Développé par Lightbulb Crew et édité par Shoreline Games, Nova Hearts s’impose sur Nintendo Switch avec l’ambition de fondre visual novel, tactical RPG et romance queer dans un même creuset. Affichant ses influences manga jusque dans ses couleurs saturées, le jeu propose un univers où la mémoire se confond avec le désir, et où chaque choix devient une arme à double tranchant. Mais cette promesse d’un croisement entre Sailor Moon et Persona tient-elle la route ? Le titre parvient-il à briser les codes de la simulation sentimentale, ou se condamne-t-il à n’être qu’un pastiche éclatant ?
L’illusion romantique piégée par la mémoire
Nova Hearts propulse le joueur dans une dystopie où chaque souvenir devient menace. Le scénario choisit la voie du trouble plutôt que celle de la sécurité : vous avancez dans un univers saturé de faux-semblants, où la moindre relation s’enracine dans la manipulation ou le deuil. L’histoire se refuse à la linéarité : elle multiplie les ruptures, les retours en arrière, les fausses pistes. Très vite, ce qui s’annonçait comme une romance adolescente bascule dans la paranoïa, l’enquête, le deuil impossible.
Vous croisez des figures hantées par leur propre disparition. Elin, silhouette centrale, ne se contente pas d’incarner l’amoureuse idéale : elle porte la marque d’un passé qu’elle cherche à effacer, oscillant entre la douceur feinte et la violence d’un secret mal gardé. Les seconds rôles — amis, rivaux, mentors — ne forment pas une galerie de soutien. Ils agissent par réflexe, par peur, par instinct de survie, jamais par fidélité véritable. Chacun dissimule ses blessures derrière un masque d’ironie ou de défiance, et la moindre conversation peut virer au procès, à la confession ou au non-dit toxique.
Le récit évite la rédemption facile : ici, chaque choix narratif creuse l’isolement, l’incompréhension et la tentation du renoncement. La mémoire, loin d’être refuge, devient champ de ruines : elle expose, détruit, et interdit la guérison. En refusant toute échappatoire, l’écriture place chaque personnage devant l’abîme, et fait de la blessure le seul fil narratif qui tienne encore.
Les rouages brisés d’une romance en pilotage automatique
Sous l’éclat de ses promesses, Nova Hearts érige un gameplay qui trahit d’emblée ses contradictions. Le titre veut conjuguer le frisson du combat tactique à la fragilité d’une aventure sentimentale, mais l’alchimie ne prend jamais. Chaque confrontation débute sur la promesse d’une joute tendue : l’interface affiche ses menus colorés, chaque personnage expose ses capacités dans un ballet stylisé, mais la tension ne monte pas. Les combats, conçus pour offrir du rythme, s’étirent dans une lenteur pénible : chaque tour se dilue dans des animations surjouées, chaque attaque se répète sans renouvellement ni montée en puissance. À mesure que l’aventure avance, la mécanique s’enlise : la prise de décision stratégique, déjà réduite à l’essentiel, se transforme en rituel monotone. Les options d’attaque, de défense ou d’utilisation d’objets se répètent à l’identique, sans pousser le joueur à repenser sa tactique ou à prendre des risques calculés.
La progression, cœur du genre, souffre d’une superficialité flagrante. Chaque victoire ne débloque qu’une palette limitée d’améliorations, la montée en puissance se fait sentir uniquement sur le papier. Le système d’évolution des personnages, prometteur en début de partie, s’avère trop rigide pour provoquer une réelle transformation : le joueur accumule des points pour acheter des compétences, mais les choix stratégiques sont vides de conséquence. Ce qui devrait ouvrir à des styles de jeu variés se réduit à une optimisation sans saveur, chaque build étant condamné à l’uniformité par la pauvreté des arbres d’évolution.
