Sorti le 4 avril 2025 sur PC, Spirit Valor ne vous propose pas de choisir votre destin. Il vous l’impose. Vous êtes un esprit arraché à son plan, greffé de force au corps d’un guerrier nommé Richard, lancé dans une guerre qui n’est pas la vôtre, avec des souvenirs qui ne vous appartiennent pas. Ce n’est pas une alliance. C’est un parasitage. Et plus vous gagnez en pouvoir, plus la bête en vous grandit.
Développé par Exe Create et édité par Kemco, le jeu aligne des combats au tour par tour classiques, un système d’absorption de compétences à la Shin Megami Tensei et une progression encadrée par les pactes que vous signez avec d’autres esprits. Les Spellstones remplacent les classes, les choix tactiques remplacent les armes, et la narration avance à coups de dialogues figés et de confrontations désincarnées.
Mais dans cet entre-deux où l’on fusionne sans se connaître… peut-on vraiment devenir un héros sans savoir à qui appartient le cœur qui bat dans ce corps ?
Identités croisées et promesses en ruine
Spirit Valor ne raconte pas un mythe. Il raconte une confiscation. L’esprit que vous incarnez n’a pas de nom, pas de forme, pas de volonté propre. Il est greffé au corps de Richard, héros supposé, silhouette générique à la loyauté mécanique. Ensemble, ils avancent, non par choix, mais par nécessité. Le monde autour d’eux s’effondre sous l’influence démoniaque, mais ce n’est pas la fin du monde qui importe. C’est la perte de soi, lente, irréversible, intérieure.
La narration suit un schéma rigide : villes figées, confrontations attendues, révélations précalibrées. Aucun souffle. Juste un récit en ligne droite, peuplé de figures sans mystère : prêtres déchus, soldats hésitants, démons rhétoriques. Le jeu empile les archétypes sans jamais les fissurer. On ne dialogue pas avec l’autre. On l’écoute réciter.
Le duo que vous incarnez aurait pu porter une tension — entre l’esprit et l’homme, entre la mémoire et le devoir. Mais cette dualité reste un prétexte. Elle ne produit ni déviance, ni contradiction, ni fracture. Ce n’est pas une cohabitation. C’est un costume.
Sorts recyclés et couloirs sans mémoire
Spirit Valor ne propose pas un système. Il ressasse un schéma. Combat au tour par tour, compétences élémentaires, faiblesse à exploiter, buffs, debuffs, soins. Tout est là. Tout a déjà été vu. Mais rien n’est tendu. Rien ne vous résiste. Même l’absorption de sorts, mécanisme censé donner de la souplesse, devient un rituel creux. On prend, on remplace, on oublie. Le jeu distribue ses pouvoirs comme des miettes. Aucun ne marque. Aucun ne bouleverse une stratégie.
Les donjons sont des couloirs. Droits. Sans idées. Sans tension. Trois chemins au maximum, un coffre au bout, un point de sauvegarde, un boss. Toujours le même rythme. Toujours la même boucle. Aucun piège. Aucune boucle spatiale. Aucune montée. On avance, on tape, on gagne. Ou on s’ennuie.
Même les villes sont mortes. NPC figés, boutiques préfabriquées, dialogues à deux lignes. On n’y revient que parce qu’on y est forcé. Pas pour y vivre. Pas pour y croire. Le monde de Spirit Valor est une table vide. Le système, une mécanique d’appoint. Rien ne se dresse. Rien ne vous défie.
Et quand tout est prévu d’avance, que reste-t-il du combat, sinon l’attente que ça s’arrête ?
Rétro figé et silence sans colère
Spirit Valor s’affiche comme un hommage. Un RPG 2D à l’ancienne. Sprites figés, arrière-plans statiques, effets visuels élémentaires. Le style n’est pas honteux. Il est désincarné. Chaque personnage semble collé à l’écran. Chaque sort explose sans poids. Les animations sont fonctionnelles, jamais expressives. Ce n’est pas du pixel art. C’est de la restitution. Une esthétique vide de souffle.
Les environnements s’empilent. Grotte, forêt, ruine, temple. Quatre couleurs, deux textures, pas une idée. Les donjons se ressemblent. Les villes aussi. Aucun lieu n’a de mémoire. Aucun lieu ne laisse d’empreinte. On ne visite pas. On traverse. Les effets visuels — lueurs, halos, flammes magiques — masquent mal la pauvreté du fond. Une façade de lumière pour un décor sans poids.
La bande-son accompagne. Elle ne guide pas. Boucles génériques, percussions molles, nappes oubliables. Pas une tension. Pas un thème. Pas un silence bien placé. Le mixage est propre, mais sans nerf. Aucun souffle. Aucun vertige. On entend. Mais on n’écoute pas.
Spirit Valor est un jeu muet. Non par choix. Mais parce qu’il n’a rien à faire entendre.
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