Et si les jeux de baston n’avaient jamais quitté les bornes ? Si leur énergie pure, faite de cris rauques, de coups qui claquent, et de pixels qui saignent, avait survécu à la 3D, à la lassitude et à la disparition des sticks ? C’est cette idée folle que porte Pocket Bravery, développé par le studio brésilien Statera Studio et édité par PQube, avec l’élan d’un uppercut qui refuse l’oubli. Sorti d’abord sur PC et consoles en 2023, le titre débarque le 10 avril 2025 sur Nintendo Switch, prêt à faire trembler les Joy-Con et les souvenirs d’enfance.
Inspiré par les grands noms du genre – Fatal Fury, Street Fighter III, The King of Fighters 2000 – Pocket Bravery revendique haut et fort l’héritage de l’âge d’or des jeux de combat 2D, mais avec un twist moderne : un casting original, un système élémentaire stratégique, une direction artistique typée Neo Geo Pocket, et une volonté farouche d’allier accessibilité et profondeur.
Mais ce cocktail rétro-moderne tient-il ses promesses sur la console hybride de Nintendo ? Cette version Switch parvient-elle à faire honneur à la vitesse, à la lisibilité et à la nervosité qui caractérisent les meilleurs jeux du genre ? Ou bien l’écran portable révèle-t-il les fissures d’un jeu pensé pour la compétition pixel-perfect sur d’autres supports ?
Frères ennemis, pactes de sang et flammes intérieures
Dans le tumulte pixelisé de Pocket Bravery, l’affrontement n’est pas qu’un prétexte. Derrière chaque coup se cache une histoire, un lien, une blessure. Le jeu ne se contente pas de proposer une galerie de combattants stylisés : il tisse autour d’eux un récit de vengeance, de fraternité brisée et de conflits élémentaires, porté par une direction artistique audacieuse et un univers cohérent.
Vous découvrez l’histoire à travers un mode scénario centré sur Nuno, un jeune combattant au regard déterminé, propulsé malgré lui dans une guerre de l’ombre orchestrée par l’organisation Matilha, mystérieux réseau criminel qui semble manipuler les arcanes élémentaires du monde. Lorsque son frère Matias disparaît, Nuno se lance dans une quête où les poings servent autant à ouvrir des portes qu’à résoudre des traumatismes. Ce récit, bien qu’ancré dans les codes classiques du genre, est étonnamment bien dialogué, soutenu par des cutscenes en pixel art dynamiques et un vrai souci de cohérence interne.
Mais la force de Pocket Bravery réside surtout dans la caractérisation de son casting, pensé comme un hommage vivant aux archétypes du jeu de baston, tout en leur insufflant une identité propre. De Hadassa, la combattante mystique liée à l’élément de lumière, à Sebastian, le musicien aux poings aussi rapides que ses riffs, en passant par Laija, la guerrière redoutable et tourmentée, chaque personnage possède une esthétique distinctive, une motivation narrative, et une affinité élémentaire qui influence à la fois l’histoire et le gameplay.
Le ton oscille entre légèreté pop et tension dramatique : Pocket Bravery assume un style narratif proche du manga shōnen, où l’honneur, l’amitié, la trahison et la résilience forment le socle émotionnel des confrontations. Ce n’est jamais révolutionnaire, mais toujours sincère. Et dans un genre souvent avare en écriture, ce soin accordé à l’univers et à ses figures est à saluer.
La version Switch conserve l’intégralité du contenu narratif, sans coupure, avec les mêmes dialogues, les mêmes portraits animés, et les voix originales brésiliennes et anglaises, offrant une dualité de ton qui reflète la multiculturalité du projet. Pas d’économie ici : juste une transposition fidèle et respectueuse, qui rend honneur à cette fresque de poings et de principes.
Rythmes nerveux, éléments en furie et coups de génie
Dans Pocket Bravery, le combat est un art. Pas un simple échange de coups, mais une partition millimétrée, où chaque enchaînement, chaque parade, chaque activation de pouvoir repose sur une mécanique huilée et exigeante. Le jeu revendique dès l’ouverture son appartenance à la grande tradition des jeux de baston en 2D, mais il le fait sans paresse ni mimétisme : ici, chaque choix de design respire l’intelligence, l’amour du genre, et une volonté farouche de moderniser sans trahir.
