Dans les limbes clignotants d’un âge révolu, Martian Panic, développé par NYX Digital et paru sur Nintendo Switch le 29 septembre 2022, exhume les fantômes fatigués des salles d’arcade disparues. Pistolet en plastique en main, regard braqué sur des vagues d’aliens en carton-pâte, vous êtes invité à rejouer une guerre que personne n’a jamais vraiment crue.
Le postulat est simple, presque désarmant : repousser une invasion martienne à travers des décors de série B, enchaîner les cibles mouvantes à la vitesse d’un regard trop lent, d’une main trop lourde. Mais derrière cet hommage aux jeux de tir sur rails d’autrefois, que reste-t-il vraiment ? Un éclat d’enfance encore vibrant ? Ou bien une coquille vide, rongée par la répétition et l’amnésie technologique ?
À chaque salve tirée, à chaque alien grotesque pulvérisé dans un éclat de pixels criards, une question persiste : est-ce l’enthousiasme naïf que l’on ravive… ou simplement l’ombre d’une époque qui s’efface sans bruit ?
Quand l’invasion tourne à la farce, et que le rire se fige en grimace
Dans Martian Panic, la narration n’est qu’un vernis écaillé posé à la va-vite sur une structure déjà branlante. Vous incarnez un héros anonyme, propulsé sans ménagement au cœur d’une invasion martienne caricaturale, où les extraterrestres caricaturent eux-mêmes leurs propres clichés, dans une sorte de parodie fatiguée d’une époque qui méritait mieux.
Pas de construction dramatique, pas d’arc narratif significatif : seulement une succession de niveaux prétextes, reliés par des dialogues volontairement absurdes mais rarement drôles, oscillant entre l’humour poussif et le pastiche mal inspiré. L’univers, qui aurait pu se muer en terrain de satire mordante sur les clichés de la science-fiction kitsch, se contente d’aligner des personnages interchangeables, des stéréotypes sans chair ni âme.
Même l’ambiance de “film de série B” revendiquée finit par s’effondrer sous son propre poids : au lieu d’embrasser la dérision avec panache, Martian Panic s’égare dans une répétition mécanique, vidant peu à peu son propre concept de toute substance. Ce qui aurait pu être une fable légère sur l’absurdité des peurs de l’autre devient alors un enchaînement sans saveur de gags visuels usés et de répliques forcées.
Face à ce désert narratif, même la tentative d’humour second degré peine à survivre. La fausse exubérance, les accents outranciers, les punchlines ratées sonnent comme des échos creux dans une salle vide, incapable d’arracher autre chose qu’un sourire poli, vite emporté par l’ennui.
La fausse frénésie d’un champ de tir abandonné
Manette en main, Martian Panic promet des salves de nostalgie arcade, mais se révèle vite être un simulacre épuisé de dynamisme. Le gameplay, censé raviver l’âge d’or des light gun shooters, s’effondre sous une inertie qui trahit ses ambitions. Tirer sur les vagues martiennes n’exige ni réflexes affûtés, ni précision millimétrée : la plupart du temps, il suffit de marteler frénétiquement la gâchette, dans un ballet mécanique sans nuance ni récompense.
Le level design se contente d’une enfilade de couloirs artificiels, habillés d’arrière-plans rigides et répétitifs. Peu importe que vous soyez dans une base lunaire, un centre commercial ou une station spatiale délabrée : tout finit par se ressembler, comme si la lassitude s’était imprimée dans les textures elles-mêmes. Aucune montée en tension, aucun crescendo rythmique n’accompagne votre progression. Les niveaux défilent avec une monotonie implacable, comme des décors de théâtre oubliés qu’on démonte et remonte au gré d’une production bâclée.
La visée, élément pourtant crucial du genre, manque cruellement de précision. Les Joy-Cons, utilisés pour émuler un pistolet, offrent une latence perceptible et une imprécision agaçante, surtout lors des séquences plus fournies en ennemis. Même avec des réglages ajustés, le confort de jeu reste inégal, transformant parfois l’expérience en lutte contre le matériel plutôt qu’en duel contre les aliens.
La progression elle-même trahit une certaine paresse de conception : pas de nouveaux mécanismes introduits pour renouveler l’intérêt, pas d’événements scriptés spectaculaires pour briser la monotonie, seulement une inflation d’ennemis et d’obstacles mal calibrés, donnant à l’ensemble un goût amer de remplissage artificiel.
