Deux ans après sa sortie, Songs of Conquest s’étend. Avec Roots, son second DLC majeur, Lavapotion fait émerger une cinquième faction : un peuple végétal, fongique, animé d’un souffle nécrotique, qui rampe dans les Wyldwoods pour renverser l’ordre établi. Ce contenu, lancé le 17 juin 2025 sur PC, introduit huit unités inédites, neuf Wielders, un biome corrompu et une série de cartes construites pour cette nouvelle dynamique. Mais derrière cette promesse d’expansion, Roots est-il un prolongement organique qui densifie la fresque tactique ? Ou une greffe maladroite qui étouffe plus qu’elle ne nourrit ?
Un écosystème infecté où la mémoire se délite
Avec Roots, Songs of Conquest ne raconte pas une nouvelle épopée. Il installe une présence. Celle d’un peuple ancien, mi-plante mi-cadavre, qui se répand dans les Wyldwoods comme une peste verte. Les Roots ne sont pas un empire qui conquiert. Ce sont des spores qui corrompent. Leur histoire n’est pas narrée par des dialogues longs, ni par des cinématiques bavardes. Elle se devine dans les descriptions d’unités, les textes des cartes, les chants sourds qui accompagnent chaque mission.
Les Wielders de la faction ne sont pas des héros au charisme flamboyant. Ce sont des émissaires d’une conscience collective. Chacun incarne une fonction, une parcelle d’une volonté unique qui dépasse l’individu. Leurs noms – Myco, Spora, Fester – évoquent autant la flore que la putréfaction. Ils parlent peu. Ils existent comme des forces, pas comme des voix.
Le biome Roots étend cette sensation d’étrangeté organique. Forêts fongiques, marécages vibrants, racines sinueuses qui dévorent l’horizon : chaque élément de décor renforce la perception d’un monde où la matière s’auto-décompose. Ce n’est pas un simple ajout esthétique. C’est une altération de la cartographie. Un écosystème hostile qui impose une lecture neuve de l’espace.
Mais cette puissance d’ambiance ne s’accompagne pas d’un récit fort. Aucun arc narratif ne guide la faction. Pas de campagne dédiée. Pas de séquences qui viendraient incarner cette contamination. Les Roots sont un peuple-mécanique, sans dramaturgie propre. Leur présence enrichit le monde, mais ne le raconte pas.
Des spores stratégiques et une mécanique qui rampe
Les Roots ne sont pas une simple faction supplémentaire. Ils imposent un changement de rythme, une manière neuve d’appréhender la carte et les combats. Là où Arleon fonde ses assauts sur des chevaliers massifs, où Rana utilise la mobilité amphibie, les Roots progressent lentement, méthodiquement, en infectant le terrain autour d’eux. Chaque structure capturée diffuse une corruption végétale, modifiant l’apparence des lieux et générant des bonus spécifiques.
Leurs unités prolongent cette dynamique. Mycelium et spores prolifèrent à chaque tour, renforçant l’attrition. Certaines créatures — comme les Myconides ou les Colossi fongiques — possèdent des capacités de zone qui empoisonnent, ralentissent, infectent. Les combats se jouent sur la durée, en contrôlant les déplacements adverses et en affaiblissant progressivement leurs forces. La magie des Roots, centrée sur les effets de terrain et la régénération, impose une lecture stratégique basée sur la patience et l’étouffement.
Le biome dédié amplifie cette approche. Dans les Wyldwoods, la végétation dense et les zones d’eau stagnante favorisent les stratégies des Roots, mais ralentissent celles des factions plus mobiles. Ces contraintes géographiques font du terrain un acteur majeur du gameplay. Avancer sans préparer le sol devient un suicide tactique.
Cette richesse mécanique ne s’accompagne pourtant pas d’une profondeur structurelle équivalente. Les Roots brillent dans les escarmouches, mais manquent d’une campagne scénarisée pour déployer leur potentiel narratif. Leurs outils stratégiques sont puissants, mais peuvent rapidement devenir redondants. La lenteur de la faction, choix volontaire, risque aussi de frustrer sur des cartes où l’agression rapide est valorisée.
Un royaume végétal noyé dans des voix étouffées
Visuellement, Roots enrichit le monde de Songs of Conquest par une esthétique organique qui tranche avec les lignes rigides des factions existantes. Les forêts fongiques prolifèrent, les racines s’enroulent autour des ruines, les spores flottent comme des cendres. Chaque unité, du simple Sporeling aux colosses enracinés, semble tirée d’un herbier hanté. Le pixel art, fidèle à la direction artistique du jeu de base, conserve une lisibilité parfaite tout en déployant un foisonnement de détails inquiétants.
Les animations des unités accentuent ce malaise. Les créatures ne marchent pas, elles glissent, elles se tordent, elles se désagrègent partiellement avant de se recomposer. Les attaques utilisent des effets de spores qui envahissent l’écran sans jamais gêner la clarté tactique. Le travail de lumière et de couleur dans le biome Roots est notable : verts acides, bruns pourrissants, lumières sourdes qui transforment les Wyldwoods en marécage spectral.
Côté sonore, la faction bénéficie de thèmes propres, composés autour de nappes lentes, d’échos de vents et de percussions boisées. Ces musiques n’ont pas l’exubérance guerrière d’Arleon ni les chants martiaux de Loth. Elles s’installent comme un brouillard. Elles oppressent. Elles hypnotisent. Elles rappellent plus un souffle qu’une mélodie.
Les bruitages participent à cette immersion. Chaque déplacement s’accompagne de craquements de branches, d’un bruit d’écorce fendue ou de l’écoulement d’une sève lourde. Les sorts émettent un bruissement, un bourdonnement, une vibration végétale. L’ensemble crée une cohérence sonore rare, qui donne au joueur l’impression de lutter non pas contre des armées, mais contre une forêt vivante.
Un écosystème dense fragilisé par ses limites structurelles
Roots étend le contenu de Songs of Conquest sans le bousculer. Le DLC ajoute une faction, un biome, des unités, des Wielders, des cartes… mais il ne propose aucun remaniement des systèmes fondamentaux. L’équilibrage, déjà délicat dans le jeu de base, reste instable : les Roots excellent sur les cartes longues où ils peuvent imposer leur rythme, mais peinent à répondre aux rushs rapides des factions plus agressives comme Barya. Leur lenteur volontaire devient parfois un handicap, plus subi que maîtrisé.
Sur le plan technique, l’intégration est fluide. Aucun bug notable ne vient parasiter l’expérience. Les animations s’enchaînent sans accroc, les effets graphiques des spores n’entraînent pas de ralentissements. Le moteur encaisse sans effort le foisonnement des Wyldwoods et la prolifération des unités végétales.
Le contenu, bien que cohérent, paraît cependant restreint. Aucun scénario dédié n’accompagne la faction. Les cartes proposées sont intéressantes mais ne suffisent pas à construire une véritable campagne narrative autour des Roots. Le joueur doit se contenter de combats d’escarmouche ou d’explorations libres pour apprécier leur potentiel. L’absence d’un cadre scénarisé frustre, surtout face à une faction qui appelle une mise en contexte plus profonde.
Enfin, aucun ajustement d’ergonomie n’a été intégré pour alléger la lourdeur des menus ou fluidifier la sélection des sorts et des unités. Ceux qui attendaient une modernisation de l’interface devront composer avec les mêmes lenteurs que dans le jeu de base.
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