Le retour de Cobra, icône pulp du manga des années 80, prend aujourd’hui la forme d’un jeu d’action-aventure en scrolling horizontal, baptisé Space Adventure Cobra – The Awakening. Développé par le studio français Magic Pockets et édité par Microids, ce projet vidéoludique lancé le 26 août 2025 sur Xbox Series X|S affiche une ambition claire : adapter en jeu les douze premiers épisodes de la série animée de Buichi Terasawa, tout en capitalisant sur la nostalgie d’un héros devenu culte pour plusieurs générations de spectateurs.
À mi-chemin entre le run and gun, la plateforme d’antan et les hybridations Metroidvania, cette nouvelle aventure promet de vous plonger dans un univers spatial halluciné, fait de pirates cybernétiques, d’organisations criminelles interstellaires et de femmes fatales aux secrets multiples. Mais derrière l’amour du matériau original, la question demeure : ce réveil était-il nécessaire ? Et surtout, Cobra méritait-il mieux que cette première incursion sur consoles modernes ?
Le mythe recyclé sous stéroïdes
Space Adventure Cobra – The Awakening reprend sans détour la trame narrative des douze premiers épisodes de l’anime original diffusé au Japon en 1982, lui-même adapté du manga de Buichi Terasawa. Vous incarnez Cobra, ancien corsaire de l’espace revenu d’entre les morts, doté de son bras-canon légendaire — le Rayon Delta — et secondé par la froide et fidèle Armanoid. L’aventure débute alors qu’il croise la route de Jane, une chasseuse de primes en quête de ses deux sœurs, Catherine et Dominique, toutes trois liées au mystérieux trésor de leur père, le Capitaine Nelson. Mais cette quête personnelle se transforme rapidement en conflit d’envergure contre l’organisation la Guilde des Pirates, menée par l’énigmatique et redoutable Homme de Verre.
Le jeu propose une narration segmentée par chapitres, chacun correspondant à un épisode réinterprété de l’anime. Ce choix structurel permet de rester fidèle à l’œuvre originale tout en offrant une progression linéaire clairement balisée. Toutefois, cette fidélité est à double tranchant. Si elle garantit un respect de l’univers et une lisibilité immédiate pour les fans, elle bride aussi toute forme de réinvention. Aucun développement inédit, aucune prise de risque scénaristique : l’histoire se contente d’enchaîner les temps forts déjà connus, parfois au prix d’une simplification excessive de la caractérisation. Le titre propose néanmoins quatre niveaux originaux vous permettant d’incarner les autres héros.
Cobra, toujours charismatique dans ses répliques et son attitude désinvolte, souffre ici d’un traitement plus que respectueux. Ses motivations, son passé, sa psychologie sont certes à peine esquissés, mais suivent un tout cohérent dans la droite ligne de l’animé. Les dialogues s’intègrent parfaitement dans une narration découpée entre des extraits vidéo du dessin animé des années 80 entièrement redoublés, confirmant la volonté du studio de vouloir proposer une œuvre respectueuse de son matériaux d’origine. Le seul bémol à cet ensemble vient clairement du traitement des niveaux en question. Une simple scène de quelques seconde est ainsi transformé en un niveau d’une dizaine de minute, réduisant considérablement l’impact émotionnel de certaines scènes particulièrement forte.
La mise en scène se limite en effet à quelques cinématiques animées, utilisant des extraits remaniés de l’anime original redécoupés pour l’occasion. Si l’effet nostalgique fonctionne, notamment dans la restitution de certains moments cultes, la narration y perd en densité. Aucun système de choix, aucun embranchement ne vient enrichir la progression. L’histoire se consomme plus qu’elle ne se vit. Cela donne à certains moments l’impression d’un récit téléporté dans le gameplay, sans véritable fusion entre narration et action.
The Awakening assume pleinement son rôle de relecture fidèle, mais au prix d’une écriture simplifiée et diluée . L’univers de Cobra, pourtant riche en thématiques (identité, mémoire, désir de liberté, opposition aux tyrannies technologiques) reste ici en toile de fond, convoqué sans être exploré. Les nouveaux venus risquent d’y voir une intrigue creuse, tandis que les fans retrouveront une suite d’icônes figées, comme sorties d’un musée interactif. Reste un univers stylisé, cohérent, mais figé dans ses propres codes.
Quand le Rayon Delta perd de sa précision
Le cœur de Space Adventure Cobra – The Awakening repose sur une alternance entre séquences d’action run-and-gun, plateforme 2D, et une pointe de progression inspirée du Metroidvania. Vous explorez des environnements interstellaires découpés en niveaux, gagnez de nouveaux pouvoirs, et affrontez des vagues d’ennemis jusqu’à atteindre des boss emblématiques de la série.
L’élément central du gameplay, c’est le Rayon Delta de Cobra. Tiré directement de son bras gauche, il constitue l’arme principale, dotée d’un mode de tir guidé capable de figer le temps pour viser plusieurs cibles avant de relâcher une salve dévastatrice. Ce concept, particulièrement inventif et plaisant, crée un rythme singulier : entre phases d’action nerveuses et moments de planification plus tactiques. Pourtant, l’exécution technique laisse à désirer. Le fait de devoir viser avec le stick directionnel gauche, soit sans jamais arrêter son mouvement, rends le gameplay capricieux; surtout lorsqu’il est nécessaire de toucher plusieurs fois un ennemi pour l’éliminer. En résulte un sentiment étrange, surtout lorsque Cobra s’exclame “Je ne manque jamais ma cible” alors que vous, si.
