En 1998, les salles d’arcade vibraient au rythme des cris et des coups de feu, quand The House of the Dead 2 imposait sa cadence infernale et son esthétique macabre. Tir automatique sur rails, enchaînement frénétique de couloirs saturés de zombies, doublages volontairement outranciers : le jeu avait tout du spectacle assumé, brut, instantané. Plus qu’un simple divertissement, il incarnait une époque, celle où l’adrénaline se mesurait à la vitesse de vos réflexes et à la tension de la gâchette.
Vingt-cinq ans plus tard, The House of the Dead 2: Remake ressurgit sur Switch avec une mission claire : restituer la pulsation originale tout en la filtrant par les outils d’aujourd’hui. Graphismes retravaillés, bande-son remastérisée, ajout de modes annexes, multijoueur coopératif pensé pour la console hybride : l’expérience arcade s’offre une nouvelle enveloppe, sans jamais renier son identité première.
Mais au-delà des effets visuels modernisés et des apports techniques, une question persiste : ce remake parvient-il à redonner le même vertige qu’à l’époque, cette impression d’être happé par un cauchemar dont la seule issue était la précision de vos tirs ?
Une fresque de chair et de sang figée dans le mythe
À l’époque de sa sortie originale, The House of the Dead 2 n’avait pas besoin d’un récit complexe pour captiver. L’intrigue se posait comme une toile de fond : Venise, théâtre macabre d’une nouvelle épidémie orchestrée par les expériences folles du mystérieux Goldman, héritier spirituel du scientifique fou Curien. Le remake conserve cette trame intacte. Les joueurs incarnent les agents James Taylor et Gary Stewart, envoyés par l’AMS pour contenir l’invasion et mettre fin aux agissements de leur adversaire.
L’histoire, volontairement simple, reste linéaire, mais elle s’imprègne d’un parfum théâtral. Goldman n’est pas seulement un antagoniste : il est une silhouette tragique, une figure de mégalomanie dont le discours déclamatoire et l’esthétique exagérée rappellent que le kitsch faisait partie intégrante du charme original. Dans ce remake, son rôle est conservé dans toute sa démesure, avec un doublage toujours aussi appuyé, assumant une théâtralité que d’autres productions modernes auraient gommée.
Les compagnons d’armes, eux, existent davantage comme présences fonctionnelles que comme personnages approfondis. Amy Crystal et Harry Harris, déjà présents dans la version arcade, gardent cette aura secondaire : brèves interventions, phrases de soutien, simples silhouettes au milieu de la déferlante. Pourtant, leur place est essentielle. Ils incarnent cette mémoire collective de l’arcade, des figures reconnaissables qui contribuent à l’identité du récit, sans jamais prétendre voler la vedette à James et Gary.
L’écriture, dans ce remake, ne cherche pas à réinventer. Elle fige. Elle redonne ses couleurs criardes à un récit qui était pensé pour être survolté, immédiat, presque caricatural. L’intérêt narratif ne vient pas de la complexité, mais de l’impact : un décor en ruines, des dialogues jetés comme des slogans, un antagoniste démesuré. Le jeu n’a jamais prétendu au réalisme psychologique, et le remake l’assume pleinement. Mais c’est précisément dans ce choix — ne rien gommer, ne rien lisser — que réside sa fidélité et, paradoxalement, sa force.
Un rail figé dans la vitesse et l’instinct
The House of the Dead 2: Remake ne cache rien : il reste un pur rail shooter, fidèle à l’expérience arcade d’origine. Le joueur n’a aucun contrôle sur ses déplacements. Il est conduit, transporté à travers des couloirs saturés de pièges, de zombies, de créatures grotesques. Sa seule arme est le réflexe. Tirer, recharger, tirer encore. La simplicité de la formule est inchangée, et c’est cette rigidité qui fait sa force comme sa limite.
