Prévu pour une sortie sur PC le 26 juin 2025, The Long Fall Home n’ouvre pas sur une promesse. Il ouvre sur une chute. Quatre corps cryogénisés en 1969 se réveillent un demi-siècle plus tard, seuls, flottants, dans une base lunaire disloquée. Le monde a changé. L’espace aussi. Et la logique, elle, semble avoir déserté.
Développé par NFG, ce jeu de plateforme coopératif pour un à quatre joueurs vous propulse dans un univers sans gravité stable, peuplé de cétacés suspendus et de structures mécaniques absurdes. La démo jouable, encore incomplète, esquisse un projet où chaque saut devient une négociation, chaque énigme une mise en tension physique.
Mais derrière ce vertige spatial, une question persiste : The Long Fall Home parviendra-t-il à faire de sa chute un voyage — ou seulement une perte d’équilibre ?
Corps figés et trajectoires disloquées
The Long Fall Home ne raconte pas l’héroïsme spatial. Il raconte l’inconnu. Vous incarnez quatre volontaires cryogénisés en 1969 pour une mission que le jeu ne cherche jamais à expliquer. Ce qui compte, ce n’est pas le départ. C’est le réveil. Et le réveil est une fracture. Le temps a glissé. Le décor aussi. Rien ne vous attend. Tout vous interroge.
La narration n’est pas livrée sous forme de dialogues ou de cutscenes. Elle est spatiale, architecturale, fragmentée. Une porte marquée d’un alphabet oublié. Une baleine flottant au milieu d’un corridor. Un escalier qui ne mène à rien. Le monde est muet, mais chaque environnement émet un langage. Il ne vous guide pas, il vous trouble. Et c’est précisément là que le jeu affirme une forme d’intelligence narrative : il ne décrit pas, il disloque.
Les personnages incarnent une complémentarité silencieuse. Aucun rôle n’est surdéfini. Aucun n’a de passé pré-mâché. Mais dans la coopération implicite qu’exige chaque passage, un lien se forme — par le geste, par le positionnement, par le silence. Ce n’est pas un casting. C’est un équilibre.
Il ne s’agit pas ici de suivre une histoire. Il s’agit de la traverser. Et de comprendre que ce que vous incarnez n’est pas un héros spatial, mais une anomalie éveillée trop tard.
Sauts suspendus et poids du collectif
The Long Fall Home affirme une mécanique précise : chaque mouvement doit être calculé. La gravité varie, l’inertie persiste, et le terrain devient un espace à interpréter. On ne saute pas pour avancer, on s’élance pour comprendre. Chaque plateforme exige une lecture, chaque trajectoire engage une décision. Rien n’est automatique.
Le level design compose des zones courtes, mais toujours conçues pour déclencher un ajustement : à deux joueurs, un levier demande coordination ; à quatre, le poids de chaque corps influe sur l’axe d’une plateforme. Le décor devient partenaire, jamais décoratif. Il pousse à dialoguer. À réessayer. À réfléchir non pas seul, mais à plusieurs.
La physique, au cœur du gameplay, évite l’excès de chaos : elle conserve une cohérence interne. Les sauts répondent, les masses interagissent, les volumes réagissent aux pressions. Le joueur apprend par le geste. L’élan devient apprentissage. L’échec produit une leçon immédiate, sans punition.
Le choix de la coopération n’est pas un habillage. Il structure l’expérience. Joué en solo, The Long Fall Home conserve ses qualités de lecture spatiale. Mais en multijoueur, il révèle son essence : une négociation constante d’espace, de poids, de rôle. Rien ne fonctionne sans coordination. Chaque niveau devient un pacte temporaire.
Le jeu n’impose pas la performance. Il propose une écoute mutuelle, traduite par le déplacement. Et dans cet échange, il dessine une forme de langage propre.
Structures flottantes et horizons dissonants
The Long Fall Home revendique un univers visuel à part. Chaque décor semble extrait d’un rêve d’astronaute oublié : structures suspendues sans logique apparente, couloirs tordus comme des vertèbres, modules d’habitation transpercés de racines métalliques. L’ensemble ne cherche pas la cohérence réaliste, mais l’impact symbolique. Le level design devient sculpture. L’architecture, une langue étrangère.
La direction artistique joue sur l’opposition constante entre masse et vide. Des baleines mécaniques dérivent au-dessus de coursives lunaires. Des éclats de lumière filtrent à travers des dômes fracturés. À chaque détour, une anomalie visuelle propose non pas une énigme, mais une interrogation. Le regard n’est jamais fixé. Il cherche. Et ce regard actif alimente la mécanique de jeu : l’œil devient outil de navigation.
Côté sonore, la titre installe une ambiance discrète mais tendue. Les nappes synthétiques flottent sans jamais saturer l’espace. Le silence a sa place, entre deux sons distants : une vibration métallique, un signal brouillé, un écho de pas démultiplié par la réverbération lunaire. L’environnement parle doucement, mais il parle.
Les interactions sonores entre joueurs, même en l’absence de chat vocal intégré, trouvent leur traduction dans les bruits de déplacements, les impacts, les déclenchements de mécanismes. Le jeu n’exige pas le langage articulé : il construit un espace où les sons suffisent à créer une dynamique commune.
Rien n’est illustratif. Tout est posé avec intention. Et cette intention, dans sa retenue, confirme une maîtrise rare pour un titre encore en gestation.
Cadre expérimental et accès sous contrainte coopérative
Dans sa forme actuelle, The Long Fall Home pose déjà les bases d’un système stable. Le jeu, disponible sur PC, tourne de manière fluide, sans instabilité technique majeure. Le moteur assure une cohérence physique fiable, même lors des séquences les plus complexes, où plusieurs corps doivent interagir sur une même plateforme dynamique. Aucun accroc perceptible dans les phases de charge, aucune désynchronisation notable en multijoueur local ou en ligne. Le socle est solide.
L’expérience coopérative n’est pas un module secondaire : elle est centrale. Le design de certains puzzles oblige à répartir les corps, à organiser les mouvements, à calculer le timing sans aide extérieure. Ce choix impose une véritable discipline de groupe. L’espace ne se traverse pas seul. Il se négocie.
En solo, le jeu reste praticable grâce à un système de permutation entre avatars, mais certaines séquences révèlent une inertie frustrante, faute de soutien direct. Un équilibrage est nécessaire, et l’on perçoit clairement que la version finale devra affiner cette dualité entre expérience collective et parcours individuel.
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