lumière vous brûle, la faim vous tenaille, et chaque minute vous rappelle que vous n’êtes encore rien d’autre qu’un souvenir affamé.
Le gameplay repose sur une dualité centrale : la bête et le bâtisseur. Vous chassez pour vivre, bâtissez pour exister. D’un côté, les combats en temps réel, nerveux et dynamiques, évoquent un Diablo en fusion avec un MOBA. Vous esquivez, frappez, déclenchez des capacités vampiriques choisies dans un éventail de disciplines sanguines. Chaque affrontement est une danse — brutale, mais rythmée. Loin de simples statistiques, les compétences sont des leviers tactiques : contrôle de foule, dégâts explosifs, mobilité surnaturelle. Le moindre sort a un poids, un coût, une implication.
De l’autre, la construction. Vous n’érigez pas un simple repaire : vous sculptez votre souveraineté. Le château est un prolongement de votre domination. Chaque mur bâti, chaque autel installé, chaque serviteur soumis à votre volonté matérialise votre emprise. Mais attention : le cœur du château réclame du sang. Un flux vital à entretenir, faute de quoi tout s’effondre — littéralement. La base n’est pas un décor : c’est un organisme. Il respire, il se défend, il dépérit.
Le level design quant à lui, évite l’illusion d’un monde trop ouvert. V Rising cloisonne avec intelligence. Chaque biome — forêt hantée, collines embrumées, carrières désolées — impose son tempo et ses dangers. Les routes sont truffées de patrouilles, les campements protègent des cibles de sang, et la verticalité du terrain favorise l’embuscade ou la fuite. Vous n’explorez pas : vous infiltrez.
Et lorsque vous traquez un boss — ces “porteurs de sang V” — c’est tout le jeu qui change de peau. Vous activez votre sens surnaturel, suivez des traces évanescentes, localisez votre proie comme un prédateur à l’ancienne. Ces cibles ne sont pas là pour cocher des cases : elles débloquent vos pouvoirs, vos crafts, votre avenir vampirique. Le jeu vous rend plus fort, oui. Mais il exige que vous le méritiez. Chaque boss est une énigme de pattern, un duel d’endurance, parfois un affront collectif.
Enfin, V Rising propose une approche hybride PvE/PvP particulièrement redoutable en multijoueur. Votre château peut être attaqué, votre domination contestée, vos serviteurs convertis. C’est un monde sans pitié, où l’empire d’un soir peut s’effondrer à l’aube. Mais même en solo, l’expérience reste tendue, vivante, pleinement accomplie.
C’est là que le génie opère : V Rising ne vous tient jamais la main. Il vous laisse saigner, échouer, recommencer. Et lorsqu’enfin vous dominez les cieux, ce n’est pas parce qu’on vous y a porté. C’est parce que vous les avez arrachés.
Crépuscule d’opale et cendres éternelles
Dans V Rising, la nuit n’est pas un décor : c’est un langage. Un murmure constant dans les feuillages noirs, un soupir de brume sur les ruines oubliées, un écrin de silence où chaque lumière devient une menace. Le monde n’est pas gothique au sens décoratif : il est gothique au sens organique. Il suinte la peur, le mystère, l’abandon. C’est un monde qui refuse la lumière et prospère dans l’obscur.
La direction artistique évite les clichés trop sombres pour mieux jouer sur les contrastes : des châteaux somptueux aux lueurs bleutées jaillissent au cœur de forêts luxuriantes, des autels impies irradient d’un pourpre malade au pied de collines paisibles. Tout, dans la composition visuelle, évoque une noblesse déchue. Vous bâtissez votre domaine sur les ruines d’un ordre effondré, et cela se voit dans les textures, les architectures, les reliques du monde d’avant.
L’éclairage dynamique est le véritable metteur en scène du jeu. Le jour, assassin, frappe sans pitié. Il vous traque, vous brûle, vous cloue à l’ombre de chaque mur. Le cycle solaire devient une mécanique en soi, un ennemi constant. Vous guettez les ombres comme un naufragé guette la marée. La nuit, elle, déploie sa splendeur. Le monde s’ouvre, respire, se révèle. C’est un monde qui s’adresse à ceux qui savent attendre.
Côté audio, V Rising se pare d’un écrin sonore aussi discret qu’éloquent. La bande-son signée Aleksandria Migova épouse parfaitement l’ambiance du jeu : des nappes ambient en clair-obscur, des thèmes solennels, presque religieux, où les instruments à cordes côtoient les percussions funéraires. Aucun morceau ne cherche à briller : tous enveloppent, suggèrent, contaminent l’espace. La musique n’est pas là pour accompagner vos exploits. Elle est là pour les faire peser.
Les bruitages renforcent cette immersion organique. Le craquement du bois sous les bottes d’un soldat, le frottement du métal des armures, les râles étouffés des créatures… Chaque son est pesé, calibré, jamais gratuit. Même le souffle du vent ou le murmure d’une cascade dans une gorge oubliée participent à une tension permanente. Rien ne rassure. Rien ne distrait. Tout est là pour rappeler que vous êtes un intrus, un prédateur, un roi sans trône.
Les effets visuels des pouvoirs, quant à eux, tranchent avec cette sobriété : éclats d’énergie, ombres projetées, effusions de sang surnaturelles. Ces fulgurances visuelles brisent le silence comme un coup d’orgue au milieu d’un requiem. C’est dans la retenue globale que jaillit la beauté des déflagrations.
