Remnants of the Rift, sorti le 29 mai 2025 sur Nintendo Switch, vous propulse dans une dimension instable où chaque décision se fige, puis frappe. Ni run and gun, ni pur tactique, ce roguelite en pause active tente un équilibre rare : planifier sous tension, frapper sous contrainte. Vous incarnez Morgan, mercenaire sans racines, piégée dans un monde fracturé qu’aucune boucle ne parvient à refermer.
Développé par Bromio, le jeu affiche une esthétique rétrofuturiste, un rythme syncopé, et une promesse simple : contrôler le chaos. Mais quand tout fonctionne par cycle, par glitch, par microdécision… que reste-t-il d’un vrai système ?
Remnants of the Rift cherche-t-il la stratégie ou simule-t-il simplement l’intention ?
Fragments d’identité dans un monde suspendu
L’histoire de Remnants of the Rift ne raconte rien. Elle installe. Un monde, une faille, une mercenaire. Morgan, protagoniste désincarnée mais stylisée, traverse des réalités brisées à la solde de factions dont les motivations sont à peine esquissées. Pas de cutscenes majeures, pas d’arc dramatique fort, juste des dialogues laconiques, des fichiers contextuels, et une impression permanente d’univers en patchwork.
Le jeu refuse l’exposition. Il préfère l’évocation. On devine des conflits passés, des alliances toxiques, des expérimentations qui ont tout détruit. Mais cette matière première n’est jamais transformée. Chaque élément de lore reste suspendu, jamais mis en tension par la progression. À mesure que Morgan plonge plus profondément dans le Bast, c’est moins une intrigue qui se développe qu’une habitude qui s’installe : on combat, on retourne à la base, on écoute une ligne de texte, on repart.
Les personnages secondaires existent — assignés à des rôles précis dans la base : boutique, soins, amélioration. Mais ils ne vivent pas. Leurs dialogues se répètent, leurs intentions restent floues, leurs fonctions mécaniques effacent toute tentative d’incarnation. On comprend que ces figures veulent quelque chose du Bast. On ne sait jamais vraiment quoi. Et à la longue, on n’a plus envie de demander.
Morgan, malgré son design fort, ne devient jamais un vecteur narratif. Aucun dilemme, aucun choix, aucune évolution. Elle agit. Et le jeu agit à travers elle. Le joueur devient son propre moteur. Ce n’est pas un problème si le monde réagit. Mais Remnants of the Rift laisse tout en suspension : ni tension dramatique, ni enjeu moral, ni progression affective.
L’univers a du style. Mais pas d’histoire. Et cette absence, dans un roguelite où la répétition structure le rythme, finit par peser. Sans récit, les boucles s’usent. Sans mémoire, chaque combat devient un exercice sans conséquence.
Un système en pause, une ambition sans ancrage
Remnants of the Rift vend une promesse : contrôler le chaos. Dans les faits, il livre une boucle mécanique aussi brillante dans son idée que bancale dans sa mise en œuvre. Le principe repose sur la “pause active” : chaque run se compose de salles où l’action est figée à chaque mouvement. À vous de planifier, d’enchaîner les capacités, d’anticiper les trajectoires ennemies. Puis le temps reprend. Puis vous réagissez. Le cœur du système fonctionne. Il intrigue. Mais il tourne à vide.
La difficulté n’est pas d’ordre tactique, elle est structurelle. Le jeu ne se renouvelle pas. Les ennemis se répètent, les patterns se recyclent, les salles s’enchaînent sans montée de tension. Ce n’est pas un problème d’équilibrage, c’est une faille dans la dynamique : une fois le système compris, l’effort devient exécution. L’adrénaline retombe. On joue en pilote automatique, malgré la pause.
Les armes — réparties en styles distincts à débloquer — modifient l’approche : mêlée, longue portée, effets de zone. Mais aucune n’impose un gameplay radicalement différent. Les builds se ressemblent, les variations sont cosmétiques ou marginales. On débloque, on équipe, mais rien ne casse la boucle. Pas de combo structurel. Pas d’arbre de compétences riche. La “personnalisation” est en réalité une optimisation sans surprise.