Coopératif jusqu’à quatre, le jeu parvient brièvement à ranimer une étincelle d’amusement, mais celle-ci repose davantage sur la compagnie des autres joueurs que sur la qualité intrinsèque du défi proposé. Seul, Martian Panic devient une traversée morne, une corvée travestie sous une avalanche de tirs sans âme.
L’éclat fané d’une fête foraine abandonnée
Visuellement, Martian Panic affiche une esthétique datée dès les premiers écrans, comme une mauvaise photocopie d’une époque qu’il tente de raviver sans en comprendre la texture véritable. Les modèles 3D sont rudimentaires, anguleux, dépourvus du moindre sens du détail ou de la moindre volonté d’exagération créative. Les aliens, censés évoquer le charme grotesque des monstres de série B, se contentent d’être génériques, mécaniques, interchangeables, au point de disparaître dans l’anonymat visuel.
Les environnements eux-mêmes, censés transporter le joueur à travers une invasion planétaire fantasmée, ressemblent davantage à des décors de foire bâclés, figés dans des textures ternes et répétitives. Les variations d’un niveau à l’autre ne suffisent jamais à masquer la pauvreté de l’ensemble : que vous traversiez une zone militaire, une station spatiale ou un vaisseau alien, tout semble taillé dans le même moule bon marché, incapable de surprendre ou même d’intriguer.
Les animations sont raides, prévisibles, sans jamais proposer ce petit sursaut d’imprévisibilité qui pourrait injecter du chaos, du vivant, dans les affrontements. Même les effets spéciaux, lasers, explosions ou impacts de tirs, trahissent une économie de moyens criante, comme si tout l’univers du jeu n’était qu’un enchaînement de boucles visuelles recyclées.
Du côté de la bande-son, la déception est tout aussi cuisante. Les musiques, tentant péniblement d’imiter l’enthousiasme survolté des jeux d’arcade classiques, tombent rapidement dans la répétition et l’insignifiance. Quelques boucles électroniques saturées accompagnent mollement l’action, sans jamais réussir à épouser la frénésie supposée des affrontements. Pire encore, les morceaux se superposent parfois maladroitement, étouffant toute tentative de rythme ou de montée en tension.
Les bruitages, essentiels dans un shooter sur rail pour donner du poids à chaque tir, se révèlent eux aussi faméliques : impacts fades, explosions étouffées, hurlements d’aliens caricaturaux à la limite du supportable. Chaque session devient alors une expérience sonore anesthésiante, où le vacarme artificiel remplace la véritable énergie.
Les soudures visibles d’une machine brinquebalante
Sur le plan technique, Martian Panic peine à masquer les failles de sa conception même. Sur Nintendo Switch, le jeu tourne correctement dans l’absolu — 30 images par seconde stables dans la plupart des cas — mais cette fluidité ne saurait dissimuler la pauvreté intrinsèque de son moteur. Les environnements figés, la légèreté des effets visuels et l’absence de physique crédible rendent l’ensemble d’une rigidité presque muséale, comme si chaque niveau était une vitrine poussiéreuse derrière laquelle l’action tentait en vain de s’agiter.
Aucune véritable dynamique n’anime les décors. Pas de destruction, pas d’interactions environnementales marquantes : chaque tir se perd dans le vide, chaque impact semble sans conséquence. Il en résulte une expérience presque fantomatique, où l’on tire sans jamais vraiment ressentir ni la force ni la matière de ce que l’on affronte.
Le multijoueur local — jusqu’à quatre joueurs — constitue l’unique bouée de sauvetage partielle du jeu. Partager la session avec d’autres mains permet, l’espace d’une soirée peut-être, de réinjecter un peu de chaos bon enfant, un peu de rire, souvent au détriment du jeu lui-même. Ce n’est pas Martian Panic qui amuse, c’est la maladresse générale, l’absurdité des situations involontairement comiques. Mais cet effet secondaire ne masque pas longtemps la pauvreté du fond.
Côté accessibilité, Martian Panic fait le strict minimum : menus clairs, quelques options de calibrage pour la visée, une interface dépouillée. Mais aucune véritable prise en compte des besoins spécifiques — pas de mode daltonien, pas d’options de confort pour les joueurs ayant des difficultés motrices, et une ergonomie qui trahit parfois l’héritage mal assumé du tactile transposé aux Joy-Cons.
Quant à la rejouabilité, elle s’effondre presque aussitôt que la première campagne est terminée. Pas de variations majeures, pas de nouveaux modes de jeu réellement engageants, seulement la répétition sèche des mêmes séquences, vidées de leur maigre impact initial.
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