V Rising est une œuvre d’atmosphère, pas de clinquant. Il vous happe dans une esthétique de la désolation majestueuse, vous contraint à regarder les ténèbres non comme un obstacle… mais comme une promesse.
Entre serviteurs et silence
V Rising ne se contente pas d’être un jeu d’action. C’est un écosystème vampirique. Un réseau de systèmes interconnectés, tissés autour d’une idée centrale : vous n’êtes pas un aventurier solitaire, vous êtes un souverain en devenir. Et un souverain ne se bat pas seul : il délègue, il optimise, il planifie.
Le système de serviteurs est à la fois mécanique et narratif. Vous capturez des humains — soldats, archers, bandits, nobles — pour les convertir en esclaves immortels. Une fois ramenés dans votre château, ils deviennent vos bras armés, explorant le monde à votre place, ramenant des ressources, défendant vos terres en votre absence. Plus qu’une simple automatisation, c’est une extension de votre volonté. Et leur fidélité n’est jamais acquise : certains peuvent trahir, d’autres s’affaiblir. Ce ne sont pas des pions, mais des ombres mouvantes.
Sur le plan technique, V Rising affiche une fluidité exemplaire, même sur des configurations modestes. La version 1.0 a considérablement optimisé les performances, avec un framerate stable et des temps de chargement quasi inexistants. Les bugs majeurs de l’accès anticipé — notamment ceux liés à la physique ou à la pathfinding des serviteurs — ont été largement corrigés. L’interface a également été remaniée : plus lisible, plus rapide, moins verbeuse. Tout va à l’essentiel, sans sacrifier la profondeur.
Du côté multijoueur, le jeu propose plusieurs modes de serveurs : PvE pur, PvP allégé, PvP hardcore avec siège de châteaux. Chaque configuration change radicalement la manière d’aborder l’expérience. En PvP, votre château devient une forteresse vulnérable : chaque mur bâti peut être détruit, chaque coffre pillé. Ce n’est pas une question d’équilibrage, mais de philosophie : la domination n’a de valeur que si elle peut être contestée.
Enfin, les développeurs ont mis l’accent sur l’accessibilité, avec de nombreuses options de personnalisation : vitesse du cycle jour/nuit, difficulté des boss, fréquence des ressources, permissivité des interactions entre joueurs. Le joueur peut donc sculpter son expérience, entre survie acharnée et domination contemplative.
V Rising ne vous impose pas un style de jeu. Il vous donne les outils pour créer le vôtre, à condition d’en assumer le coût. Car dans ce monde de pierre et de sang, chaque privilège est un fardeau, chaque victoire une dette.
Le réveil de la bête
La mise à jour 1.1 de V Rising, sobrement intitulée “Secrets of Gloomrot”, n’est pas un simple patch correctif. C’est une greffe à cœur ouvert, une transformation systémique qui propulse le jeu dans une nouvelle ère. Loin de se contenter d’ajouts cosmétiques ou de quelques boss supplémentaires, cette mise à jour redéfinit la structure même du monde, le rythme de progression, et l’ambition créative du titre.
La région de Gloomrot incarne cette métamorphose. Inspirée de l’imagerie steampunk et de l’esthétique électro-gothique, elle tranche violemment avec les paysages sylvestres et ruraux du jeu de base. C’est une terre de science interdite, saturée de foudre et de corruption, peuplée de génies déments, d’aberrations mécaniques, et de secrets industriels. Chaque zone de Gloomrot est une invitation au danger, mais aussi une promesse de puissance.
Ce nouveau territoire double presque la taille de la carte originale et introduit une verticalité inédite dans l’exploration. Les falaises, les ponts suspendus, les plateformes industrielles exigent une relecture des déplacements et des lignes de vue. L’environnement devient un piège autant qu’un terrain de chasse. Cette extension du level design ouvre la voie à une exploration plus libre, mais aussi plus méthodique : vous devez penser en trois dimensions.
Mais le vrai cœur de cette mise à jour, c’est la refonte du système de sorts et de talents. Les pouvoirs vampiriques sont désormais plus modulables, les synergies plus profondes. L’ajout de nouvelles branches et de modificateurs permet d’adapter son style à une infinité de configurations : contrôle, burst, mobilité, drain. Cela transforme chaque duel en un combat de stratégie plus que de réflexe.
Côté construction, le système de châteaux a été révisé en profondeur : pièces multi-étages, nouvelles décorations, plus grande liberté architecturale. Votre domaine n’est plus une base, c’est une cathédrale de ténèbres que vous pouvez modeler selon votre orgueil. Gloomrot impose des défis techniques, mais récompense par une esthétique frappante — l’alliance parfaite entre domination et décadence.
Enfin, le PvP a également été peaufiné : nouvelles mécaniques de sièges, équilibrage des protections de château, meilleure lisibilité des fenêtres de vulnérabilité. Désormais, l’attaque n’est plus une simple affaire de puissance brute. Elle demande planification, logistique, timing. Le jeu encourage les affrontements tactiques, pas les razzias aléatoires.
Secrets of Gloomrot n’est pas une extension : c’est une mue. Une réaffirmation artistique et systémique qui prouve que V Rising n’est pas figé dans sa forme initiale, mais bien un organisme vivant, prêt à muter à chaque pulsation de sang nouveau.
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