Vous prenez le commandement d’une armée grecque déchue, forcée de reconquérir un royaume ravagé sous une tyrannie perse. The Last King se présente comme un hybride stratégique-action dans un monde ouvert : recrutements, construction de campements, gestion de ressources, combats en temps réel et siège de villages à libérer. L’ambition est épique : refonder une cité grecque, étendre votre influence, affronter les Perses et les barbares dans un décor antique mêlé de survie, diplomatie et conquête.
Pourtant, ce projet tombe dans la difficulté dès son premier pas : menus confus, interface approximative, bugs visuels, ressources qui ne spawent pas, animations maladroites — autant de plaintes répétées par les utilisateurs dès les heures initiales. L’enthousiasme du pitch résiste-t-il à l’expérience concrète ? Ou l’Early Access s’effondre-t-il déjà sous le poids de ses promesses mal maîtrisées ?
Fragments d’épopée dans un monde à reconstruire
The Last King tente d’ériger un récit à la hauteur de ses ambitions : une odyssée antique, entre chute d’un royaume et reconquête d’une identité perdue. Vous incarnez un roi sans nom, dernier héritier d’une lignée grecque balayée par les envahisseurs perses. L’intrigue se veut fondatrice : regagner l’honneur, fédérer les survivants, reconstruire une cité, repousser l’ennemi. Un mythe classique, presque homérique. Mais cette noblesse thématique se heurte à une exécution fragile.
L’histoire est livrée par fragments : quelques dialogues entre compagnons, des lignes de texte lors de la prise d’un village, des bribes d’indices sur l’ancien royaume à travers les ruines. Il n’y a ni cinématique d’introduction, ni narration voix-off, ni journal de campagne solide. Le joueur doit reconstruire le sens au fil des tâches, en reliant les points épars d’un monde laissé en l’état.
Les personnages secondaires, bien que nommés, manquent de chair. Un forgeron vous conseille sur les armes, un stratège murmure à propos d’alliances possibles, une guérisseuse évoque la souffrance du peuple. Mais tous restent à distance. Pas d’arcs narratifs propres, pas de dilemmes, pas de dialogues évolutifs. Ils sont là pour incarner une fonction, pas pour raconter un destin. Ils jalonnent la route sans jamais l’éclairer.
Le roi lui-même, bien que central, demeure abstrait. Aucun choix moral, aucun dialogue décisif, aucun conflit personnel ne viennent incarner sa charge. Il avance, ordonne, bâtit, mais sans affect, sans voix, sans regard posé sur son propre passé. Il n’a ni faiblesse, ni rêve. Il est un curseur, pas un héros.
Et pourtant, quelque chose affleure. La géographie du monde — ses ruines, ses temples pillés, ses villages désertés — raconte une histoire que les mots ne portent pas. Un récit visuel, lacunaire, mais sincère. Il manque un liant, un souffle, une incarnation. Mais sous la poussière de l’Early Access, le mythe n’est pas totalement mort.
Règne sablonneux sur fondations mal cimentées
Sur le papier, The Last King ambitionne un mélange riche : stratégie temps réel, gestion de ressources, exploration libre, combat à la troisième personne. Une inspiration visible de Mount & Blade, Total War et Kingdom Come, transposée dans un monde antique. Mais une fois en jeu, l’empilement de systèmes se heurte à une fragilité constante. Tout fonctionne, mais rien ne tient.
La base du gameplay repose sur la fondation d’un camp. Vous y construisez forges, champs, casernes, zones de stockage. Chaque bâtiment réclame des ressources — bois, pierre, or — qu’il faut récolter manuellement ou via des recrues assignées. Mais l’interface de construction est imprécise, les zones constructibles mal délimitées, et les priorités d’IA chaotiques : les ouvriers abandonnent souvent leurs tâches, les collecteurs errent sans but, les ressources disparaissent sans logique apparente.
L’exploration, en vue TPS, se fait à pied ou à cheval. Le terrain, vaste mais peu peuplé, propose des villages à libérer, des temples à visiter, des embuscades à éviter. Mais la topographie manque de lisibilité : points d’intérêt mal signalés, interactions contextuelles peu réactives, transitions entre zones brutales. On se déplace beaucoup, mais rarement avec un objectif clair. L’impression dominante est celle d’un monde trop vaste pour ses contenus actuels.
Le système de combat est volontaire, mais approximatif. Vous pouvez engager des escarmouches en temps réel : donner des ordres de flanc, gérer les formations, déclencher des attaques spéciales. Mais les collisions sont floues, les animations rigides, les retours de coups faibles. L’IA ennemie se borne à charger ou fuir, sans ruse ni coordination. Les sièges de village, censés constituer les pics de tension, se réduisent à des mêlées confuses.
Enfin, la progression générale manque de rythme. Pas de quêtes secondaires complexes, pas de système diplomatique dynamique, pas d’évolution claire de votre royaume. On débloque des unités, on étend son territoire, mais sans retour tangible sur la narration ou les conditions de victoire. Le sentiment de montée en puissance est dilué dans une répétition mal calibrée.
The Last King tente beaucoup, mais exécute peu. Les mécaniques sont là, parfois ambitieuses, mais trop brutes, trop bancales, trop isolées. Le squelette d’un grand jeu existe — mais il vacille à chaque pas.
Antiquité désolée sous filtres fêlés
Visuellement, The Last King vise une reconstitution sobre de la Grèce antique, entre plaines poussiéreuses, villages ruinés, temples éventrés. L’intention artistique est claire : l’austérité, la désolation, le mythe brisé. Mais l’exécution trahit un manque de finition à chaque plan. Le moteur graphique peine à rendre justice aux ambitions : textures baveuses, éclairage mal équilibré, modèles polygonaux anguleux. Chaque élément du décor semble figé, comme si le temps lui-même avait cessé de circuler.
Les personnages, malgré une tentative de diversité vestimentaire, partagent les mêmes animations rigides. Les visages sont inexpressifs, les corps se déplacent avec une raideur de pantin. Même les unités militaires, censées représenter votre armée, peinent à se distinguer : peu d’effets de foule, pas d’équipement distinctif, pas d’évolution visuelle selon la progression.
La direction artistique manque d’audace. Tout est beige, pierre, sable. Les temples ne brillent jamais, les statues ne fascinent pas, les cieux ne racontent rien. Il n’y a pas de moment de sidération, pas de carte mémorable, pas de point de vue frappant. Le monde paraît abandonné avant même d’avoir été conquis.
Côté son, le constat est tout aussi mitigé. Quelques nappes musicales tentent d’évoquer une ambiance antique — percussions graves, flûtes sèches, cordes tendues — mais elles se déclenchent sans logique rythmique, et s’interrompent brutalement. Les transitions sont mal gérées, les effets de spatialisation absents. L’ensemble évoque plus un prototype sonore qu’un univers vivant.
Les bruitages, eux, varient de l’acceptable au rudimentaire. Bruits de pas identiques sur tous les sols, cris de combat répétés à l’identique, bruits d’interface sourds. Aucun raffinement, aucune mise en scène auditive. Même les moments censés être épiques — assaut, libération d’un village, victoire d’un siège — manquent de poids sonore. Le jeu ne ponctue jamais ce qu’il déclenche.
Enfin, aucune trace de doublage vocal n’est encore présente dans cette version. Les dialogues sont affichés en texte brut, sans mise en page, sans effet visuel. Ce silence pèse lourd dans une épopée censée faire vibrer la mémoire d’un royaume.
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