Développé par IC Games et sorti dans l’indifférence quasi totale, The Bounty Huntress s’impose d’emblée comme un mystère embarrassant. Aucun passif identifiable, aucune production antérieure digne de ce nom : le studio semble avoir jailli d’un néant numérique pour livrer un titre sans visage. Ce flou contextuel aurait pu éveiller la curiosité, nourrir une découverte brute, détachée de tout bagage ou a priori. Mais dans les faits, cette absence de pedigree ne cache rien d’autre qu’un exercice bancal, une parodie de metroidvania ressassé, exécuté sans vision, ni maîtrise, ni ambition.
Dès les premiers instants, une impression désagréable s’installe : celle de ne pas jouer à un jeu, mais de participer malgré soi à une démonstration technique inachevée. Interface générique, direction artistique absente, mécaniques mal greffées – The Bounty Huntress ressemble moins à une œuvre interactive qu’à un brouillon d’étudiant, condamné à errer dans les limbes de la boutique numérique.
Alors que le genre fourmille de productions indépendantes brillantes capables de réinventer leurs propres héritages, IC Games signe ici un retour en arrière douloureux. La chasseuse de primes que vous incarnez ne traque rien d’autre que les vestiges d’un game design révolu.
Les ruines d’un récit sans fondation
Vous incarnez Rhea, chasseuse de primes parachutée dans un village déserté, voisin d’un château sinistre infesté de créatures hostiles. L’objectif ? Libérer les habitants disparus et dissiper un mal ancien. Ce point de départ, recyclé jusqu’à l’usure, aurait pu servir de tremplin à une relecture stylisée du mythe Castlevania. Au lieu de cela, il s’agit d’une coquille vide, désespérément figée dans une narration rudimentaire, incapable de construire quoi que ce soit au-delà d’un prétexte.
Le scénario ne raconte rien. Il s’étale comme un tissu usé, troué de dialogues inconsistants, sans souffle, sans progression, sans révélations. Chaque interaction textuelle se heurte à une écriture automatique, semblable à une traduction approximative d’un synopsis abandonné. L’anglais, seul idiome disponible, se révèle mal maîtrisé, voire maladroit, annihilant la moindre tentative d’immersion. Le récit n’avance pas : il piétine, s’effiloche, et finit par s’évaporer au contact du vide qui l’entoure.
Aucun personnage secondaire ne vient donner chair à cet univers exsangue. Rhea, héroïne sans voix ni psychologie, traverse les lieux comme une silhouette errante, dépourvue de but autre que celui imposé par une mécanique de jeu éculée. Pas de dilemme, pas de transformation, pas même une ligne de dialogue capable de hisser cette parodie de trame narrative au-dessus du seuil de la médiocrité fonctionnelle. On ne retient rien. Pas une rencontre, pas une confrontation, pas une idée.
Le récit, en somme, n’est pas un axe de jeu. Il est un obstacle. Un bruit de fond maladroit, qui parasite l’expérience au lieu de l’enrichir.
Un squelette de jeu sans colonne vertébrale
The Bounty Huntress adopte en apparence les codes du metroidvania : une carte à explorer, des ennemis à combattre, des capacités à débloquer. Mais ce n’est qu’un décor de carton mal assemblé. Sous cette surface familière, aucune mécanique ne tient debout. L’ensemble est bancal, comme si chaque système avait été greffé sans réflexion d’ensemble, sans cohérence ni compréhension du genre qu’il prétend incarner.
Le cœur du problème, c’est le gameplay lui-même. Les hitbox sont imprécises, parfois injustes, rendant chaque affrontement plus fastidieux que stimulant. Les contrôles manquent de réactivité, avec une configuration étrange qui semble avoir été pensée à contre-courant de toute logique ergonomique. Les attaques s’enchaînent sans sensation, les sauts manquent d’amplitude, et les retours visuels sont quasi inexistants. Chaque combat devient une corvée, chaque saut un pari instable.
Le système d’expérience, censé dynamiser la progression, n’est qu’un artifice sans intérêt. Les gains sont lents, les effets des améliorations à peine perceptibles, et aucune montée en puissance ne vient récompenser l’effort. Le sentiment d’évolution, central dans tout bon metroidvania, est ici totalement absent. Le jeu stagne, et vous avec lui.
Quant au level design, il oscille entre le minimalisme paresseux et l’erreur pure. Les zones se répètent, les ennemis aussi. L’exploration est mécanique, dénuée d’incitation réelle, avec des allers-retours forcés dans des environnements plats, sans repères visuels, ni secrets dignes de ce nom. On avance par automatisme, non par envie. Le château maudit n’a rien d’un labyrinthe fascinant : c’est un couloir discontinu, habillé d’un brouillard algorithmique.
Aucun sens du rythme, aucune montée en tension, aucun moment fort. Le gameplay de The Bounty Huntress est un désert d’intentions, incapable d’offrir la moindre prise à quiconque cherche une expérience interactive digne de ce nom. Ce n’est pas simplement un échec de conception : c’est l’illustration d’un abandon créatif complet.
Des textures sans âme et des silences mal habités
Visuellement, The Bounty Huntress tient de l’assemblage low-cost. Chaque élément semble provenir d’une banque d’assets générique, sans direction artistique ni volonté de créer un univers cohérent. Modèles 3D, textures, animations… rien ne possède une identité propre. Tout paraît recyclé, plaqué, comme si l’ensemble avait été monté à la va-vite pour masquer l’absence de style. Le peu de cohérence visuelle tient à quelques ajustements chromatiques, mais même là, la laideur uniforme finit par dominer.
Les environnements se déclinent dans une répétition morne. Les décors, mal éclairés, s’enchaînent sans transition ni variété. Les arrière-plans sont vides, les zones de jeu statiques, et la lisibilité des espaces pose problème, même pour des déplacements de base. Le bestiaire, ridicule dans sa conception, évoque davantage un projet amateur de jeu mobile qu’un metroidvania pensé pour une console de salon. Aucun ennemi ne marque, aucun n’impressionne. Leur comportement est aussi plat que leur design.
Les animations, enfin, touchent à l’obsolescence technique. Les mouvements de Rhea sont raides, fragmentés, dénués d’inertie ou de poids. Les collisions manquent de feedback, les attaques ne produisent aucun effet visuel convaincant, et tout semble animé à la main par un logiciel trop ancien pour être encore utilisé.
Côté audio, le constat est tout aussi sévère. La bande-son, discrète jusqu’à l’oubli, ne parvient jamais à créer d’atmosphère. Les quelques thèmes présents sont monotones, mal équilibrés et inadaptés aux situations qu’ils accompagnent. Aucune tension ne naît d’une musique lancinante, aucun moment ne s’en trouve sublimé.
Pire encore, aucun doublage ne vient donner corps aux dialogues. Ce silence complet, couplé à une écriture faible, assèche encore davantage une expérience déjà exsangue. Le monde de The Bounty Huntress ne respire pas, ne grince pas, ne murmure pas. Il reste muet, inerte, invisible aux oreilles comme aux yeux.
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