Sorti le 7 juillet 2023 sur Nintendo Switch et édité par RedDeer.Games, Swords & Bones 2 est l’œuvre du studio italien SEEProduction, un duo de frères autoproclamés amoureux du rétro-gaming. Annoncé comme une suite directe du premier opus, le jeu promet une aventure old-school pleine d’action, d’épées et de squelettes, dans un écrin de pixels assumé.
Mais entre hommage et recyclage, où tracer la ligne ? Avec cinquante niveaux, cinq boss, une héroïne armée et un royaume en péril, la proposition semble claire. Pourtant, derrière la façade nostalgique, une question s’impose rapidement : Swords & Bones 2 célèbre-t-il vraiment l’héritage du jeu d’action 16-bit… ou en trahit-il l’esprit par ignorance des fondamentaux ?
Une quête sans souffle, une princesse sans règne
Dans Swords & Bones 2, vous incarnez Bérénice, princesse du royaume de Gaudia, qui décide de reprendre l’épée pour sauver ses terres corrompues. Un postulat simple, limpide… et désespérément creux. Le jeu livre son univers à travers quelques lignes d’exposition en anglais, sans développement, sans contextualisation, sans mise en scène. Il ne s’agit pas d’un silence volontaire ou d’un refus narratif stylisé, mais d’une absence pure et simple de récit.
Aucun personnage secondaire ne vient enrichir la quête. Aucun enjeu, si ce n’est “avancer”, ne donne de motivation tangible à cette lutte contre le mal. Bérénice traverse ses terres sans les reconnaître, sans les commenter, sans même paraître concernée par leur sort. Le joueur est censé croire en son épopée, mais rien ne la soutient : ni dialogue, ni narration, ni monde cohérent.
Le découpage en cinq zones ne s’appuie sur aucune logique spatiale ni thématique. Forêt, désert, château : autant de tableaux sans lien, ni dans la progression, ni dans la construction de l’univers. Le royaume de Gaudia n’est jamais qu’un prétexte générique à l’empilement de niveaux, dépourvu d’identité ou de mémoire.
Le traitement de Bérénice elle-même confine à l’abstraction. Elle est une silhouette, une fonction, un avatar lancé dans l’arène. Aucun effort n’est fait pour lui donner vie, ni par l’écriture, ni par la narration visuelle. Et si la direction artistique parvient à lui donner une allure reconnaissable en pixel art, cela ne suffit pas à lui conférer une présence narrative.
Dans un jeu qui prétend s’inscrire dans la lignée des grands classiques rétro, cette vacuité scénaristique n’est pas une marque de fidélité, mais une erreur d’intention. Même les vieux jeux d’action les plus rugueux savaient tisser un fil, poser un contexte, donner une raison. Ici, seule subsiste l’action, vidée de tout souffle héroïque.
Un héritage vidéoludique au fil émoussé
Dès les premières secondes, Swords & Bones 2 affiche une ambition limpide : reprendre les codes des jeux d’action rétro dans leur plus pure expression. Mais à force de vouloir simplifier, le jeu s’enferme dans un archaïsme stérile, confondant minimalisme et négligence.
La structure est celle d’un platformer linéaire à l’ancienne : cinquante niveaux découpés en cinq zones, ponctués de boss sans charisme. Chaque niveau consiste à traverser un couloir de gauche à droite, frapper quelques ennemis, ramasser un calice caché, et passer à l’écran suivant. En soi, rien de rédhibitoire. Mais aucun de ces éléments n’est maîtrisé, et c’est là que le ver se loge dans le pixel.
La prise en main est rigide, désuète, peu intuitive. Le jeu se joue avec deux seuls boutons : attaque et saut. Pas de personnalisation, pas de confort, pas même la possibilité de remapper les commandes. Le bouclier, pourtant essentiel dans certaines situations, ne s’active qu’en pressant la croix directionnelle vers le haut, une aberration ergonomique qui trahit une méconnaissance profonde de la manette moderne.
Les attaques manquent de feedback, les sauts d’amplitude, les hitbox de lisibilité. Trois sorts sont disponibles, mais leur portée ou leur utilité sont si faibles qu’ils deviennent vite décoratifs. L’ensemble donne lieu à une expérience approximative, où chaque affrontement devient une corvée imprécise, et non une montée en tension. La difficulté, quant à elle, repose davantage sur les imprécisions mécaniques que sur une réelle maîtrise du challenge.
Côté level design, les cinquante niveaux se suivent et se répètent sans variation notable. Obstacles recyclés, ennemis clonés, plateformes sans relief : la progression devient mécanique, monotone, dénuée de surprises. Aucun gimmick, aucune mise en scène, aucun moment de rupture ne vient bousculer cette routine plate. Chaque niveau se boucle en deux minutes, et l’on avance par inertie plus que par envie.
Même les calices cachés, censés offrir une dimension de complétion, ne présentent aucun intérêt ludique. Leur collecte n’impacte ni le gameplay, ni la narration, et leur récompense finale — une fin alternative — ne justifie en rien l’effort nécessaire pour les obtenir.
L’ensemble donne le sentiment d’un hommage vidéoludique figé dans un passé mal compris : non pas celui des classiques affûtés, mais celui des jeux oubliés, maladroits, injustes et répétitifs. L’amour du rétro ne suffit pas à justifier un tel déficit d’intention ludique.
Pixels convenables, dessins déplorables
À première vue, Swords & Bones 2 affiche une esthétique pixelisée typique des productions rétro-indé, et dans ce registre, l’effort est tangible. Les décors, sans jamais se distinguer par leur originalité, parviennent à installer une ambiance cohérente. Les environnements — forêt, désert, château — offrent une palette lisible, une lisibilité correcte des dangers, et des effets lumineux simples mais efficaces.
Les animations de Bérénice sont probablement le seul véritable point d’élégance du jeu. Son mouvement est fluide, sa posture reconnaissable, son attaque bien rythmée. Le bestiaire, lui aussi, s’en sort honorablement : créatures variées, silhouettes bien définies, quelques boss à l’allure distincte. Rien de marquant, mais rien de honteux non plus.
Le véritable naufrage se produit dans les illustrations fixes et les portraits. Les visuels en dehors du gameplay — écrans de dialogue, interface, personnages statiques — sont d’une laideur criante, aux contours tremblants et aux proportions douteuses. Le style, qui se voudrait naïf ou enfantin, évoque plutôt un dessin bâclé, sans direction artistique claire. Ces images, au lieu d’ajouter du cachet ou du charme, cassent la cohérence visuelle et provoquent un malaise involontaire.
Côté sonore, l’expérience ne relève jamais la tête. Les musiques, bien que fonctionnelles, tournent rapidement en boucle, sans impact mélodique ni tension dramatique. Aucun thème ne se démarque, aucun morceau ne marque l’oreille, et les transitions sont inexistantes. Quant aux bruitages, ils remplissent leur office sans conviction : coups d’épée discrets, sons de saut plats, effets de sort à peine audibles.
L’ambiance sonore, au lieu de soutenir l’aventure, accompagne mollement son effacement. Rien ne vibre, rien ne pulse, rien ne stimule. Comme si l’univers visuel et auditif du jeu avait été assemblé mécaniquement, sans que jamais ne surgisse l’étincelle capable de le faire vivre.
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