Sorti le 04 Juillet 2023 sur Nintendo Switch, The Settlers: New Allies marque le retour d’une licence mythique du jeu de stratégie en temps réel, initiée dans les années 90 par Blue Byte, aujourd’hui intégré à Ubisoft. Réputée pour sa finesse de gestion et son savant équilibre entre logistique et conquête, la série tentait ici un nouveau départ, en s’adaptant aux standards modernes tout en capitalisant sur son héritage.
Ce portage console, attendu comme un pont entre deux générations de joueurs, promettait une refonte graphique, une interface revisitée et une expérience plus fluide. Pourtant, derrière cette volonté de dépoussiérage se cache un chantier mal ficelé, où chaque ajout semble en avoir effacé deux. Alors que reste-t-il de la magie d’antan ? Et surtout, New Allies parvient-il à poser de nouvelles pierres solides, ou seulement à rebattre les gravats d’un empire éteint ?
Un empire sans souffle ni légende
Dans The Settlers: New Allies, vous incarnez le meneur d’une colonie exilée, forcée de rebâtir son avenir dans un monde inconnu. Cette promesse de renouveau, pourtant riche de potentiel, s’étiole dès les premières missions, engoncée dans une trame trop sommaire pour susciter l’implication. Les enjeux politiques, les conflits territoriaux ou les luttes idéologiques ne sont qu’effleurés, tandis que les dialogues se bornent à des échanges fonctionnels, dépourvus de personnalité.
La narration se déploie sans relief, portée par des personnages aux contours flous, à peine nommés, jamais incarnés. L’univers, quant à lui, semble figé dans une neutralité scénaristique volontaire, comme si l’on craignait que la moindre originalité vienne troubler la lisibilité stratégique. Aucun peuple n’est réellement caractérisé, aucun antagoniste ne marque l’esprit, aucune histoire ne s’écrit au fil des parties. Le récit glisse, transparent, sur une surface lisse.
Les missions de campagne, censées structurer cette épopée, s’enchaînent selon un schéma répétitif : construire une base, rassembler des ressources, repousser un ennemi. Aucune variation, aucun rebondissement, aucune surprise narrative ne vient rehausser ce déroulé linéaire. Le sentiment d’aventure, jadis indissociable de la série, cède ici sa place à une mécanique fonctionnelle, vidée de toute sève dramatique.
The Settlers: New Allies fait ainsi le choix de l’abstraction scénaristique, mais sans en tirer l’élégance minimaliste. Ce n’est ni un conte, ni un roman stratégique. Juste une succession de tâches, sans âme, sans mémoire.
Des outils émoussés sur un échafaudage bancal
Au cœur de The Settlers: New Allies subsiste l’ossature historique de la série : la gestion fine des ressources, l’optimisation logistique et la lente construction d’un empire. Mais si l’on retrouve les gestes fondamentaux – extraction de pierre, découpe de bois, acheminement de nourriture –, le résultat final s’apparente davantage à une version allégée qu’à une véritable évolution.
La gestion, autrefois pointilleuse et gratifiante, a été rabotée pour convenir à un rythme plus immédiat. Les chaînes de production sont désormais automatisées, les contraintes de placement assouplies, les décisions stratégiques réduites à l’essentiel. Ce qui autrefois exigeait une organisation millimétrée s’apparente désormais à une série d’actions mécaniques. Le plaisir de l’optimisation s’efface devant une accessibilité qui sacrifie la profondeur.
Le système de combat, censé dynamiser l’ensemble, accentue encore le déséquilibre. Les affrontements sont lancés avant même que l’économie ne soit consolidée, forçant le joueur à improviser des défenses avec des unités sommairement produites. Aucune subtilité tactique ne vient enrichir ces séquences : pas de formations, pas de hauteurs, pas de capacités spéciales. Les batailles se résolvent dans un chaos désordonné, où la quantité l’emporte trop souvent sur la stratégie.
Cette fusion entre gestion et militaire, pilier de la licence, ne fonctionne ici que sur le papier. Dans les faits, chaque pan du gameplay semble sous-développé, comme si le jeu hésitait à trancher entre la complexité d’un Anno et la nervosité d’un Command & Conquer, sans jamais choisir son camp.
En termes de structure, les missions se répètent avec des objectifs identiques, reposant systématiquement sur l’expansion économique suivie d’une conquête militaire. L’absence de variation dans les contraintes, les cartes ou les conditions de victoire engendre une lassitude rapide. Même les modes annexes – escarmouches ou multijoueur – ne parviennent pas à renouveler l’intérêt, tant les mécaniques fondamentales restent figées.
The Settlers: New Allies laisse l’impression d’un prototype fonctionnel, mais privé de nuances, de tensions, et d’élans systémiques. Un squelette bien aligné, mais sans chair, sans vertèbres, sans battement.
Un tableau charmant sous un vernis trop fin
Dès les premiers instants, The Settlers: New Allies déploie un monde visuellement accueillant, fidèle à l’esthétique chaleureuse de la série. Forêts foisonnantes, villages pittoresques, rivages apaisants, tout ici respire la volonté de recréer une atmosphère médiévale idéalisée, où chaque bûcheron, chaque bâtisseur, chaque soldat s’affaire dans une routine observable. Les animations des unités, bien qu’élémentaires, insufflent un minimum de vie à ce petit théâtre stratégique.
L’interface, claire et épurée, facilite la lecture des ressources, des flux de production et des interactions. Sur ce point, les développeurs ont su adapter les fondamentaux de la gestion à une console, avec une navigation fluide et ergonomique à la manette, qui mérite d’être saluée.
Mais cette patine visuelle peine à masquer un fond techniquement fragile, particulièrement sur Nintendo Switch. En mode portable, les textures se brouillent, les contours se dissolvent, et la lisibilité générale se dégrade fortement. En mode docké, le rendu gagne en netteté, mais reste en retrait par rapport aux standards actuels : effets de lumière basiques, ombres plates, reflets absents, tout concourt à une image propre mais sans éclat.
Les environnements, s’ils varient en termes de biomes, réutilisent les mêmes modèles de bâtiments et de décors, jusqu’à susciter une certaine monotonie. Cette répétitivité visuelle, couplée à l’uniformité des animations, affaiblit la sensation de progression, pourtant essentielle dans un jeu de construction.
Côté bande-son, New Allies joue la carte de la discrétion. Les compositions orchestrales, bien que convenues, accompagnent agréablement les phases de développement, sans jamais parasiter l’attention. Les bruitages sont fonctionnels — coups de marteau, cris d’unités, crépitements de feu — mais manquent de relief. Rien ne dérange, mais rien n’enchante non plus.
Enfin, les problèmes techniques viennent assombrir l’ensemble : ralentissements fréquents, notamment lors des combats impliquant de nombreuses unités, bugs d’affichage, déplacements erratiques des personnages, voire blocages ponctuels de l’IA. Autant de détails qui, cumulés, grignotent lentement l’immersion.
The Settlers: New Allies affiche donc une direction artistique aimable, mais incapable de transcender les limites techniques de la Switch. Une façade soignée, derrière laquelle les fissures sont bien visibles.
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