Développé par Leaf Team Games et publié par Eastasiasoft, Torinto est sorti le 24 mai 2023 sur Xbox Series. Présenté comme un run’n’gun médiéval où les armes à feu laissent place à l’acier, le jeu promettait une réinterprétation musclée du genre à défilement horizontal, entre baston rétro et fantasy stylisée.
Mais sous le vernis d’hommage, que reste-t-il d’un jeu censé allier intensité, originalité et coopération locale ? Une chevauchée brutale ou un pèlerinage en pilotage automatique ?
Un royaume sans nom et des héros sans voix
Torinto vous propulse dans un monde médiéval-fantastique sans jamais vraiment chercher à en dessiner les contours. Vous incarnez un chevalier — ou ce qui en tient lieu — armé d’une lame, face à des ennemis anonymes dans des décors standardisés : forêt, plaine, château. Aucun prologue, aucun contexte, aucun nom ne vient structurer cette aventure. Pas de narration, pas de doublage, pas de personnage défini. Juste une succession de niveaux aux enjeux vagues, où l’univers est une toile de fond aussi générique qu’oubliable.
Les ennemis n’ont ni charisme ni fonction narrative. Ils apparaissent, frappent, disparaissent. Les boss, censés marquer une progression dramatique ou visuelle, se contentent de jouer leur rôle mécanique, sans design marquant, sans mise en scène. Il ne s’agit pas de construire un monde, mais d’imiter ceux déjà vus, sans rien y ajouter.
Cette absence de récit, de dialogues ou même de symboles forts transforme l’expérience en simple exécution. Il ne reste aucun mystère, aucun souffle, aucune figure à retenir. Pas de lore, pas d’intention narrative, pas même une tentative de contextualisation. Torinto propose un monde… mais ne raconte rien.
Une boucle rouillée dans une armure trop grande
La proposition de Torinto est limpide : un run’n’gun médiéval où l’on remplace les balles par des lames, les fusils par des armes blanches, et les explosions par des roulades maladroites. Ce décalage d’intention aurait pu générer un système de combat vif et tactique. Il n’en est rien. Le cœur du gameplay repose sur des attaques de mêlée à courte portée, contre des ennemis au comportement téléphoné et aux patterns rapidement épuisés.
Les niveaux s’enchaînent sur un défilement horizontal classique, ponctués d’obstacles récurrents : fosses, plateformes branlantes, pièges prévisibles. Aucun d’entre eux ne surprend. L’ensemble devient rapidement mécanique, sans tension, sans courbe d’apprentissage. Chaque séquence rejoue la précédente, sans invention, sans variation rythmique, sans montée dramatique.
La difficulté, elle, est incohérente. Certains ennemis tombent en deux coups, d’autres vous submergent sans logique. Les boss alternent entre la formalité et la punition gratuite, avec des hitboxes floues et des phases déséquilibrées. Le jeu tente de jouer sur l’intensité, mais échoue à la construire. Ce n’est pas un défi : c’est une suite d’à-coups.
Le mode coopératif local aurait pu devenir un refuge. Mais il souffre d’un manque criant de finition. Synchronisation d’attaques erratique, collisions imprécises, bugs de placement, latence en local : tout semble jouer contre la fluidité, jusqu’à rendre l’expérience à deux plus chaotique que complémentaire. Ce n’est pas de la coopération, c’est de l’interférence.
Le ressenti général est celui d’un prototype allongé, fonctionnel mais jamais affûté, répétitif sans jamais trouver de rythme, et trop rigide pour générer du plaisir sur la durée. Un run’n’gun ne fonctionne que si chaque pas, chaque saut, chaque coup frappé, donne l’impression d’une réponse fluide à l’action. Torinto frappe, mais il rebondit dans le vide.
Un enrobage fané dans un pixel sans relief
Torinto adopte un style pixel art rétro, revendiqué comme un hommage aux classiques du genre. Mais cet hommage sonne creux. Les décors sont plats, les textures répétitives, les arrière-plans figés, comme extraits d’un moteur de génération automatique. Aucun lieu ne dégage d’identité, aucune scène ne marque l’œil. Forêts, châteaux, champs : tout se fond dans une grisaille visuelle générique, incapable d’évoquer un monde.
Les animations, elles, sont saccadées, raides, artificielles. Chaque mouvement semble découplé du suivant, chaque saut déconnecté de la gravité. Les coups frappent, mais sans impact. Les ennemis se désagrègent sans effet, les boss s’effondrent sans théâtre. Ce n’est pas une mise en scène : c’est une suite d’assets assemblés à la chaîne.
Les effets visuels ne rattrapent rien. Les éclairs sont discrets, les explosions invisibles, les transitions inexistantes. Tout semble opérer en sourdine, comme si le jeu refusait le spectaculaire par crainte de casser son rythme déjà morne. Là où d’autres jeux en pixel art subliment la contrainte par la composition ou le dynamisme, Torinto se contente du minimum.
Côté audio, le constat est identique. Une bande-son discrète, sans thématique, sans construction mélodique. Des nappes ambiantes répétées, des percussions mécaniques, et aucun moment de tension sonore marquant. Les bruitages sont fonctionnels, mais sourds : coups sans percussion, sauts muets, ennemis qui disparaissent sans un cri. Même les boss ne bénéficient d’aucun traitement particulier.
Rien ne vibre, rien ne respire. Torinto échoue à construire un habillage capable de porter ses maigres fondations ludiques. Ce n’est pas un retour à l’essentiel : c’est une dépense minimale, un pixel art sans intention, une bande-son sans résonance.
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