Sorti le 14 novembre 2023 sur Nintendo Switch, Xbox Series, PlayStation 5 et PC, Super Crazy Rhythm Castle est la première création du studio britannique Second Impact Games, éditée par Konami. Plutôt que d’emprunter la voie balisée des party games formatés ou des jeux de rythme à la sobriété clinique, les développeurs ont opté pour une proposition plus… radicale. Un patchwork de folie douce, un kaléidoscope rythmique où Guitar Hero flirte avec Overcooked, le tout encapsulé dans un château peuplé de musiciens farfelus et de pièges grotesques.
Derrière son esthétique absurde et son humour frénétique, ce cocktail détonant cache-t-il un véritable jeu de rythme ? Ou s’agit-il d’un simple délire éphémère voué à s’éteindre une fois la surprise passée ?
Le tempo du trône et les cymbales de la révolte
Dans l’univers de Super Crazy Rhythm Castle, la monarchie ne se transmet pas par le sang mais par le groove. Pour devenir Roi, il ne faut ni lignée ni couronne : il faut vaincre le souverain en place lors d’un duel de rythme endiablé. Problème : l’actuel détenteur du trône triche allègrement, refusant de céder son pouvoir. C’est donc à vous, accompagné de vos compagnons musiciens, de vous frayer un chemin jusqu’à lui, en esquivant pièges absurdes et défis musicaux volontairement tordus.
Le scénario ne cherche jamais à verser dans l’épique. Il assume pleinement son ton délirant, enchaînant situations burlesques, dialogues volontairement décalés, et personnages secondaires plus loufoques les uns que les autres. Entre un roi mégalomane qui brise le quatrième mur à coups de punchlines et des PNJ qui semblent tout droit sortis d’un jeu de société halluciné, Super Crazy Rhythm Castle impose immédiatement sa folie douce comme ligne directrice.
Chaque nouvelle salle est prétexte à une rencontre absurde, une énigme incongrue ou une rupture de ton inattendue. L’écriture joue avec l’absurde sans jamais tomber dans la facilité. La mise en scène, bien que minimaliste, repose sur une succession de saynètes drôles, parfois même franchement satiriques, qui renforcent le plaisir de la découverte. Et malgré son rythme effréné, l’ensemble tient debout grâce à une cohérence interne : on ne comprend pas toujours où l’on va, mais on y va avec le sourire.
Le plus étonnant reste sans doute la capacité du titre à fonctionner même en solo. Là où bien des party games s’étiolent sans un canapé rempli de complices, Super Crazy Rhythm Castle conserve sa verve et son absurdité, même en solitaire. L’expérience gagne en richesse à plusieurs, certes, mais n’en perd pas pour autant son charme fondamental.
Des partitions dans les flammes, des boutons dans le chaos
Super Crazy Rhythm Castle propose un mélange de genres aussi inattendu que précis. À mi-chemin entre le jeu de rythme pur et le party game chaotique, chaque niveau vous propulse dans une série d’épreuves musicales teintées de mini-jeux imprévus. À l’instar d’un Overcooked sous acide, chaque défi repose sur votre capacité à garder la cadence tout en gérant l’imprévu.
Le gameplay repose sur un système à trois touches. Les notes défilent dans l’environnement en temps réel, et vous devez les frapper au bon moment. Mais à intervalles réguliers, des éléments viennent perturber l’ordre établi : une main robotique vous saisit, une caisse bloque la visibilité, un piège sonore distord le tempo. Le château ne vous offre aucun répit. Ces interférences obligent les joueurs à quitter temporairement leur partition pour interagir avec l’environnement. Le résultat : un rythme brisé, dévié, mais toujours contrôlé, où la musique devient autant une mécanique qu’un champ de bataille.
Le titre se savoure en coopération locale jusqu’à quatre joueurs. Chaque participant gère une portion du chaos collectif, court-circuite un piège ou sauve un allié en détresse. La progression se construit autour d’un système d’étoiles : pour débloquer de nouvelles salles, il faut obtenir de bons scores, rejouer les niveaux, et améliorer son sens du rythme collectif. L’équilibre entre tension ludique et franche rigolade est parfaitement dosé.
Pour celles et ceux en quête d’une expérience plus souple, un mode facile est activable à tout moment. Il permet d’apprécier l’univers et les mécaniques sans pression excessive, tout en conservant l’essentiel du plaisir. En marge de la campagne principale, vous débloquez peu à peu une salle d’écoute où les morceaux joués deviennent accessibles à loisir. Cette galerie musicale, enrichie de pistes issues des licences Konami, prolonge le plaisir au-delà du défi.
Certes, l’aventure principale peut être complétée en quelques heures, mais la diversité des niveaux, les défis annexes et la possibilité de rejouer pour améliorer son score offrent une rejouabilité naturelle. Et à plusieurs, chaque session prend une tournure imprévisible, joyeusement chaotique, jamais identique.
Du groove en pixels et des beats plein les yeux
Dans un jeu de rythme, la bande-son n’est pas un simple accessoire : elle incarne le cœur battant de l’expérience. Super Crazy Rhythm Castle l’a bien compris, en proposant un catalogue de 18 morceaux qui explorent avec une liberté réjouissante les styles les plus variés. Compositions originales, parodies déjantées, clins d’œil appuyés à l’histoire musicale du jeu vidéo… la sélection sonore vibre d’une énergie communicative. Le tout est enrichi par la présence de remix officiels issus des grandes licences de Konami, dont certains passages cultes de Castlevania ou Gradius brillent ici d’un éclat nouveau, réorchestrés dans des versions rock ou électroniques qui donnent envie de battre la mesure sans retenue.
Chaque morceau bénéficie d’un sound design clair et précis, parfaitement calé à l’action. L’impact des notes, les ruptures de rythme, les accélérations soudaines ou les variations de tempo participent à la mise en scène délirante du château, renforçant l’absurde par la précision musicale.
Graphiquement, le jeu adopte une direction artistique volontairement hybride : personnages en 2D stylisée, décors en 3D aux volumes simples, animations exagérées. Ce mélange crée une esthétique volontairement grotesque, digne d’un cartoon sous acide. Le résultat, s’il peut désarçonner, s’accorde parfaitement à la folie générale de l’univers. Chaque salle adopte un code visuel propre, entre mécanique infernale, salle disco ou délire télévisuel, renforçant cette impression de cabaret détraqué.
La version Nintendo Switch, souvent scrutée de près pour ce genre de production, affiche ici une tenue exemplaire. La fluidité reste constante, y compris lors des séquences les plus agitées. Aucun ralentissement ne vient perturber la cadence, même lorsque l’écran déborde de notes, d’effets spéciaux ou de pièges. L’optimisation s’impose comme un modèle pour les autres supports mobiles.
Si l’ensemble visuel peut diviser, il ne laisse jamais indifférent. Et dans ce château où tout semble conçu pour déstabiliser vos sens, c’est précisément cette audace graphique qui donne au jeu sa personnalité grinçante, joyeuse et furieusement dissonante.
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