Dans les ruines calcinées d’un monde qui a depuis longtemps cessé de croire à sa propre survie, Metal Max Xeno: Reborn, développé par Kadokawa Games et sorti sur Nintendo Switch le 10 juin 2022, dresse le portrait d’une dernière errance. Ici, les batailles ne visent plus à conquérir ou à libérer ; elles n’ont d’autre but que de repousser, pour quelques jours encore, l’agonie d’une terre éventrée par ses propres créations.
Vous incarnez Talis, dernier éclat d’une humanité au bord de l’extinction, traînant son bras cybernétique et son arsenal rouillé à travers les vestiges de Dystokyo. Sur votre chemin : les SoNs, entités mécaniques sans âme, vestiges délirants d’une intelligence artificielle devenue fossoyeuse. À vos côtés : des compagnons cabossés par la vie, un chien de guerre fidèle comme une promesse oubliée, et des tanks bringuebalants, seuls remparts tangibles contre l’inévitable.
Metal Max Xeno: Reborn se veut un renouveau, une résurrection rageuse du rêve post-apocalyptique japonais, un hommage aux routes solitaires et aux armes lourdes chantant la fin du monde. Mais derrière ses carcasses rutilantes, derrière ses canons ricanants et ses paysages dévastés, la question subsiste : la flamme originelle brûle-t-elle encore sous cette armure rafistolée ? Ou ne reste-t-il qu’un écho métallique, perdu dans un désert où même l’espoir s’est tari ?
Les âmes cabossées sous le joug des machines indifférentes
Dans Metal Max Xeno: Reborn, il n’est pas question de sauver le monde. Le monde est déjà perdu, fissuré jusqu’à son cœur, décomposé en fragments silencieux où errent les derniers lambeaux d’humanité. Talis, votre protagoniste, n’est pas un élu, ni même un survivant par gloire ; il est un vestige animé par une rage sourde, un refus obstiné de s’éteindre sans bruit.
L’histoire se construit comme une marche lente à travers l’oubli. Pas de grandes fresques dramatiques, pas de conspirations sophistiquées : seulement l’usure des jours, la répétition d’une lutte vaine contre des entités mécaniques qui ont depuis longtemps cessé de comprendre pourquoi elles exterminent ce qui reste. Chaque combat n’est pas un acte de bravoure ; c’est une tentative désespérée de retarder la dissolution.
Autour de Talis gravitent d’autres survivants, autant d’ombres portées sur le désert rougi de Dystokyo : des âmes solitaires, blessées, rapiécées, qui avancent moins par espoir que par habitude. Il y a Toni, la mécanicienne déterminée dont l’humour sec masque mal les cicatrices. Il y a le chien Pochi, compagnon muet, unique fragment de loyauté pure dans un monde qui a tout trahi. Chaque rencontre porte en elle une forme d’amertume discrète, une chaleur fragile étouffée sous la rouille et les cendres.
Le jeu ne cherche pas à multiplier les intrigues secondaires ou les rebondissements spectaculaires. Sa narration épouse la lente agonie de son monde : parcimonieuse, fatiguée, incapable de feindre un optimisme artificiel. À mesure que vous progressez, il devient clair que même la victoire n’aura pas de goût triomphal. Ce n’est pas la fin qui importe dans Metal Max Xeno: Reborn. C’est le fait d’avoir continué, un pas de plus, un tir de plus, un soupir de plus, contre l’effacement.
Les routes fracturées d’un monde réduit à la survie mécanique
Le cœur battant de Metal Max Xeno: Reborn ne réside pas dans l’éclat spectaculaire des combats ni dans l’ivresse de l’exploration : il se tapit dans la répétition lancinante de gestes anciens, dans cette mécanique rugueuse où chaque mètre arraché au désert ressemble à une victoire sur l’oubli.
Le gameplay repose sur une alternance entre exploration à bord de tanks lourds et affrontements contre les SoNs, ces créatures mécaniques aussi absurdes que meurtrières. L’architecture du monde, semi-ouverte, vous laisse libre de tracer vos propres routes à travers les plaines désolées, les autoroutes en ruine, les carcasses d’immeubles broyés. Mais cette liberté est une illusion cruelle : au-delà des murs invisibles, au-delà des terrains vaguement différenciés, s’étend un espace largement vide, répétitif, où chaque pas devient une quête de sens autant qu’un défi tactique.
La personnalisation des tanks, élément clé de l’expérience, s’inscrit dans cette même logique d’usure et de survie : canons, blindages, moteurs, accessoires… Tout est interchangeable, améliorable, modulable pour tenter d’adapter votre machine aux menaces grandissantes. Ce bricolage méthodique offre quelques respirations dans l’austérité du voyage, quelques moments où l’on sent renaître un simulacre de stratégie, un éclat d’anticipation face à l’indifférence massive du monde.
Le combat, hybride entre action directe et tactique, oscille entre fulgurance brutale et lenteur pesante. À pied, Talis engage des affrontements nerveux mais souvent rigides ; en tank, la lourdeur mécanique impose une gestion méthodique des ressources, de la mobilité, de l’armement. Pourtant, malgré la diversité promise par l’arsenal et les SoNs variés, une monotonie s’installe vite : les mécaniques de combat se répètent, les ennemis mutent sans vraiment se renouveler, les défis techniques finissent par se dissoudre dans la répétition.
Le level design, malgré quelques tentatives de verticalité ou d’enchevêtrements urbains, reste le plus souvent prisonnier d’une géographie trop lisible, trop fonctionnelle. Chaque zone est une boucle évidente, chaque chemin une invitation balisée à trouver le prochain boss, la prochaine cachette de matériel, le prochain fragment de résistance.
