Un casque, une combinaison, un vaisseau qui tremble, et l’attente. Pas d’introduction cinématographique, pas de destin grandiose. Juste une escouade, prête à débarquer sur un énième caillou meurtri pour y faire le sale boulot. Rocket Squad: Infinity, développé par Jackto Studios, est disponible en accès anticipé sur PC depuis le 17 avril 2025, et il ne vous promet rien d’autre que la fatigue de l’extraction.
Ce n’est ni un space opera, ni un jeu de tir spectaculaire. C’est un jeu de coordination, de survie méthodique, où chaque sortie ressemble à une mission de routine qui pourrait mal tourner. Vous ne sauvez pas l’humanité. Vous remplissez un contrat. Et si vous mourez, un autre prendra votre place.
Mais dans cette répétition armée et cette science de la tension collective, Rocket Squad: Infinity parvient-il à forger une identité propre ? Ou s’efface-t-il derrière les standards balisés du shooter coopératif à extraction ?
Personne à sauver, seulement des corps à envoyer
Il n’y a pas de grand récit. Pas de saga. Seulement un contexte de désastre systémique, de colonies ravagées par des entités mécaniques, de planètes oubliées où la mort s’empile dans le silence des bunkers vides. Rocket Squad: Infinity ne vous demande pas de comprendre ce monde. Il vous demande d’y opérer, comme un agent interchangeable, une fonction parmi d’autres dans une mécanique galactique qui ne s’arrête jamais.
Vous incarnez l’un des membres d’une escouade d’extraction, chacun doté d’un rôle : soutien, artillerie, éclaireur. Il n’y a pas d’individualité affirmée. Seulement des spécialisations. Vous êtes assigné à une tâche, vous la remplissez. Il ne s’agit pas de développer un personnage, mais de le maintenir en vie jusqu’au prochain vaisseau de retour.
Le seul “personnage” qui émerge, c’est l’escouade elle-même, ce groupe façonné par les erreurs, les angles morts, les gestes instinctifs sous pression. Chaque membre devient une fonction vitale. Quand l’un tombe, ce n’est pas une perte sentimentale. C’est une faille dans le dispositif. Et ce regard froid, opérationnel, traverse toute l’expérience.
Aucun dialogue, aucun arc narratif. Quelques notes de contexte, des terminaux à moitié brûlés, des fragments audio parfois, pour rappeler que ces planètes ont été habitées. Mais Rocket Squad: Infinity ne vous parle pas. Il vous lance. Il vous observe. Et il attend que vous reveniez.
Ce n’est pas une faiblesse. C’est une déclaration de ton : ici, les personnages sont des unités. Leur identité se forge dans les minutes de panique, dans les cris de repli, dans les gestes synchronisés. L’humanité, si elle existe encore, se joue entre deux tirs. Pas entre deux cinématiques.
Extraction, pression, et silence radio
Rocket Squad: Infinity repose sur une boucle unique : atterrir, fouiller, extraire, repartir. Ce n’est pas un shooter frénétique. C’est un protocole tendu, une chorégraphie dangereuse dans des environnements clos, où chaque pas peut provoquer l’effondrement de l’équipe entière. On ne vous demande pas d’improviser. On vous demande de fonctionner.
Chaque mission débute par un brief minimal, une carte semi-procédurale, et une descente. Le terrain change, les ennemis varient, mais le cœur reste le même : coordination, économie d’efforts, et retrait en vie. Les ressources ne sont pas des bonus. Elles sont le but. Et dans ce cadre restreint, chaque outil devient une question tactique.
Vous choisissez un rôle : assaut, soutien, ingénieur, éclaireur. Chacun dispose de compétences spécifiques, mais aucune n’est spectaculaire. Ce ne sont pas des super-pouvoirs. Ce sont des responsabilités. Le soutien soigne, mais lentement. L’ingénieur déploie, mais doit anticiper. Il n’y a pas de héros. Il y a des fonctions.
Les ennemis, quant à eux, ne cherchent pas à surprendre. Ils cherchent à submerger. Des vagues de drones, des unités lourdes, des pièges. Ils n’ont pas d’âme. Seulement une fonction de pression. Le jeu ne récompense pas la performance individuelle, mais la survie collective. Et c’est là toute sa tension : vous n’êtes pas là pour briller. Vous êtes là pour ne pas échouer.
Le level design suit cette logique. Des cartes labyrinthiques, parfois ouvertes mais souvent fermées, truffées de points d’étranglement, de lignes de vue ambiguës, de couloirs piégés. L’extraction n’est jamais une formalité. C’est une course de fond dans un couloir qui se referme.
