Un homme marche dans une ville figée, suivi par l’ombre d’un frère, par le poids d’un monde en suspens. Once Alive, développé par Cem Boray Yıldırım et sorti sur PC le 18 novembre 2024, vous emmène dans les ruines d’HaustVille, seize ans après une pandémie qui a déserté les rues, vidé les foyers, figé le temps. Ce n’est pas une ville à explorer. C’est une mémoire à traverser.
Vous incarnez James, silhouette droite au milieu des vestiges, poussé par une invitation aussi soudaine que silencieuse. Le frère l’accompagne. Le silence les enveloppe. Chaque ruelle raconte un souvenir. Chaque porte entrebâillée murmure une absence. Le monde ne s’est pas effondré. Il s’est arrêté.
Porté par l’Unreal Engine 5, Once Alive construit une ambiance où l’espace respire, où la lumière découpe, où chaque pas devient une question adressée au décor. Mais ce silence construit-il un vrai récit ? Cette traversée dessine-t-elle une forme jouable à la hauteur de son atmosphère ?
Deux frères, une ville, et la poussière qui attend
Once Alive déploie un récit resserré, tissé autour d’un duo. James et son frère avancent dans une ville qu’ils ne reconnaissent plus. HaustVille se tient devant eux comme un corps endormi, un espace marqué par le retrait, par l’attente, par une forme de silence qui écoute. L’invitation qu’ils reçoivent ne livre aucun détail. Mais elle appelle. Et ils répondent.
Le jeu choisit une narration en creux. Aucun long dialogue, aucun flashback explicite. Le récit se dépose par couches : lettres oubliées, intérieurs figés, indices visuels. Chaque lieu que vous traversez porte les traces d’un événement, d’une absence, d’un dernier geste. Vous ne suivez pas un scénario déroulé. Vous reconstruisez une ligne, à travers les détails, les respirations du décor, les interruptions visuelles.
James agit comme une conscience lucide, habitée, précise. Il avance, observe, questionne. Son frère lui renvoie une présence plus diffuse, plus spectrale. Ce n’est pas un dialogue de surface. C’est une tension sourde, une opposition muette. Chacun d’eux donne une couleur à l’exploration : l’un cherche, l’autre pressent.
HaustVille ne joue pas le rôle d’un simple décor. Elle incarne. Chaque quartier respire une ambiance distincte. Une usine désaffectée, un café à moitié effacé, une maison restée debout. Chaque espace évoque un morceau de vie, un fragment d’avant. Ce ne sont pas des souvenirs. Ce sont des vestiges actifs, prêts à se relier, prêts à se livrer.
Le jeu avance sans détour, sans ramification excessive. Le scénario reste tendu, porté par une seule question : pourquoi revenir ? Et dans cette tension, Once Alive construit une narration atmosphérique, sobre, épurée, qui s’exprime dans l’espace plus que dans les mots.
Le pas lent, la porte entrouverte, et le monde qui se révèle
Once Alive construit son gameplay autour de l’exploration. Vous progressez à la première personne, dans un espace volontairement restreint, mais dense de signaux, de traces, d’objets à observer. Vous ne collectionnez pas. Vous reliez. Chaque détail visuel devient une information. Chaque élément manipulé déclenche un écho narratif. L’expérience repose sur la lenteur, sur le regard, sur la qualité de l’attention.
Le jeu propose une progression linéaire, fragmentée en séquences qui composent une lecture de la ville. Vous explorez à votre rythme, sans timer, sans menace directe, dans un flux constant de découverte. L’environnement ne se renouvelle pas par couches successives. Il s’épaissit. Une zone traversée se transforme une fois un souvenir révélé. Un objet déplacé modifie la perception de l’espace. Ce n’est pas un système d’obstacles. C’est un système de résonance.
Les mécaniques d’interaction suivent une logique simple et cohérente. Ouvrir, activer, examiner, combiner. Les énigmes, présentes mais discrètes, renforcent la compréhension du décor. Elles ne coupent jamais le rythme. Elles le soutiennent. Elles agissent comme des seuils sensoriels, des gestes rituels pour franchir l’étape suivante.
Le level design épouse cette idée. HaustVille s’ouvre par strates. Une rue mène à une cour. Une maison donne sur une mémoire. L’enchaînement des lieux compose une forme de narration architecturale. Le joueur ne lit pas une carte. Il habite un récit. Il explore un plan mental rendu tangible. Chaque détour devient signifiant. Chaque détour transforme la marche en révélation.
Le jeu structure son rythme sur une alternance maîtrisée entre vide et tension. La bande sonore, la lumière, les jeux de perspective participent à ce flux. Les déplacements ne se veulent ni rapides ni mécaniques. Ils invitent à habiter l’instant, à prolonger la présence du joueur dans l’espace sans lui imposer de contrainte de performance.
Dans cette boucle sobre et dirigée, Once Alive installe une expérience qui valorise la lecture spatiale, la mémoire des lieux et la puissance du détail. Le gameplay épouse le propos : avancer pour comprendre. Marcher pour reconstruire.
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