Démolir des carcasses de navires pour en extraire le moindre boulon : une promesse de gameplay zen ou un naufrage ludique ? Développé par Games Incubator et édité par Ultimate Games, Ship Graveyard Simulator est disponible depuis le 2 décembre 2022 sur Xbox Series. Ce simulateur vous plonge dans le quotidien d’un ferrailleur opérant sur les plages d’un chantier naval, où l’objectif est de désosser méthodiquement des épaves pour en tirer profit.
Le jeu s’inscrit dans la lignée des simulateurs de métiers, offrant une expérience centrée sur des tâches répétitives et une progression basée sur l’amélioration d’outils et d’infrastructures. Cependant, malgré une idée de départ intrigante, Ship Graveyard Simulator peine à convaincre sur Xbox Series, notamment en raison de problèmes techniques et d’un gameplay rapidement monotone .
Dans un paysage vidéoludique où les simulateurs se multiplient, Ship Graveyard Simulator parvient-il à se démarquer par son originalité ou sombre-t-il dans les profondeurs de la médiocrité ? C’est ce que nous allons examiner.
Aucun récit, juste la rouille
Il n’y a pas d’histoire dans Ship Graveyard Simulator. Pas de personnage principal, pas d’arrière-plan narratif, pas de mise en contexte émotionnel. Vous incarnez un avatar sans nom, sans passé, sans identité, largué sur une plage saturée d’épaves métalliques. Aucun dialogue, aucun journal, aucun objectif scénarisé ne vient soutenir l’expérience.
Le jeu fait le choix du mutisme intégral. Pas de voix, pas de texte explicatif, rien qui ne dépasse la mécanique pure. Votre présence dans ce chantier n’a pas de justification. Vous êtes là pour couper, trier, vendre. La progression est chiffrée, pas racontée. On débloque de meilleurs outils, on accède à des bateaux plus grands, mais jamais on ne comprend pourquoi on fait ça, ni pour qui.
Il serait tentant d’y voir une critique implicite du travail déshumanisé, du labeur sans visage. Mais ce serait accorder au jeu un discours qu’il ne tient jamais. Ship Graveyard Simulator ne raconte rien, ne suggère rien, ne symbolise rien. Il exécute une boucle sans habillage.
Le seul élément vaguement narratif est environnemental : ces navires éventrés, ces plages saturées de déchets industriels. Mais là encore, le décor est figé. Aucun détail ne trahit une histoire passée. Ce cimetière naval n’est pas hanté par des fantômes. Il est vide.
Ce silence peut séduire certaines joueuses ou joueurs en quête de pure routine. Mais il prive aussi le jeu de toute attache émotionnelle. Pas de motivation. Pas de tension. Juste une ligne de progression et des tonnes de métal à démonter.
Découper, démonter, disparaître
Le gameplay de Ship Graveyard Simulator repose sur une boucle unique : explorer une épave, identifier les éléments récupérables, utiliser l’outil adéquat, vendre les pièces, recommencer. Le tout dans un monde ouvert réduit, cloisonné à une plage et à ses bâtiments annexes (atelier, bureau de revente, entrepôt).
À première vue, cette simplicité est une force. Le jeu vous place face à un objectif clair, sans détour. Vous commencez avec un pied-de-biche et une pince, puis vous débloquez chalumeau, scie circulaire, marteau-piqueur, explosifs. Chaque outil ouvre l’accès à de nouveaux matériaux (aluminium, acier, cuivre, câblages complexes), et chaque matériau augmente vos profits.
Mais rapidement, la boucle se délite. Les épaves se ressemblent. Les tâches se répètent. Les navires changent de forme mais pas de logique. Les points d’interaction sont toujours aux mêmes endroits. Le découpage devient automatisme, le démontage un clic de plus. Il n’y a aucune variation structurelle. Aucune surprise mécanique.
Le système d’amélioration (de vos outils et de votre personnage) introduit un semblant de progression, mais il est linéaire et peu engageant. Gagner plus d’endurance, frapper plus vite, porter plus lourd… autant de paramètres qui ralentissent le début du jeu pour donner une fausse sensation de montée en puissance.
Le jeu introduit une notion de risque avec la présence de zones dangereuses (électricité résiduelle, vapeurs toxiques, risques d’explosion), mais ces dangers sont anecdotiques. On les contourne en deux clics, et aucune sanction réelle ne menace votre progression.
Aucune gestion de fatigue, aucun besoin de planification, aucun système de logique spatiale : vous avancez, vous cliquez, vous encaissez. Et au bout de quelques heures, le chantier naval devient une routine morte.
Ship Graveyard Simulator aurait pu proposer une approche stratégique, une gestion du désossage, une économie dynamique. Il choisit l’ultra-répétition. Et dans ce choix, il creuse lui-même sa tombe.
Océans ternes et silence industriel
Visuellement, Ship Graveyard Simulator affiche une direction artistique fonctionnelle, mais sans la moindre ambition esthétique. Les textures sont fades, les modèles 3D grossiers, les animations rigides. Chaque épave semble calquée sur la précédente, avec un habillage métallique générique qui trahit le manque de variation. Aucun souci de mise en scène. Aucun effort de composition. Le chantier naval n’a pas d’âme : c’est un décor de catalogue, utile mais sans expression.
L’environnement extérieur est figé : ciel immobile, mer plate, lumière artificielle. L’ambiance générale évoque plus un bac à sable abandonné qu’un véritable site industriel. Pas de météo, pas de cycle jour/nuit, pas de changement d’atmosphère. Ce qui aurait pu être un monde en décrépitude est réduit à un décor passif.
Côté performances, le jeu tourne de manière stable sur Xbox Series X, à 60fps constants. Mais cette stabilité masque des choix techniques sommaires : faible distance d’affichage, pop-in des détails, effets visuels limités au strict minimum. Sur Series S, des ralentissements apparaissent lors des démontages massifs ou à l’usage d’outils avancés comme le chalumeau thermique.
Le design sonore, quant à lui, est minimal. Pas de musique. Aucun habillage émotionnel. Juste des bruitages industriels récurrents : métal qui cède, souffle du vent, crépitement d’outil. Ces sons sont corrects, mais répétitifs au bout de quelques heures. L’absence de variation ou de spatialisation les rend mécaniques, déconnectés de toute tension ou rythme.
Le jeu ne propose aucun doublage, aucun cri, aucun fond narratif sonore. Un silence fonctionnel qui renforce l’impression de vide. Et ce vide n’est pas poétique. Il est simplement technique.
0 commentaires