Le cœur du gameplay repose sur un système à six boutons, inspiré des classiques Capcom, combinant coups légers et forts, pieds et poings, avec deux ressources essentielles : la jauge d’énergie classique et surtout, la jauge “elemental”, signature du jeu. Chaque personnage est affilié à un élément – feu, eau, tonnerre, vent… – qui, une fois activé, modifie ses capacités spéciales, débloque de nouvelles propriétés offensives ou défensives, et permet de créer des mix-ups imprévisibles, voire des retournements de situation brutaux. Ce système n’est pas cosmétique. Il impose une lecture stratégique continue, et distingue clairement Pocket Bravery de ses aînés.
Chaque combattant dispose de commandes accessibles pour les débutants – avec des raccourcis et des manipulations simplifiées – mais aussi d’un potentiel de combo vertigineux pour les joueurs avancés. L’exécution est précise, fluide, jamais bridée par la plateforme. Et sur Switch, bonne surprise : aucune latence majeure n’est à signaler, y compris en mode portable, avec une prise en main agréable grâce à des options de mappage intégralement conservées.
Le jeu propose plusieurs modes : arcade, versus local, entraînement complet, mode histoire, et multijoueur en ligne avec rollback netcode. Sur Switch, les fonctionnalités en ligne sont maintenues, avec un matchmaking correct, bien qu’un peu plus lent à charger que sur PC ou PS5. Les combats en local se montrent parfaitement stables, même sur les modèles Lite, et le framerate reste ancré à 60 FPS constants, un exploit qui mérite d’être souligné compte tenu du dynamisme graphique de certains stages.
Le level design, ici, se décline en stages illustrés dans un style pixel art flamboyant, allant des ruelles brésiliennes aux temples oubliés, sans jamais perdre en lisibilité. Chaque arène est pensée comme un écrin visuel, sans impact mécanique sur le combat, mais avec une identité forte, presque scénographique. Le jeu va à l’essentiel, et c’est cette pureté de design qui le rend si plaisant à pratiquer.
Le gameplay de Pocket Bravery ne se contente pas d’honorer le passé. Il invente ses propres règles, pose ses propres enjeux, et offre aux joueurs un terrain d’expression à la fois précis et explosif. C’est un jeu de combat pour ceux qui aiment apprendre, progresser, et surtout ressentir chaque impact comme une note juste dans une symphonie de violence élégante.
Néo-rétro éclatant et coups de poing en stéréo
L’esthétique de Pocket Bravery n’est pas un simple retour au pixel art : c’est une déclaration d’amour aux jeux de combat 2D des années 90, retravaillée avec une précision chirurgicale et une patte résolument contemporaine. Chaque personnage semble surgir d’un écran CRT fantasmé, mais avec une palette de couleurs éclatante, des animations fluides, et une lisibilité exemplaire, même dans les moments les plus frénétiques.
Les sprites sont volontairement disproportionnés, dans un style “super-deformed” assumé, rappelant la Neo Geo Pocket ou Pocket Fighter, mais avec une finesse d’animation bien supérieure à ce que la référence suggère. Chaque coup est exagéré, chorégraphié, dansé presque, avec des effets visuels qui mettent en valeur les éléments : des flammes qui se déploient en arabesques, des éclairs qui strient l’écran, de l’eau qui pulse comme un battement cardiaque. Le tout reste d’une lisibilité exemplaire, même en portable sur l’écran de la Switch standard, grâce à un travail minutieux sur le contraste et les silhouettes.
Les stages ne sont pas de simples fonds statiques. Ce sont des compositions vivantes, colorées, pleines de détails et d’animations contextuelles : foule qui acclame, pluie qui tombe sur des toits de tôle, palmiers qui dansent au rythme des coups. Ils donnent au jeu un ancrage géographique fort, aux accents brésiliens revendiqués, et surtout un cachet visuel propre, entre nostalgie et fraîcheur. Sur Nintendo Switch, aucun downgrade significatif n’est à signaler, si ce n’est une légère baisse de définition sur les arrière-plans en mode portable. Mais l’identité visuelle reste intacte.
