Longtemps présenté comme l’alternative “MMO” à Pokémon, Temtem ne s’est jamais caché. Il a copié, assumé, transposé. Même logique de capture. Même montée en puissance par arènes. Même obsession de la collection. Mais derrière le vernis coloré et l’univers cartoonesque, le jeu de Crema impose une règle absente de son modèle : celle du multijoueur systématique.
Sorti le 6 septembre 2022 sur PC après un long accès anticipé, Temtem repose sur un monde persistant, une économie connectée, un PvP structuré, et une difficulté ajustée pour des joueurs qui ne viennent pas pour tapoter. Chaque combat se joue à deux. Chaque ressource est limitée. Chaque progression passe par un filtre de sélection. Il n’y a pas de hasard, il n’y a pas de tendresse.
Reste à savoir si ce système codifié peut tenir sur la durée, ou s’il finit par se refermer sur lui-même.
Faction creuse et récit en toile de fond
Le monde d’Airborne n’est pas vide. Il est structuré, relié, traversé de quêtes et de tensions. Mais Temtem n’en fait jamais un moteur. L’histoire sert de décor. Une menace plane — le Clan Belsoto, groupe paramilitaire aux ambitions floues — mais elle reste périphérique. Elle n’interrompt pas. Elle n’impose pas. Elle justifie.
Vous incarnez un dompteur anonyme. Pas de prophétie. Pas de sang royal. Juste un joueur parmi d’autres, aspirant à gravir les échelons du doja local, à maîtriser les types, à dominer les duels. Le reste, ce sont des dialogues fonctionnels, des objectifs balisés, des rencontres qui passent sans accroche.
Les PNJ sont nombreux mais interchangeables. Leurs noms, leurs motivations, leurs conflits tiennent dans une ligne. Ils vous bloquent un passage, vous donnent un objet, vous balancent une punchline. Rien ne marque, rien ne se creuse. L’univers existe, mais il ne raconte rien.
Ce choix n’est pas un oubli. Il est méthodique. Temtem veut un monde vivant, mais pas un monde narratif. Ce qui vous fait avancer n’est pas le récit, c’est le système. Et le système ne parle pas. Il trie.
Domptage rationnel dans un système verrouillé
Temtem repose sur une seule idée : tout doit être contrôlé. Le hasard est réduit. L’optimisation est permanente. Chaque créature possède des statistiques visibles, un système d’héritage, des traits actifs, une affinité de types double, et un potentiel d’amélioration rigide. Aucun espace pour la surprise. Ce que vous capturez est défini, mesuré, et classé dès l’instant zéro.
Les combats se déroulent en duo. Chaque affrontement vous force à penser en synergie. Combinaisons de types, chaînes de buff, débuffs croisés, effets d’endurance. Oubliez les PP à l’ancienne : ici, chaque attaque puise dans une jauge d’endurance commune. Une mauvaise gestion entraîne un contrecoup. Il faut anticiper. Tout le temps.
La difficulté, elle, est réelle. Pas de grinding passif. Pas d’équipe déséquilibrée qui s’en sort par le niveau. L’IA utilise les synergies. Le PvP impose des compositions calibrées, des bans en pré-match, une lecture constante des ouvertures. Chaque erreur est punie.
L’exploration est structurée. Chaque île propose un biotope, des dompteurs, des défis, des zones de capture spécifiques. Mais le monde n’est pas vaste. Il est dense. Optimisé. Cloisonné. Les raccourcis se débloquent. Les lieux se superposent. Ce n’est pas un open world : c’est un plateau d’ingénierie.
Le jeu impose un rythme. Il ne s’accélère pas. Il ne vous attend pas. La progression repose sur votre capacité à absorber les systèmes. Et si vous ne les absorbez pas, vous êtes stoppé.
Colorimétrie figée et ambiances de surface
Le monde de Temtem est coloré, clair, parfaitement lisible. Chaque île adopte une palette distincte, chaque zone se détache de la précédente par une topographie immédiatement identifiable. Mais tout semble calculé pour l’efficacité visuelle, pas pour l’immersion. Les textures sont propres, les silhouettes nettes, les environnements épurés. Rien ne déborde, rien ne s’abîme. Le moteur Unity est bien maîtrisé, mais sans excès.
Les animations sont fonctionnelles. Chaque créature a ses poses, ses attaques, ses expressions de combat. Mais aucune ne surprend. Les effets sont sobres, les impacts visuels restent faibles, même sur les techniques les plus puissantes. L’ensemble privilégie la clarté sur la spectacularité.
Côté interface, la lisibilité est exemplaire. Fiches de créatures, jauges d’endurance, historique des tours : tout est accessible en un clic. Le HUD ne sature jamais l’écran. Les menus sont rapides, logiques, sans surcharge.
La bande-son suit la même logique. Les thèmes varient selon les zones, avec des boucles mélodiques propres, souvent électro-acoustiques, parfois un peu plates. Aucun morceau ne reste en tête, mais aucun ne gêne. Les combats ont leur motif distinct, énergique mais sans surenchère. Les musiques ne guident pas l’émotion : elles remplissent l’espace.
Les bruitages font le minimum syndical. Aucun cri marquant, aucun effet notable sur les attaques. C’est net, propre, étouffé. Rien ne pollue. Mais rien n’exalte.
Connexion obligatoire et système verrouillé
Temtem impose sa structure. Connexion permanente, même en solo. Aucun mode hors-ligne. Tout passe par les serveurs. C’est un choix de design, pas une contrainte temporaire. Vous jouez sur un monde partagé, même si vous avancez seul. Chaque joueur visible à l’écran, chaque échange, chaque interaction : tout repose sur le réseau.
Le modèle économique repose sur un achat premium. Pas de free-to-play. Mais un magasin est présent, alimenté en cosmétiques payants. Aucun boost de progression. Aucun avantage compétitif. Le système reste clean. Mais la présence du shop reste constante, intégrée aux hubs, accessible en un clic. Il ne gêne pas. Il rappelle.
Les performances sur PC sont stables. Aucun bug critique constaté. Les chargements sont rapides. Le framerate reste fixe, même en zone dense. Le moteur Unity encaisse les foules sans chute. L’optimisation est solide, même sur des machines modestes.
Côté accessibilité, les efforts sont réels mais partiels. Taille des textes ajustable, options de couleur, filtres de daltonisme. Mais aucun remappage complet du clavier. Aucune synthèse vocale intégrée. Les joueurs malvoyants ou neuro-atypiques ne trouvent pas de solution complète. La structure du jeu, très textuelle et basée sur l’observation des menus, reste exigeante.
La rejouabilité repose sur le PvP, la collection complète, les tournois classés, et un système d’élevage technique. Pour les complétionnistes, la profondeur existe. Pour les autres, l’arc narratif une fois terminé laisse peu de place à l’envie de recommencer.
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