La structure roguelite ajoute des modificateurs d’environnement, des effets aléatoires, des bonus de run. Mais ces ajouts ne compensent pas la faiblesse du level design : les zones sont visuellement et mécaniquement trop proches. Pas de pièges mémorables, pas de mise en scène, pas de cassure dans la progression. Chaque étage du Bast est un couloir avec des vagues. Rien de plus.
Pire : la gestion de la progression entre les runs — achat de nouvelles armes, amélioration passive, ajustement d’objets — manque d’impact. On avance, oui, mais lentement, sans vraie transformation. Le sentiment de répétition s’installe rapidement. Et le système, pourtant prometteur, devient une boucle sans enjeu.
Un style fort, un monde creux
Visuellement, Remnants of the Rift impose une signature. Lignes néon, silhouettes stylisées, ambiance rétrofuturiste saturée de violets, de bleus et de teintes métalliques. Chaque salle du Bast semble issue d’un vieux vinyle de synthwave redécoupé en isométrie. Le style est là. Clairement assumé. Techniquement propre. Mais au fil des runs, il s’érode. Car derrière cette façade brillante, le jeu n’a rien à montrer de plus.
Les environnements sont interchangeables. Quelques variations de biomes — ruines technoïdes, couloirs industriels, zones fragmentées — mais aucune verticalité, aucun point de repère, aucun espace mémorable. On traverse. On efface. On passe. Le Bast, malgré son nom, n’a pas d’âme. C’est un skin posé sur une grille tactique.
Les animations suivent la même logique : lisibles, propres, sans éclat. Les attaques manquent d’impact visuel. Les effets sont réduits à l’essentiel. Pas de feedback marqué sur les coups reçus ou infligés. Même les éliminations manquent de poids. C’est fluide, mais c’est froid. Chaque séquence visuelle existe. Aucune ne s’imprime.
Côté ennemis, même constat. Un bestiaire cohérent mais sans surprise : robots flottants, tourelles mobiles, entités glitchées. Leur design fonctionne. Leur animation, moins. Ils se déplacent bien. Ils meurent vite. Et après dix runs, ils se confondent tous. Le visuel ne soutient pas la répétition. Il l’amplifie.
Musicalement, le jeu sauve l’impact. La bande-son, signée par son propre game designer Bromio, épouse parfaitement le rythme de l’action. Synthés tendus, pulsations électroniques, nappes modulaires. Le mixage est net, l’intégration au gameplay bien pensée : les temps morts résonnent, les salves tactiques claquent. C’est la seule dimension où le jeu insuffle du mouvement là où l’image se fige.
Les bruitages sont fonctionnels mais sans identité marquée. Dash, tirs, explosions… tout est à sa place, sans fausse note, mais sans présence non plus. L’habillage sonore reste au second plan, quand il devrait faire vibrer les décisions. Il accompagne. Il ne souligne jamais.
Remnants of the Rift veut être cool. Il l’est. Dix minutes. Mais son esthétique, comme son monde, tourne en boucle sans jamais se recharger.
Des runs fluides, mais une structure statique
Sur Nintendo Switch, Remnants of the Rift s’en sort. Le jeu tourne à 30 images par seconde en mode docké comme portable, sans chutes majeures, même en combat dense. Les temps de chargement sont rapides, les transitions entre les zones de la base et les missions sont propres. Rien à redire sur la stabilité. Mais cette solidité technique ne masque pas une vérité plus gênante : l’absence totale d’ambition structurelle.
L’interface est lisible mais sous-exploitée. Aucun outil de planification avancé. Aucune option de survol pour voir les effets détaillés. Certaines cartes ou objets s’expliquent en une phrase floue, d’autres nécessitent de deviner. Le menu d’amélioration des armes est un empilement de chiffres sans impact clair. Ce n’est pas un problème de design. C’est une absence d’intention. Le jeu ne veut pas rendre la tactique lisible. Il veut que vous cliquiez jusqu’à ce que ça passe.
La progression entre les runs est timide. Une poignée d’armes à débloquer, quelques améliorations passives, un système de monnaie lente à accumuler. Rien ne bouleverse l’expérience de run en run. Vous refaites la même chose, avec des chiffres un peu différents. Et le manque de contenu secondaire — pas de mode défi, pas d’arène, pas de variantes structurelles — appuie cette sensation : le jeu ne se renouvelle pas. Il se répète.
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