Côté mouvements, le constat est similaire. Cobra peut courir, sauter, grimper, mais ses déplacements manquent de réactivité. L’ajout d’une touche pour s’accroupir aurait rendu le gameplay bien plus nerveux, et son absence rends certaines situations inutilement laborieuses. Malgré tout, le Level Design parvient à sauver les meubles en exploitant pleinement les capacités de Cobra. Certains niveaux sont immenses et riches de sections annexes à explorer afin de débloquer divers améliorations ou décorations pour votre vaisseau, d’autres se concentres sur une successions de plateformes retorses demandant précisions et reflexes.
Les combats contre les boss incarnent le paradoxe du jeu. Pensés comme des affrontements épiques, ils se révèlent fréquemment trop longs et frustrants. Les patterns manquent de variété, obligeant à répéter des séquences fastidieuses plus qu’à exploiter l’ingéniosité du Rayon Delta. La difficulté repose davantage sur l’endurance que sur la stratégie, et même le niveau de difficulté “moyen” propose une épreuve pourra mettre vos nerfs à rude épreuve.
Paradoxalement, le jeu devient bien plus agréable en mode “facile”. Ici, la majorité des ennemis classiques tombent en un seul coup de Rayon Delta, ce qui offre une progression plus fluide et brutale, non sans rappeler la puissance et la précision du héros. Les combats de boss deviennent également plus gérable et le gap de puissance entre votre héros et ces derniers également plus logique, moins frustrant.
Enfin, la structure globale propose un enchaînement de chapitres-épisodes. Ce choix épouse la logique de l’anime, mais bride la sensation de liberté : on avance d’un décor à l’autre, sans grande interconnexion, contrairement à ce que laissait espérer l’étiquette “Metroidvania”. La progression reste donc plus linéaire que véritablement exploratoire. Si dans un premier temps le titre déçoit par cet aspect, il prends rapidement sens. The Awakening est pensé comme un jeu de plateforme avant tout, linéaire, court, permettant une grande rejouabilité par l’ajout de défis (collectibles à trouver, speedrun avec temps mémorisé)
L’éclat de l’anime, l’ombre de la technique
Visuellement, Space Adventure Cobra – The Awakening s’appuie sur une direction artistique volontairement rétro. Les environnements reprennent les codes de l’anime original : décors spatiaux stylisés, bases futuristes, jungles exotiques et vaisseaux interstellaires. Cette fidélité esthétique est renforcée par l’intégration de séquences animées tirées directement de la série des années 80 (pas de la version HD), utilisées comme cinématiques pour ponctuer les chapitres. Pour les fans de Buichi Terasawa, l’effet nostalgique est indéniable : retrouver l’univers de Cobra, ses couleurs vives et son ambiance pulp des années 80, procure un plaisir immédiat.
Cependant, la réalisation technique souffre de limites visibles. Les sprites et modèles 2D manquent de finesse, les animations se révèlent rigides et la fluidité générale ne rend pas toujours justice au dynamisme attendu d’un jeu d’action moderne. Les décors affichent une variété limitée : certains niveaux paraissent recyclés, et l’exploration visuelle perd de son attrait après quelques heures. Cette impression de répétition vient affaiblir un univers qui aurait mérité davantage d’audace graphique. A l’inverse, les personnages ont étés travaillés avec une rare intensité. Les ennemis de bases correspondent toujours à ceux présents dans l’anime (avec quelques variations et ajouts) et, si leurs animations sont les mêmes, cette variété et cette fidélité prouve une fois de plus tout le respect du studio pour son sujet.
Côté sonore, le jeu fait un choix radical : plutôt que de moderniser, il propose une bande-son volontairement rétro, inspirée des compositions synthétiques de l’époque. Les thèmes principaux rappellent ceux de l’anime, avec une efficacité certaine dans les combats et une mise en valeur des cinématiques. Toutefois, les morceaux manquent parfois d’ampleur et de variation, renforçant une impression de boucle musicale répétitive lors des séquences d’action prolongées.
Le doublage, enfin, constitue la plus grande réussite du titre. Vous avez le choix entre le japonais et le français et, dans les deux cas, l’ensemble du casting redouble également les séquences en animations afin de proposer une cohérence parfaite dans l’ensemble de l’œuvre. Les comédiens sont aux diapasons de leurs personnages, avec une mention toute particulière au doubleur de Cobra, parfaitement au diapason de Jean-Claude Montalban.
Un réveil technique en demi-teinte
Sur le plan technique, Space Adventure Cobra – The Awakening se révèle correct mais sans éclat. Optimisé pour la Xbox Series X|S, le jeu affiche une stabilité convenable : pas de ralentissements majeurs, des temps de chargement réduits et une compatibilité fluide avec la manette. Toutefois, quelques rares bugs de collisions, placements hasardeux d’ennemis ou encore imprécisions dans la détection des tirs, viennent perturber une expérience exigeante. Rien de bloquant, mais ces défauts traduisent un très léger manque de polish pour un titre de 2025.
La difficulté constitue un autre point sensible. Le jeu mise sur une approche exigeante, des ennemis “sac à pv” et des passages retors. Une fois passé en difficulté “facile”, le titre déploie toute la subtilité de ses mécaniques et la fluidité du gameplay. Ce choix pourra séduire les puristes attachés aux jeux d’action rétro, mais risque de décourager les joueurs modernes habitués à une difficulté plus maîtrisée.
En termes de contenu, The Awakening reste relativement limité. La campagne, segmentée en douze chapitres, propose une durée de vie modeste : environ 7 à 8 heures pour atteindre la fin, un peu plus pour les complétionnistes désireux de débloquer toutes les améliorations cachées. En l’absence de mode multijoueur ou de contenu annexe significatif, la rejouabilité repose essentiellement sur la nostalgie des fans et la recherche d’optimisation dans les niveaux.
0 commentaires