Développé par Bombservice et publié par Playism, Momodora: Moonlit Farewell est le cinquième et dernier opus de la série Momodora. Sorti le 06 Février 2025 sur Nintendo Switch, ce jeu de type Metroidvania propose aux joueurs d’incarner Momo Reinol, une prêtresse déterminée à protéger son village des forces démoniaques. Mais cette conclusion tant attendue est-elle à la hauteur des attentes des fans et des amateurs du genre ?
Une lutte sacrée sous la lumière déclinante
Dans l’univers de Momodora, le divin et le maudit s’entrelacent comme les branches d’un arbre ancien, nouant des destins tragiques sous un ciel chargé de promesses brisées. Momodora: Moonlit Farewell ne déroge pas à cette tradition, offrant une ultime danse entre la lumière et les ténèbres, un récit où l’héroïsme n’est pas une quête de gloire, mais un acte de foi désespéré.
Le joueur incarne Momo Reinol, prêtresse dévouée de la cité sacrée de Koho, dont la paix est brutalement mise en péril par l’éveil de forces démoniaques. Mais ici, il ne s’agit pas simplement de défendre un royaume : c’est une guerre existentielle, un combat où la piété et l’acier se rejoignent dans un même souffle. Momo n’est pas une guerrière née, mais une protectrice contrainte de prendre les armes pour sauver ce qui peut l’être encore, et peut-être accepter ce qui est déjà perdu.
L’histoire de Moonlit Farewell repose sur une mélancolie omniprésente, où chaque personnage rencontré est un fragment d’un monde à l’agonie. Les rares alliés croisés dans cette aventure portent tous le poids d’un passé inachevé, de regrets enfouis sous des silences éloquents. On ne parle pas ici de compagnons traditionnels, mais d’âmes errantes, de survivants pris dans une toile d’événements qui les dépasse. Certains vous offriront leur aide, d’autres tenteront de vous détourner de votre mission par résignation ou peur.
L’antagonisme du jeu, bien que centré sur l’invasion des démons, ne se limite pas à un affrontement manichéen. Comme dans les précédents Momodora, la frontière entre le bien et le mal, le sacré et le profane, est floue. Chaque boss, chaque créature démoniaque que l’on croise a une histoire, une raison d’être. Ici, les monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit, et la véritable malédiction pourrait ne pas être celle que l’on combat, mais celle que l’on perpétue en cherchant à lutter contre l’inévitable.
La narration, en grande partie implicite et cryptique, adopte une approche à la Hollow Knight où chaque dialogue, chaque élément du décor, chaque relique trouvée raconte un morceau du passé. Le jeu ne prend pas le joueur par la main, mais le laisse assembler lui-même les pièces d’un puzzle funeste, où l’on devine plus que l’on ne sait, où chaque réponse en amène une autre, plus dérangeante encore.
Et c’est là que Momodora: Moonlit Farewell brille. Ce n’est pas l’histoire d’une prêtresse en quête de justice, mais celle d’un monde en fin de cycle, où la véritable question n’est pas tant peut-on sauver Koho ?, mais mérite-t-elle d’être sauvée ? Dans cette quête marquée par le doute, la solitude et la foi ébranlée, la seule certitude est que la lune observera tout, indifférente, jusqu’à l’ultime adieu.
Une danse mortelle entre grâce et brutalité
Depuis ses débuts, la série Momodora a toujours su fusionner la réactivité d’un jeu d’action avec la profondeur d’un Metroidvania, offrant une expérience où la moindre erreur se paie cher, mais où chaque combat maîtrisé procure un sentiment de puissance et de fluidité inégalé. Momodora: Moonlit Farewell repousse encore plus loin cet équilibre fragile, proposant un gameplay nerveux, exigeant et parfaitement calibré.
Le système de combat repose sur une alternance entre attaques rapides, esquives millimétrées et contre-attaques précises. Momo ne se bat pas comme une guerrière lourde et méthodique, mais comme une prêtresse agile, frappant avec une vitesse déconcertante avant de disparaître dans l’ombre d’un saut bien placé. Le double saut, l’esquive et les contres sont les piliers du gameplay, et maîtriser ces mécaniques est essentiel pour survivre aux combats les plus redoutables.
Les ennemis, bien plus agressifs que dans les précédents opus, sont conçus pour exploiter les failles du joueur, obligeant à lire leurs patterns, à anticiper leurs attaques, et surtout, à ne jamais se reposer sur un seul schéma de combat. Les boss, en particulier, sont des tests d’endurance et de réactivité, chacun apportant une mécanique unique, forçant à adapter son approche plutôt que de se contenter de marteler les attaques de base.
Là où Moonlit Farewell excelle, c’est dans la sensation de progression organique. Plutôt que de s’appuyer sur une simple montée en puissance chiffrée, le jeu offre de nouvelles capacités et reliques qui transforment le style de combat, enrichissant ainsi les options stratégiques du joueur sans jamais briser la sensation de vulnérabilité. On ne devient jamais intouchable, mais on apprend à maîtriser la douleur, à faire de chaque coup reçu une leçon pour le prochain combat.
Le level design, fidèle aux codes du Metroidvania, est une mosaïque d’exploration et de secrets dissimulés. Koho n’est pas une simple ville, c’est un terrain de jeu labyrinthique, où chaque passage débloqué, chaque raccourci découvert, chaque porte scellée ouverte offre un sentiment d’accomplissement réel. Les environnements sont interconnectés avec une intelligence remarquable, obligeant à retenir les moindres détails pour revenir plus tard avec une nouvelle capacité capable d’ouvrir des chemins jusque-là inaccessibles.