Pas de système de progression spectaculaire. Des améliorations discrètes, des armes secondaires, des gadgets. Mais jamais assez pour inverser l’équilibre. Vous êtes et resterez vulnérable. Le jeu vous laisse vous perfectionner, mais jamais vous affranchir. Et c’est cette limite – toujours maintenue, toujours ressentie – qui rend chaque mission légitimement risquée.
Rocket Squad: Infinity ne cherche pas l’innovation. Il cherche la justesse de pression. Et dans ce protocole d’extraction brutal mais lucide, il trouve sa voix propre.
Lumière filtrée, métal froid, et cris dans l’écho
L’esthétique de Rocket Squad: Infinity n’est pas une vitrine. C’est un instrument de tension. Pas d’effets de style, pas de science-fiction lissée. Seulement des intérieurs brisés, des lumières sourdes, des surfaces souillées. Le monde visuel du jeu est un espace de travail oublié, fonctionnel, hostile, presque post-industriel.
Les planètes visitées se déclinent en variations de ruines : complexes désertés, entrepôts infestés, stations démantelées. Le langage visuel privilégie la lisibilité des dangers à l’exotisme : jeux d’ombres marqués, silhouettes nettes, effets de lumière calibrés pour la tactique. Pas de contemplation. De la clarté dans l’urgence.
Les ennemis mécaniques s’intègrent parfaitement à cette logique. Ils ne brillent pas. Ils rampent, cliquettent, bloquent les issues. Leur design n’est pas là pour émerveiller, mais pour faire comprendre leur rôle. Le gros vous encercle. Le petit vous pousse à l’erreur. Leur apparence est une interface.
Les effets visuels suivent la même règle : jamais d’excès. Le HUD est sobre, lisible. Les explosions sont sèches. Les tirs sont précis. Chaque impact est visuellement identifiable, mais rien ne détourne l’attention. La beauté du jeu est dans sa clarté létale.
La bande-son, elle, n’accompagne pas. Elle attend. Souvent absente, elle laisse place à des silences tendus, des bruits d’environnement, des signaux radio distordus. Quand elle revient, c’est par vagues : nappes synthétiques, pulsations graves, alarmes en arrière-plan. Elle ne rythme pas le jeu. Elle le retient.
Le sound design fait le reste : chaque pas, chaque recharge, chaque cri est calibré. Le souffle court d’un coéquipier, le hurlement d’un drone qu’on n’a pas vu venir, le bip sourd d’une extraction imminente. C’est le son qui vous guide, plus que le regard.
Rocket Squad: Infinity ne séduit pas par ses visuels. Il les utilise comme un outil de stress. Il ne vous enveloppe pas. Il vous garde en tension constante, et dans cette retenue, il trouve une vérité esthétique rarement aussi cohérente.
Une boucle stable, sans promesse inutile
Rocket Squad: Infinity est un jeu solide. Techniquement fiable, mécaniquement rigide, volontairement hermétique. En accès anticipé depuis avril 2025, il propose déjà une expérience pleinement fonctionnelle, sans instabilité, sans accroc, sans fioriture.
Les performances sont constantes, même dans les moments de surcharge. Pas de ralentissement, pas de désynchronisation, même lors des exfiltrations les plus chaotiques. Le netcode tient. La physique est sobre. Le moteur ne proteste jamais, même quand tout autour explose.
Le jeu est conçu pour être joué en coopération jusqu’à quatre joueurs. Mais il n’impose pas. Il permet de lancer des missions en solo, bien que l’expérience s’en trouve transformée. Jouer seul, ici, c’est jouer en pénurie. Jouer à quatre, c’est jouer sous pression. Le jeu ne devient pas plus facile. Il devient plus responsable.
En matière d’accessibilité, l’effort est encore embryonnaire. L’interface est claire, mais aucune option avancée n’est disponible pour les troubles visuels ou moteurs. Le jeu mise sur une interface neutre, sans surcharge, mais ne propose aucune adaptation spécifique. Tout est lisible. Rien n’est ajustable.
Pas de monétisation secondaire. Aucun DLC. Aucune promesse de contenu saisonnier. Ce que vous avez, c’est le cœur du jeu. Et ce cœur tourne. Il tourne bien. Il tourne en boucle. Mais le studio annonce de nouveaux biomes, de nouveaux ennemis, et une extension du bestiaire d’ici la fin de l’accès anticipé.
Rocket Squad: Infinity n’a pas besoin de plus. Il se suffit dans sa tension. Chaque partie est un test. Chaque mission une preuve que l’équilibre tient encore. Le reste – progression, cosmétique, récompense – devient secondaire.
Ce n’est pas un jeu de conquête. C’est un jeu de résistance.
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