Il aurait fallu que l’immensité de Metal Max Xeno: Reborn porte en elle des secrets, des mirages, des oasis de sens. Il aurait fallu que la route elle-même devienne un personnage, un écho. Mais trop souvent, le désert reste un décor, et la course à travers ses étendues poussiéreuses devient une marche automatique, un mouvement par inertie plus que par désir.
Les cendres pâlies d’une apocalypse sans majesté
Visuellement, Metal Max Xeno: Reborn peine à faire vibrer l’imaginaire. Ses déserts, ses plaines désolées, ses autoroutes fracturées n’évoquent ni la grandeur tragique d’une Terre défunte, ni le vertige d’un monde qui se dérobe sous vos pas. À la place, ils s’étendent, uniformes, comme une toile fatiguée, peinte d’un geste lassé.
Les décors souffrent d’une austérité qui dépasse la simple volonté de minimalisme post-apocalyptique. Les textures, pauvres et répétitives, n’inspirent ni le désespoir, ni l’admiration. Les ruines s’étalent dans un flou d’angles morts ; les structures détruites semblent posées là comme des balises utilitaires plus que comme des cicatrices vibrantes du passé. Même les rares monuments, censés rappeler les vestiges d’une humanité disparue, manquent de cette patine émotionnelle capable de donner du poids aux pierres éparses.
Le character design, lui aussi, oscille entre hommage maladroit et redite sans éclat. Talis, son bras mécanique et son air de combattant taciturne, incarne une figure déjà vue mille fois dans les marges du post-apo, sans qu’aucun détail n’en renouvelle vraiment la silhouette. Les compagnons, de Pochi le chien blindé aux autres survivants, affichent des designs fonctionnels mais sans âme véritable, comme des figurines pragmatiques d’un monde qui n’ose plus rêver.
Les tanks, pourtant, conservent une certaine noblesse : carrossés de métal rouillé, bardés d’armes absurdes et d’accessoires de fortune, ils imposent parfois leur présence par la simple exagération de leur absurdité. C’est dans leur lourdeur grotesque, dans leur démesure maladroite, que Metal Max Xeno: Reborn parvient, par instants, à capter l’esprit baroque d’une survie où tout est bon pour avancer encore.
La bande-son, discrète, mélancolique, tente d’accompagner cette errance avec des nappes électroniques et des thèmes à la guitare désabusée. Quelques mélodies émergent, portées par des harmonies simples, fatiguées, presque résignées. Mais l’ensemble reste souvent étouffé, absorbé par le vent numérique du désert, incapable de porter l’action vers un sentiment plus large que celui de l’usure.
Les bruitages renforcent cette impression de sur-place sensoriel : détonations étouffées, moteurs au grondement timide, cris mécaniques étouffés par la poussière. Aucun bruit n’imprime durablement la mémoire, comme si même le son, ici, avait renoncé à la violence de se faire entendre.
Metal Max Xeno: Reborn aurait pu faire chanter les ruines, hurler les carcasses et pleurer les cendres. Il préfère laisser son monde se taire, dans une pâleur qui ressemble plus à l’oubli qu’à la fin grandiose qu’il ambitionnait.
Sous les gravats, les rouages hésitants d’une mécanique fatiguée
Techniquement, Metal Max Xeno: Reborn livre une expérience aussi rugueuse que le monde qu’il prétend évoquer. Sur Nintendo Switch, le jeu fonctionne sans sombrer, mais jamais sans trébucher : il avance comme ses tanks brinquebalants, d’un mouvement heurté, oscillant sans cesse entre la fonctionnalité et l’effritement.
La stabilité générale est correcte, mais quelques baisses de framerate ponctuent les affrontements plus denses ou les zones plus ouvertes, trahissant une architecture technique fragile sous la poussière. Ces ralentissements, jamais dramatiques, n’en viennent pas moins éroder la fluidité nécessaire pour donner au joueur la sensation d’un monde qui résiste, qui pousse en retour. À pied, les déplacements sont lourds, hésitants ; à bord des tanks, la sensation de masse est réelle mais parfois au prix d’une réponse imprécise aux commandes.
L’ergonomie des menus, essentielle dans un RPG où l’équipement, les modifications de véhicules et la gestion des compagnons occupent une place centrale, laisse à désirer. Naviguer entre les sous-menus devient rapidement laborieux, chaque action nécessitant plusieurs validations, chaque changement appelant un détour inutile par des écrans surchargés de texte sec et de tableaux austères.
En matière d’accessibilité, Metal Max Xeno: Reborn expose sans fard ses lacunes : pas de réglages pour agrandir les textes, souvent minuscules en mode portable ; aucune aide visuelle pour rendre la navigation plus lisible ; aucune option pour assouplir l’expérience de jeu pour les joueurs moins aguerris. Le titre impose son rythme rugueux sans chercher à le moduler, condamnant une partie de son public potentiel à composer avec ses angles bruts ou à l’abandonner en cours de route.
Les temps de chargement, s’ils restent dans des limites acceptables, coupent néanmoins trop fréquemment l’élan de l’exploration. Chaque transition entre secteurs, chaque retour à l’Ark (la base principale), chaque modification d’équipement alourdit la progression d’une attente silencieuse, étirant encore une expérience qui peine déjà à maintenir une tension dramatique constante.
Quant à la rejouabilité, elle repose sur une base ténue : la chasse aux SoNs majeurs, l’amélioration continue de vos tanks, quelques boss supplémentaires et le simple plaisir de survivre un peu plus longtemps dans un monde qui ne promet aucun avenir. Mais sans narration riche, sans surprises mécaniques majeures au fil du temps, cette errance méthodique ne parvient pas à régénérer durablement l’intérêt.
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