Certaines idées naissent avec une évidence : celle d’un geste pur, d’un mouvement précis, d’une promesse immédiate. Rooftop Renegade, premier jeu du studio indépendant australien Melonhead Games, repose sur cette impulsion. Sorti en février 2023 sur Nintendo Switch, le titre se présente comme un jeu de plateformes rapide, stylisé, focalisé sur la fluidité et le rythme. Une ligne droite. Un dash. Une fuite perpétuelle sur des toits éclaboussés de néons.
Mais un concept, aussi séduisant soit-il, ne peut tenir à lui seul toute une expérience. À force de fuir, Rooftop Renegade laisse derrière lui les fondamentaux d’une véritable aventure : le contexte, la progression, la variété, le souffle. Ce qui reste ? Une sensation de vitesse bien calibrée, mais répétée jusqu’à l’épuisement.
Une course sans but, une héroïne sans visage
Rooftop Renegade ne raconte rien. Littéralement. Aucun texte d’introduction. Aucun écran de briefing. Aucune ligne de dialogue. Vous incarnez une silhouette anonyme, qui glisse à toute allure sur les toits d’une mégalopole futuriste, poursuivie par des drones et des soldats en armure. Pourquoi ? Pour qui ? Le jeu ne prend jamais la peine de l’expliquer.
Visuellement, votre avatar semble avoir été conçu pour plaire aux amateurs de synthwave : cheveux bleus, rollers lumineux, combinaison moulante. On devine un univers dystopique, une oppression policière, une fuite pour la liberté. Mais tout cela reste au stade de l’évocation esthétique. Aucun élément ne vient enrichir l’univers, aucune cinématique ne pose les enjeux, aucun antagoniste n’a de nom, aucun personnage secondaire n’existe.
Et c’est bien là le problème : à force de ne rien vouloir dire, Rooftop Renegade finit par ne rien faire ressentir. Le joueur est censé courir pour échapper à une menace, mais cette menace est vide. Sans visage, sans but, sans gravité. L’urgence devient une mécanique, jamais un moteur émotionnel.
Ce choix de minimalisme pourrait être défendable s’il s’accompagnait d’une symbolique forte, d’une mise en scène percutante, ou d’un effort de narration environnementale. Il n’en est rien. Les niveaux se succèdent sans variation thématique. L’héroïne n’évolue jamais. Et même le nom du jeu – Rooftop Renegade – reste une promesse creuse, une étiquette posée sur une absence.
Le plus troublant, c’est qu’on sent un univers graphique latent, prêt à exister, à s’étoffer, à se raconter. Mais il demeure à l’état de toile de fond. Une suite de décors fluo traversés à toute vitesse, sans jamais qu’on sache qui l’on incarne, ni pourquoi on court.
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