Mais au-delà de sa structure, Moonlit Farewell pousse l’exploration au-delà du simple plaisir de la découverte. Chaque zone raconte une histoire, que ce soit par des ruines érodées par le temps, par des autels à moitié effondrés ou par des villages silencieux hantés par des âmes errantes. L’atmosphère évolue au fil du jeu, et chaque nouvel endroit visité impose un changement subtil d’état d’esprit, passant de la curiosité à l’appréhension, de l’émerveillement à la terreur.
L’intégration des objets et des améliorations se veut également minimaliste mais efficace. Plutôt que de surcharger le joueur avec un arsenal complexe, le jeu propose un système de reliques et d’encens sacrés qui offrent des bonus spécifiques, forçant le joueur à adapter son équipement en fonction des défis à venir. Chaque nouveau talisman découvert est une invitation à expérimenter, à modifier sa façon d’aborder les combats et à trouver la combinaison parfaite entre offense, défense et mobilité.
Mais peut-être le plus grand atout de ce gameplay est-il son incroyable sensation de fluidité. Momodora: Moonlit Farewell récompense la précision et la patience, offrant une réactivité qui ne laisse aucune place au hasard. Chaque coup porté, chaque esquive réussie, chaque combat remporté avec une fraction de vie restante est un moment d’extase vidéoludique, un témoignage de la maîtrise progressive que l’on acquiert à force d’apprentissage et d’adaptation.
Moonlit Farewell ne cherche pas simplement à être un bon Metroidvania : il veut être une danse entre le joueur et le danger, un échange constant entre agilité, anticipation et instinct de survie. Un jeu où la mort n’est jamais une punition, mais toujours une leçon.
Un monde peint de lumière et de cendres
Dans un jeu où chaque affrontement est un ballet mortel, où chaque instant est suspendu entre la grâce et la destruction, l’esthétique et l’ambiance sonore jouent un rôle essentiel. Momodora: Moonlit Farewell ne se contente pas de proposer un pixel art de qualité : il transforme chaque écran en une fresque mouvante, chaque note de musique en un écho du passé, chaque silence en une prière murmurée aux dieux oubliés.
Visuellement, le jeu est un chef-d’œuvre de détail et d’atmosphère. Les décors, peints dans des teintes crépusculaires, alternent entre la douceur de paysages baignés par la lueur de la lune et la noirceur inquiétante de temples en ruine, où les ombres semblent s’accrocher aux murs comme des fantômes figés dans le temps. Les couleurs ne sont jamais utilisées au hasard : elles servent à raconter l’histoire, à annoncer le danger avant même qu’il ne se manifeste, à créer une tension sourde qui imprègne chaque recoin du monde.
Les animations, quant à elles, sont d’une fluidité exemplaire. Momo se déplace avec une élégance naturelle, ses mouvements sont réactifs, expressifs, et s’intègrent parfaitement au rythme du jeu. Les ennemis bénéficient du même soin, avec des attaques qui s’enchaînent sans accroc, des transformations progressives, et des effets visuels subtils qui renforcent la sensation de danger permanent. Les boss, en particulier, sont de véritables démonstrations artistiques, oscillant entre l’horreur gothique et la beauté tragique, des créatures qui semblent tout droit sorties d’un cauchemar religieux, figées entre le divin et le maudit.
Mais là où Moonlit Farewell surprend, c’est dans sa gestion magistrale de la lumière et des contrastes. Les zones plongées dans l’obscurité ne sont pas juste un effet graphique : elles modifient la perception du danger, créant des moments de pure tension où l’on avance avec prudence, cherchant des indices visuels dans une pénombre troublée par de faibles reflets lumineux. Le jeu joue en permanence avec l’idée du caché, du suggéré, du deviné, rendant chaque exploration aussi oppressante qu’exaltante.
Et que dire de la bande-son, si ce n’est qu’elle se place au même niveau d’excellence que la direction artistique ? Les musiques, à la fois subtiles et envoûtantes, s’intègrent dans le jeu comme une respiration : parfois douces et mélancoliques, accompagnant les moments d’accalmie, parfois oppressantes et discordantes, lorsqu’un boss surgit des ténèbres. Les instruments traditionnels se mêlent à des nappes électroniques feutrées, créant une atmosphère qui oscille entre la méditation et la transe.
Les sons d’ambiance sont tout aussi remarquables. Chaque pas sur un sol humide, chaque frottement d’un tissu, chaque bruissement de feuilles dans un temple abandonné contribue à une immersion totale. Les attaques résonnent avec justesse, les impacts sont secs et puissants, et les voix, bien que discrètes, ajoutent une dimension tragique aux ennemis que l’on affronte.
Enfin, la gestion du silence est une leçon de maîtrise. Momodora: Moonlit Farewell sait quand se taire, quand laisser le joueur seul face à son propre souffle, face à l’inquiétude d’un couloir trop calme ou d’un sanctuaire vidé de ses fidèles. Ce n’est pas un jeu qui impose sa musique, mais un jeu qui comprend que le vide peut être plus oppressant qu’un orchestre tonitruant.
En définitive, Moonlit Farewell ne se contente pas d’être un bel hommage au pixel art : il transcende son style visuel pour offrir une véritable expérience sensorielle, où chaque détail, chaque ombre, chaque note de musique est un élément de narration à part entière. C’est un monde hanté par sa propre histoire, un monde que l’on explore autant avec les yeux qu’avec l’âme.
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