Développé par Questline et publié par Awaken Realms, Tainted Grail: The Fall of Avalon est sorti le 23 mai 2025 sur Xbox Series. Ce RPG en monde ouvert puise dans la légende arthurienne pour bâtir un univers corrompu, rongé par une force surnaturelle appelée la Wyrdness.
Vous incarnez un prisonnier libéré malgré lui, contraint de survivre dans un monde au bord de l’effondrement. Mais cette quête de rédemption dans un royaume en décomposition accouche-t-elle d’un grand récit tragique, ou d’une illusion d’aventure perdue dans les brumes de ses propres ambitions ?
Un roi en morceaux pour un récit sans couronne
Le jeu s’ouvre sur une geôle, une chaîne, un spectre. Vous incarnez un prisonnier anonyme, libéré par la force d’un roi mort. Arthur, brisé, divisé, réduit à des fragments d’âme que vous devrez traquer. L’idée est puissante. La mise en œuvre l’est moins. Ce monde maudit, rongé par la “Wyrdness”, aurait pu devenir un théâtre de désespoir, une fresque tragique sur la chute d’un mythe. Il se contente d’en répéter les échos.
Le récit se déroule comme une succession de quêtes secondaires à ambition principale. On croise des factions en guerre, des cultes fanatiques, des survivants en errance. Mais aucun visage ne marque. Aucun nom ne reste. Les personnages existent, mais n’existent que pour servir un objectif. Ils guident, orientent, fournissent des choix. Mais ils n’habitent jamais le monde.
Même Arthur, pourtant au cœur du dispositif, n’est qu’une voix. Un commentaire spectral, une ligne de dialogue occasionnelle. Pas de présence, pas de charisme, pas de drame. La légende se délite sans jamais s’incarner. Ce qui aurait pu être une lutte intérieure, un duel entre l’oubli et la mémoire, devient une mécanique fonctionnelle : collecter les fragments, déclencher la suite.
Les dialogues tentent parfois de creuser. Ils proposent des dilemmes, des ruptures, des alliances. Mais le poids de ces choix se dissipe dans une mise en scène trop rigide, trop distante. Pas d’effondrement, pas de trahison, pas de catharsis. Juste des embranchements.
Tainted Grail: The Fall of Avalon avait les fondations d’un grand récit. Il en garde la structure, mais jamais la chair. Un monde en ruine, peuplé de spectres sans empire.
Un monde vaste où chaque pas pèse
Tainted Grail: The Fall of Avalon veut être un RPG de survie en monde ouvert. Il devient un jeu d’endurance. Vous explorez un royaume ravagé, hanté par la Wyrdness, guidé par des Menhirs qu’il faut sans cesse réactiver. Chaque déplacement exige des ressources. Chaque progression dépend d’un rituel. On avance à coups de maintenance.
Le jeu propose du craft, de l’alchimie, de la forge, de la cuisine, du farming. Mais aucune de ces mécaniques ne s’articule vraiment. Elles coexistent sans jamais s’interpénétrer. Tout est là, rien ne s’incarne. Le système de compétences, basé sur des cartes, prétend offrir de la variété. Il impose surtout des choix rigides, qui enferment rapidement le joueur dans des schémas d’efficacité. On ne construit pas un style. On optimise une routine.
Les combats sont lents, imprécis, déséquilibrés. Les ennemis encaissent trop, infligent peu, et l’IA s’effondre dès qu’on la pousse hors d’un couloir. Les boss n’ont ni mise en scène ni patterns marquants. Ils existent. Ils tombent. Ils n’impriment rien. Même les affrontements les plus importants n’évoquent ni frisson ni tension. Ce ne sont pas des duels. Ce sont des procédures.
L’exploration, censée être le cœur du jeu, s’étouffe sous sa propre structure. Les zones sont vastes, mais sans respiration. La carte s’étire, mais ne se déploie jamais. Pas de ruines fascinantes. Pas de villages habités. Pas de biomes contrastés. Juste un royaume gris, où chaque pas ressemble au précédent.
Tainted Grail rêvait d’un monde. Il propose une mécanique. Tout y est lent, pesant, fonctionnel. Il ne cherche pas à faire vivre. Il cherche à faire durer.
Un royaume éteint sous un vernis de cendres
Le monde de Tainted Grail: The Fall of Avalon est vaste, brumeux, ravagé. Il devait incarner un pays hanté, en ruines, rongé par la Wyrdness. Il n’est qu’une façade. Les panoramas impressionnent de loin. Les détails s’effondrent de près. Le brouillard masque la pauvreté des textures. La lumière cache la répétition des formes. Chaque zone semble étendue, mais rarement pensée. Pas de reliefs marquants, pas de lieux chargés d’histoire, pas d’architecture qui dise un passé.
Les intérieurs sont fonctionnels. Les donjons se ressemblent. Les grottes n’ont ni secrets ni tension. Les villages ne vivent pas. Pas d’enfants, pas de marchands crédibles, pas d’habitants qui parlent d’autre chose que de leur quête à donner. L’univers est peuplé. Mais il ne respire pas.
Les visages sont figés, les animations approximatives, les expressions absentes. Même les dialogues marquants se noient dans des modèles 3D sans émotion. On écoute des voix. On ne regarde jamais des êtres.
La direction artistique tente parfois des élans : créatures difformes, chevaliers corrompus, temples engloutis. Mais ces visions fugaces ne s’enracinent pas. Elles surgissent, puis disparaissent. Pas de cohérence. Pas de style fort. Un patchwork d’influences sombres, sans fil rouge ni signature.
La bande-son accompagne cette torpeur. Elle se contente d’accompagner. Quelques nappes, des grondements, des morceaux orchestraux rares et discrets. Aucune mélodie ne reste. Aucun thème ne hante. Même les moments les plus tendus — affrontements, révélations — ne reçoivent aucun souffle musical.
Le mixage souffre de choix bancals : bruits de pas omniprésents, effets sonores mal spatialisés, voix parfois noyées. Rien ne renforce l’immersion. Le monde reste distant. Comme si le jeu lui-même refusait d’y croire.
Tainted Grail affiche un monde en ruine. Mais ce ne sont pas les ruines d’un passé glorieux. Ce sont les restes d’un projet qui n’a jamais trouvé son souffle.
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