Côté audio, Pocket Bravery frappe fort. La bande-son, composée par Rafael Langoni Smith, est un mélange savoureux de chiptune dopé aux synthés modernes, d’influences funk, électro et parfois même samba urbaine. Chaque thème de personnage apporte une identité musicale distincte, et le sound design des coups, très punchy, très sec, donne une réelle matière aux échanges, renforcée par une spatialisation propre et percutante, même au casque.
Les voix – en portugais ou en anglais – sont expressives, bien intégrées, et renforcent le style manga dynamique du jeu sans jamais virer au cliché caricatural. Aucun doublage en japonais n’est disponible, mais le choix du portugais comme langue principale donne une personnalité unique à l’ensemble, un accent d’authenticité rare dans le genre.
Pocket Bravery sur Switch est un petit bijou de direction artistique maîtrisée, qui parvient à conjuguer l’hommage pur et dur avec une modernité bien sentie, sans jamais trahir ni l’un, ni l’autre.
Netcode solide, ergonomie soignée et combat de poche
À première vue, Pocket Bravery pourrait être perçu comme un jeu de niche, un clin d’œil rétro adressé à une poignée d’initiés. Mais sous ses allures de revival pixelisé, le titre cache une infrastructure étonnamment robuste, pensée pour durer, pour s’ouvrir, et pour accompagner la montée en compétence des joueurs, qu’ils soient néophytes ou vétérans du versus fighting.
Premier point fondamental : le jeu intègre un rollback netcode, devenu indispensable dans le paysage compétitif contemporain. Et bonne nouvelle : même sur Nintendo Switch, réputée plus instable en ligne, les performances restent honorables. Lors de matchs en ligne, la stabilité est globalement au rendez-vous, à condition bien sûr d’une connexion stable des deux côtés. Les matchs cross-platform ne sont pas encore disponibles, mais l’infrastructure montre des bases solides pour la compétition, même sur console portable.
Les modes de jeu sont nombreux, et entièrement présents dans la version Switch : arcade, versus local, mode histoire complet, entraînement avec enregistrement de séquences, défis combo, et matchs classés ou amicaux en ligne. Le contenu est identique aux autres versions, sans censure, sans altération, avec tous les personnages jouables dès le lancement. Il ne s’agit pas d’un portage au rabais, mais d’une adaptation fidèle, fluide, réactive et techniquement bien optimisée.
La prise en main, quant à elle, est particulièrement réussie sur Switch, même avec les Joy-Con, pourtant peu adaptés aux quarts de cercle. Grâce à la présence de raccourcis, de commandes simplifiées, et d’un mapping entièrement personnalisable, le jeu se laisse apprivoiser sans friction, aussi bien en docké qu’en portable. Le confort est encore amélioré avec une manette Pro ou un stick arcade compatible – et tous les tests confirment une latence imperceptible, tant en solo qu’en multi local.
Côté options, Pocket Bravery intègre un mode entraînement complet, avec hitbox, frame data, affichage des inputs et replay system. Des ajouts essentiels pour les amateurs de lab, rarement proposés dans des productions indépendantes de cette envergure. Le jeu propose aussi un classement en ligne, une galerie de portraits, une base de données sur les éléments, et des filtres visuels optionnels (scanlines, bordures noires façon arcade), renforçant l’identité néo-rétro assumée.
Du côté de l’accessibilité, le titre ne propose pas encore de lecture d’écran ou d’options avancées pour les joueurs en situation de handicap, mais les commandes simplifiées et la clarté visuelle en font déjà un jeu plus accueillant que la moyenne des productions compétitives.
Enfin, la stabilité technique sur Switch est excellente : aucun plantage, pas de baisse de framerate en combat, et des temps de chargement réduits. Seuls quelques ralentissements mineurs sont signalés lors des transitions de menus ou dans les galeries d’art.
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