Les niveaux, reconstitués avec un soin particulier, reproduisent les ambiances variées de l’original : ruelles de Venise, canaux noyés de brume, intérieurs délabrés, catacombes étouffantes. Le jeu ne cherche pas à surprendre par de nouveaux environnements, mais par une relecture plus détaillée. Le level design reste celui d’une succession de couloirs, ponctuée d’intersections où vos tirs, vos choix rapides, modifient subtilement la progression. Sauver un civil, abattre un ennemi à temps, échouer à protéger un allié : autant de micro-variations qui créent un sentiment de tension immédiate, même dans une structure figée.
Le cœur du système repose sur la nervosité des combats. Chaque affrontement est un duel d’instinct : viser vite, identifier la menace, économiser ses recharges. La Switch, avec ses Joy-Con, propose une prise en main alternative qui évoque l’esprit des pistolets optiques, mais sans jamais en retrouver la précision parfaite. L’expérience en souffre : la visée peut paraître flottante, imprécise, et l’adrénaline d’antan se dilue parfois dans la frustration technique.
Le remake ajoute quelques modes parallèles — entraînement, galerie de boss, défis spécifiques — qui prolongent la durée de vie au-delà de la campagne principale. Ces variations restent accessoires, mais elles offrent un cadre supplémentaire pour affûter ses réflexes. Le multijoueur local, cœur de l’arcade, est présent, et demeure le meilleur moyen d’éprouver la frénésie du jeu. À deux, l’expérience reprend sa dimension sociale : un échange de cris, de rires nerveux, de tirs paniqués.
Mais cette fidélité a un revers. Le gameplay, dans sa pureté, accuse le poids des années. Sa simplicité est brutale, efficace, mais aussi répétitive. Là où certains remakes osent moderniser, celui-ci choisit la reproduction. L’instinct est là. La tension est là. Mais la profondeur ludique n’évolue pas. Et c’est à ce prix que le jeu reste ce qu’il a toujours été : une relique jouable, plus polie, mais jamais transformée.
Un vernis moderne sur une mascarade macabre
Visuellement, The House of the Dead 2: Remake opte pour une refonte complète des modèles et des décors. Les textures sont plus fines, les éclairages retravaillés, l’eau et la brume de Venise gagnent en densité. L’ensemble propose une image plus nette, plus lisible, mais qui conserve volontairement l’exagération graphique de l’original. Les créatures gardent leurs silhouettes grotesques, leurs animations raides, leurs postures théâtrales. Ce choix, loin d’être une faiblesse, affirme l’identité kitsch de la série : un spectacle sanglant qui n’a jamais cherché la vraisemblance, mais l’impact immédiat.
La mise en scène accentue cet héritage. Chaque apparition d’ennemi est cadrée comme une entrée en scène, chaque couloir un décor de théâtre. Le moteur graphique modernisé sert ce parti pris : ombres marquées, reflets agressifs, effets de lumière soudains. Mais ce vernis a ses limites. Sur Switch, la fluidité peine parfois, les textures secondaires accusent une baisse de définition, et certaines séquences sombres manquent de lisibilité. Le remake vise la fidélité, pas la révolution technique, et cela se ressent.
La bande-son suit la même logique. Les musiques originales, réorchestrées, gardent leur souffle martial et leur intensité dramatique. Le joueur peut basculer à tout moment vers la version classique, un détail qui témoigne du respect de l’héritage. Les sons des armes claquent avec plus de netteté, les grognements ennemis gagnent en relief, et l’ambiance sonore globale enveloppe mieux les affrontements. Mais le choix le plus marquant reste le maintien des doublages outranciers. Les voix, volontairement caricaturales, oscillent entre sérieux forcé et kitsch assumé. Ce qui pouvait prêter à sourire en 1998 demeure intact, et c’est précisément ce décalage qui continue de faire le sel de l’expérience.
Le résultat est paradoxal. Modernisé dans sa forme, le remake reste figé dans son essence. Il offre une image plus propre, un son plus enveloppant, mais ne gomme rien de l’outrance, rien de l’exagération. Au contraire, il les souligne. The House of the Dead 2: Remake ne cherche pas la beauté, il revendique le grotesque. Et dans cette fidélité se cache sa cohérence.
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