Sorti initialement sur Nintendo Switch en juillet 2023, Nobunaga’s Ambition: Awakening s’imposait déjà comme un pari risqué, celui de faire tenir une mécanique de Grande Stratégie aussi dense que le Japon féodal sur un écran nomade. Deux ans plus tard, la Complete Edition, portée sur Nintendo Switch 2, revient avec tous les DLC intégrés, des scénarios historiques supplémentaires, des événements inédits et une compatibilité native avec les périphériques modernes — souris, tactile, manette révisée.
Mais cette édition complète, censée représenter l’aboutissement de quarante ans d’expérimentation stratégique, parvient-elle à faire de la Switch 2 un terrain de conquête crédible ? Cette mise à jour technique corrige-t-elle les aspérités de l’expérience originelle, ou ne fait-elle que recopier les exploits passés sans les sublimer ? Les Daimyo sont toujours là. Les guerres s’allument. Reste à savoir si l’Histoire mérite d’être rejouée — ou simplement archivée.
Chroniques d’un shogunat en devenir
La Complete Edition de Nobunaga’s Ambition: Awakening n’ajoute pas une nouvelle histoire. Elle en propose davantage. Six nouveaux scénarios viennent s’ajouter aux douze déjà présents, élargissant le spectre temporel et stratégique de l’ère Sengoku. Certains de ces ajouts plongent dans des périodes rarement explorées — comme la fragmentation précipitée de l’autorité Ashikaga — d’autres prolongent des arcs inachevés de clans secondaires, offrant de nouveaux points d’entrée pour des campagnes périphériques mais politiquement tendues.
Ces scénarios ne transforment pas l’équilibre narratif du jeu, mais ils densifient l’échiquier. Plus de daimyos, plus de clans mineurs, plus de trajectoires détournées pour renverser l’ordre établi. Là où la version originale privilégiait les grands noms, cette édition complète valorise les marges : les petits vassaux oubliés, les généraux sans destin, les héritiers sans terre.
Les séquences narratives réactives — discussions entre officiers, micro-événements liés à la loyauté ou aux trahisons — restent inchangées dans leur forme. Mais le volume global augmente. Davantage de dialogues. Davantage de liens. Davantage de tensions dynamiques dans les cours. Ce n’est pas une révolution, mais une extension organique, cohérente avec l’approche systémique du titre.
L’absence persistante de doublage japonais, pourtant attendue sur Switch 2, est l’un des angles morts de cette édition. Le casting vocal existe sur PC. Il est toujours absent ici. Un manque d’autant plus criant que les nouvelles figures introduites bénéficient d’un portrait et d’un background étoffés. Leur silence renforce la distance.
Le cœur de l’expérience narrative n’est pas modifié. Mais sa cartographie s’élargit. Comme si l’Histoire, déjà gravée, accueillait de nouveaux chemins de traverse, toujours aussi exigeants, mais mieux balisés.
L’art de gouverner, la science d’anticiper
Rien n’a été simplifié. Mais certaines frictions ont été polies. La version Switch 2 ne revoit pas le cœur de la stratégie de Awakening — elle le laisse intact, avec ses lenteurs, ses exigences, ses strates — mais elle améliore le confort d’exécution, l’ergonomie de navigation, la lisibilité globale du système. Là où la version originale obligeait à des contorsions permanentes entre menus et sous-menus, cette édition réorganise discrètement les flux : accès plus directs aux rapports, meilleure hiérarchisation des priorités, intégration plus fluide des décisions politiques dans le corps de l’interface.
Les temps de chargement, autrefois perceptibles à chaque retour sur la carte principale ou à l’ouverture d’une fiche de personnage, sont désormais quasi-inexistants. Les transitions sont plus rapides, les animations plus réactives, les commandes plus souples. Rien de spectaculaire — juste une mécanique bien huilée, débarrassée de ses grains de sable.
L’adaptation au hardware Switch 2 est visible, mais reste mesurée. La résolution reste plafonnée à 1080p en mode docké, sans ambition 4K, mais le taux de rafraîchissement est stable, même en fin de partie avec des dizaines de clans actifs. Les ralentissements, fréquents sur Switch 1 dans les campagnes les plus longues, ont disparu. C’est une version stable, mais pas transformée.
La compatibilité avec la souris USB est désormais native. L’expérience change radicalement. Là où la manette restait un compromis, la souris redonne une précision bienvenue dans les déplacements et la gestion fine des unités. Le tactile, en revanche, reste secondaire, utilisé pour quelques validations rapides, jamais intégré au cœur de la navigation.
La richesse mécanique est toujours là, intacte, vertigineuse : gouvernance, diplomatie, guerre, économie, espionnage. Aucun système n’a été repensé, mais tous profitent d’une enveloppe plus solide, plus lisible, plus réactive. Ce n’est pas un nouveau jeu. C’est un moteur mieux rôdé, pour une conquête plus fluide.
Parchemins numériques et silences stratégiques
La version Switch 2 ne réinvente pas l’encre. Elle l’affûte. La carte du Japon conserve cette élégance topographique feutrée, ce minimalisme teinté de saisons qui faisait déjà la singularité de l’opus original. Mais la finesse des textures, le traitement des ombres portées, et la définition globale des menus gagnent en clarté. Les lignes sont plus nettes. Les icônes, plus lisibles. Le parchemin respire mieux.
Le cycle saisonnier demeure identique, mais les transitions sont plus fluides, les effets visuels plus stables. Les pluies ne pixelisent plus les rizières. Les neiges ne figent plus les contours. Tout est là, en mieux. Sans transformation. Juste une restauration appliquée, respectueuse du matériau d’origine.
Les unités restent des abstractions, des symboles fonctionnels, jamais spectaculaires. Aucune animation supplémentaire n’a été ajoutée. Les batailles, toujours aussi schématiques, bénéficient simplement d’un anti-aliasing plus propre, d’un affichage plus stable en zoom rapproché. La distance reste la meilleure alliée du moteur.
Les portraits, déjà riches, n’ont pas été retouchés. Aucun nouveau style. Aucun ajout d’animations. Mais leur intégration dans les menus gagne en précision. Les cadres sont nets. Les textes adjacents plus lisibles. Une réécriture de la mise en forme, non du fond.
La bande-son reste inchangée. Flûtes, koto, percussions lentes… Le jeu continue de dérouler ses nappes traditionnelles sans variation. Aucun thème nouveau. Aucun remix. Les effets sonores, eux, semblent légèrement mieux spatialisés — une nuance plus qu’une refonte. Mais le silence, ce contrepoint stratégique si précieux, demeure intact.
Enfin, l’absence du doublage vocal japonais, toujours présent sur PC, reste un angle mort inexplicable. Les scènes historiques, les affrontements décisifs, les tensions politiques… tout s’exprime encore en texte muet. La Switch 2, pourtant capable d’accueillir ces données, n’en profite pas.
Un parchemin plus lisible, mais pas réécrit. Une partition mieux orchestrée, mais pas enrichie.
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