La gestion du rythme n’arrange rien. L’alternance entre phases de dialogue et séquences de combat aurait pu installer une respiration, une dynamique entre tension et relâchement : ici, elle n’est qu’un enchaînement mécanique, sans surprise ni vertige. Les dialogues, trop nombreux et souvent déconnectés de l’action, viennent casser l’élan plutôt que de densifier la narration. Ce morcellement ne fait qu’accentuer la déconnexion entre les deux pôles du jeu, et prive l’ensemble de toute cohérence dramatique. La conséquence est immédiate : l’ennui s’installe, la répétition s’impose, et la tentation de passer les séquences pour rejoindre la prochaine “vraie” scène ne quitte plus le joueur.
La gestion des choix narratifs ne parvient pas à inverser la tendance. Le titre revendique une arborescence de dialogues et de relations, mais chaque embranchement se révèle accessoire, sans impact véritable sur le déroulement de l’histoire ou sur l’évolution psychologique des personnages. Les routes amoureuses, censées offrir plusieurs scénarios, se referment très vite dans des impasses à peine nuancées : l’illusion du choix se dissipe au bout de quelques heures, et la linéarité reprend le dessus.
Les défauts techniques, eux, ne font que renforcer l’impression d’un produit non abouti. Plusieurs critiques attestent de bugs récurrents lors des combats : disparition d’adversaires, blocage d’interface, ralentissements injustifiés, pertes de sauvegarde aléatoires. Ces accidents de parcours, loin d’être anecdotiques, viennent heurter la fluidité du jeu et accentuent la lassitude du joueur déjà éprouvé par l’inertie générale du système.
Au final, la promesse d’une expérience hybride, entre simulation de sentiments et tactique maîtrisée, s’effondre sous le poids d’un gameplay figé, d’une progression factice et d’une boucle ludique incapable de générer la moindre montée en tension. Nova Hearts s’imagine jeu d’émotions et de stratégie, mais sacrifie tout sur l’autel de la répétition et du renoncement.
Les lueurs factices d’un théâtre sans magie
L’habillage visuel de Nova Hearts revendique une identité éclatante, presque agressive, qui capte d’emblée l’œil sans jamais parvenir à s’ancrer durablement dans la mémoire. L’influence des magical girls transpire dans chaque planche : couleurs saturées, traits arrondis, arrière-plans synthétiques, tout est fait pour rappeler les standards d’une animation néon matinée d’onirisme. Pourtant, cette profusion de teintes masque mal la pauvreté d’un univers sans épaisseur. Les décors se répètent à l’identique, chaque lieu semble interchangeable, et la diversité visuelle promise n’est qu’un trompe-l’œil : une poignée de fonds déclinés à l’infini, sans jamais créer l’illusion d’un espace vivant.
Les personnages affichent un design léché, costumes chatoyants et expressions surjouées, mais la rigidité des animations trahit rapidement les limites techniques. Les séquences de combat, censées injecter du dynamisme, se contentent de recycler des effets lumineux déjà vus, sans inventivité ni sursaut stylistique. L’absence de dégradation visuelle, même lors des affrontements les plus violents, laisse l’ensemble figé dans une esthétique de surface, incapable de suggérer la moindre tension ou évolution.
La bande-son, trop discrète, se fond dans l’arrière-plan sans jamais imposer de climat. Les thèmes musicaux, certes en adéquation avec l’esthétique pop, n’accompagnent ni les moments d’apaisement ni les ruptures narratives : ils s’effacent, abandonnant le joueur à la monotonie sonore. Les effets, eux aussi, peinent à donner du corps à l’action : les impacts manquent de consistance, les transitions se font sans relief, et la disparition quasi totale de toute présence vocale prive le jeu de l’énergie que seule une interprétation incarnée aurait pu offrir.
Au final, Nova Hearts affiche une direction artistique tapageuse mais superficielle, où la couleur devient cache-misère, et où l’ambiance sonore, trop vite oubliée, condamne le récit à tourner dans le vide. L’habillage visuel et musical, loin de sublimer l’expérience, agit comme un vernis qui s’écaille dès que l’on gratte la surface.
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