Sorti sur Xbox Series le 29 juin 2023, Soul Shifter est le premier titre du studio Innominatum Digital, qui ambitionnait de livrer une aventure action-fantasy mêlant magie élémentaire, portails dimensionnels et exploration labyrinthique. Sur le papier, ça fleure bon le projet modeste mais inspiré, le jeu indépendant qui compense son manque de moyens par des idées claires et un univers singulier.
Mais une fois les promesses effacées par le premier écran de chargement, le constat est plus brutal : Soul Shifter est un jeu qui veut tout faire… et qui passe à côté de tout. Un système de combat sous-exploité, une direction artistique inconstante, des quêtes molles, des environnements recyclés… On tient là un prototype ambitieux, mais complètement enseveli sous ses propres approximations.
Un monde mystique, une narration sous sédatifs
Soul Shifter vous place dans la peau d’un jeune héros anonyme — littéralement, tant il est interchangeable — propulsé dans un monde où portails, magie élémentaire et vieilles ruines se disputent le peu de place qu’il reste à l’intrigue. L’idée de départ aurait pu séduire : un château ancien, des créatures liées aux éléments, une structure dimensionnelle à déchiffrer… Sauf qu’en dehors du pitch initial, rien n’est développé.
Le scénario avance à coups de quêtes banales et de dialogues fonctionnels, sans jamais réussir à poser un univers crédible. Les PNJ récitent leur texte, les enjeux sont flous, les révélations inexistantes. On ne sait jamais vraiment pourquoi on fait ce qu’on fait, et même quand on finit par comprendre, on s’en fiche complètement.
La progression narrative est plate, linéaire, sans aucune montée dramatique. Aucun personnage secondaire ne se détache, aucun moment fort ne vient secouer l’ensemble. Et à chaque tentative de donner un peu d’épaisseur au récit, Soul Shifter retombe dans le cliché ou le vide scénaristique.
Ce n’est pas tant que l’histoire est mauvaise. Elle est simplement absente. Elle occupe l’espace comme un brouillard : là pour justifier les mécaniques, mais incapable de porter l’expérience.
Un système élémentaire, sans substance
Le cœur de Soul Shifter repose sur une idée simple : maîtriser différents éléments pour combattre et progresser dans un monde fragmenté. Sur le papier, on pense immédiatement à des combinaisons de pouvoirs, des faiblesses à exploiter, des environnements interactifs. En réalité, tout cela reste en surface. Les combats, censés être le nerf du jeu, s’enfoncent rapidement dans une répétitivité mécanique, avec des ennemis statiques, peu réactifs, et des animations molles comme un vieux chewing-gum sous la semelle.
Chaque pouvoir élémentaire aurait pu introduire une logique de confrontation différente, un style de jeu particulier. Il n’en est rien. Les affrontements se résument à marteler les mêmes attaques, en espérant que la hitbox tienne bon. Les boss ? Même traitement. Gros sacs à PV aux patterns datés, sans tension, sans rythme. Les combats durent, mais ne racontent rien.
L’exploration n’est pas en reste. On passe de portail en portail, de salle en salle, dans des zones qui finissent toutes par se ressembler. Les puzzles sont anecdotiques, les interactions environnementales quasi inexistantes, et le rythme est plombé par des allers-retours inutiles. Ajoutez à cela une progression mal calibrée, avec des pics de difficulté sortis de nulle part, et vous obtenez un level design sans nerf, sans souffle, sans impact.
Même les quêtes, censées dynamiser l’ensemble, sombrent dans la fadeur absolue. Objectifs basiques, dialogues sans relief, structure linéaire… Soul Shifter enchaîne les missions sans jamais surprendre. Et quand l’ennui s’installe au bout de deux heures, c’est que le moteur de jeu n’a tout simplement rien sous le capot.
Un cache-misère esthétique
Visuellement, Soul Shifter essaie. On sent une volonté de poser une ambiance, de jouer sur le contraste entre magie et ruines, lumière et obscurité, château ancien et pouvoirs élémentaires. Quelques effets de sorts fonctionnent, les portails ont une certaine gueule, et les premières minutes pourraient presque faire illusion.
Mais passé ce vernis initial, tout se répète. Les zones se ressemblent, les textures manquent de finesse, les décors sont réutilisés à l’envi, et l’ensemble finit par ressembler à un kit d’assets fantasy générique, sans âme ni identité. On traverse des couloirs, des salles vaguement mystiques, des donjons interchangeables. Rien ne surprend, rien ne marque.
Côté technique, ça coince rapidement : aliasing prononcé, effets de lumière datés, collisions hasardeuses et environnement souvent figé. Et dès que le jeu tente une mise en scène, on sent le manque cruel de moyens, avec des animations rigides et des transitions abruptes.
La bande-son, elle, se contente du minimum syndical. Quelques nappes musicales d’ambiance, souvent répétitives, jamais marquantes. Les bruitages manquent de punch, les impacts sont mous, et les combats manquent cruellement de feedback sonore. Quant aux dialogues, quand ils existent, ils sont plats, mal intégrés et aussitôt oubliés.
Là où le jeu aurait pu sauver les meubles avec une DA forte ou un parti pris esthétique affirmé, il se contente de remplir les cases. Un peu de mysticisme, un peu de particules, un peu de vide.
Menus lents, bugs constants, finition absente
Dès qu’on sort du jeu lui-même pour toucher à l’interface, les problèmes s’accumulent. Menus rigides, navigation confuse, options enfouies dans des sous-catégories mal pensées : Soul Shifter donne en permanence l’impression d’un projet pas relu, pas testé, pas finalisé. Même ajuster ses compétences ou naviguer dans l’inventaire devient une corvée, avec des retours trop lents, des sélections floues et une ergonomie digne d’un prototype.
Les temps de chargement, eux, sont aussi nombreux qu’interminables. Chaque transition entre deux zones casse le rythme, comme si le jeu avait besoin de reprendre son souffle toutes les cinq minutes. Et ce n’est pas qu’un détail : à force, ça use.
Techniquement, le bilan est encore plus sec. Chutes de framerate régulières, même dans des zones vides. Bugs graphiques, ennemis qui traversent le décor, scripts d’événements qui ne se déclenchent pas… Soul Shifter donne souvent le sentiment de jouer à une version bêta, mise en ligne à la hâte, sans polish, sans vérification.
Pas de localisation française non plus — et ce n’est pas tant la barrière de langue qui gêne, mais le manque général de soin. Rien n’a été pensé pour accueillir, accompagner, ou retenir le joueur. Le jeu avance, comme lancé sur des rails bancals, sans jamais se retourner pour vérifier si vous suivez.
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