Développé par Simon Creative et édité par Idea Factory, Little Witch Nobeta est sorti sur Nintendo Switch le 7 mars 2023, après un parcours discret mais remarqué sur PC.
Présenté comme une aventure mignonne au premier abord, ce jeu d’action aux allures de donjon magique prend rapidement un tournant plus grave, oscillant entre mélancolie et rudesse dans une structure semi-Soulslike. Mais derrière l’envoûtement de surface, cette quête d’identité enchantée peut-elle vraiment se transformer en grande incantation vidéoludique ?
Une voix solitaire au fond d’un écho
Little Witch Nobeta vous place dans la peau d’une jeune sorcière amnésique, attirée vers un château oublié où l’attend une vérité qu’elle ignore encore. L’objectif est simple : retrouver ses souvenirs. Le moyen, moins limpide : une succession de combats, de rencontres énigmatiques, et de fragments narratifs disséminés au fil de l’exploration. L’histoire ne se raconte pas, elle se devine, se murmure, s’efface aussi vite qu’elle surgit.
Le ton est posé dès l’introduction. Derrière le character design mignon, derrière la robe pastel et les yeux ronds de Nobeta, se cache une atmosphère volontairement dissonante. Ce n’est pas une comédie enfantine. C’est un conte triste, étouffé par la solitude, ponctué de rares dialogues, de monologues introspectifs, de murmures d’un autre âge.
Mais ce choix de mise à distance a ses limites. La narration reste morcelée, elliptique, insuffisamment incarnée. Nobeta avance, parle seule, réfléchit à haute voix, sans jamais trouver d’interlocuteur capable de nuancer sa quête. Même le chat qui l’accompagne reste une présence symbolique, plus mascotte que figure active du récit.
Les enjeux, eux, peinent à s’élever. L’univers semble promettre des révélations occultes, une vérité sombre, un passé refoulé. Mais ces promesses ne se concrétisent jamais pleinement. Les cinématiques sont rares, peu mises en scène. Les dialogues clés tombent à plat, et l’ensemble donne le sentiment d’avoir survolé quelque chose de plus dense, sans jamais y pénétrer.
Le jeu frôle la gravité, touche parfois une belle mélancolie, mais reste suspendu entre le conte silencieux et l’esquisse inachevée. Ce n’est pas un raté. C’est un manque. D’amplitude, d’ambition, de chair.
Une magie bien rodée dans un donjon sans mémoire
Derrière ses airs de JRPG traditionnel, Little Witch Nobeta s’affirme rapidement comme un TPS à l’architecture close, entièrement centré sur un unique donjon labyrinthique. Vous progressez de salle en salle, à travers des corridors silencieux, des arènes fermées, des pièges mécaniques et des raccourcis déverrouillables. Pas d’open world, peu de bifurcations : le level design privilégie le cloisonnement au foisonnement.
Le gameplay repose sur une dualité nette : éviter le contact, frapper à distance. Nobeta dispose d’un bâton pour des attaques au corps-à-corps — purement anecdotiques — mais c’est par sa magie qu’elle s’exprime. Tir rapide, tir chargé, sort à zone : chaque incantation mobilise une barre de mana à gérer avec vigilance. Les combats deviennent des séquences de positionnement et de gestion d’énergie, où l’erreur coûte cher.
Le verrouillage des cibles se fait à l’aide d’un réticule de visée typique des third-person shooters. Ce système, rigide mais précis, impose une lecture constante du champ de bataille : identifier les points faibles, ajuster l’angle, charger, frapper. Ce n’est pas un simple RPG avec magie : c’est un jeu de tir déguisé, où la précision est plus déterminante que le build.
Et cela fonctionne. Le système de visée est solide, la prise en main intuitive, la montée en puissance lisible. Les boss, nombreux et variés, mettent à l’épreuve votre sens du rythme, de l’espace, de la concentration. Ce sont eux, et eux seuls, qui donnent au jeu son intensité. Chaque confrontation devient un duel méthodique, souvent brutal, parfois frustrant, mais jamais injuste.
Mais quelques failles ternissent cette mécanique bien huilée. L’absence d’un véritable inventaire contraint le joueur à ne porter que cinq objets à la fois, obligeant à abandonner des butins rares en pleine exploration. Le système de progression, inspiré d’un JdR traditionnel, vous permet d’attribuer librement des points à vos statistiques… mais ce choix est illusoire. Nobeta est une magicienne. Monter sa force ou sa défense est un non-sens mécanique. L’ouverture promise se referme sur une spécialisation forcée.
Enfin, la visée aux Joy-Cons sur Switch manque cruellement de précision. Ce défaut d’ergonomie, propre à la version testée, alourdit artificiellement la difficulté, surtout dans les moments d’exigence maximale.
Mais malgré ses maladresses et son cadre restreint, Little Witch Nobeta tient son gameplay. Sobre, rigoureux, exigeant, il constitue la vraie fondation du jeu — bien plus que son monde ou sa narration.
Une lumière pâle sur des couloirs sans visage
Visuellement, Little Witch Nobeta attire d’abord par son modèle principal. La jeune sorcière, animée avec soin, bénéficie d’un cel shading propre, d’un design expressif, et d’un souci du détail dans ses animations. Le chat noir qui l’accompagne, silencieux et fuyant, ajoute une note de mystère visuel bienvenue. Ces deux figures sont le cœur esthétique du jeu, et tout semble avoir été construit autour d’elles.
Mais cette attention disparaît dès que l’on pousse la porte du donjon. Les environnements, plats, vides, répétitifs, semblent figés dans un moteur en mode économie. Couloirs gris, pièces carrées, statues clonées, textures sommaires : le décor se répète jusqu’à l’usure. La direction artistique s’efface derrière une architecture générique, où seule la lumière — parfois bien utilisée — tente de donner du relief à l’ensemble.
Le bestiaire suit le même schéma : modèles réutilisés, ennemis peu différenciés, à l’exception notable des boss. Ces derniers, toujours imposants, rompent enfin la monotonie visuelle par leur taille, leurs animations et leurs attaques spectaculaires. Ce sont eux qui donnent au jeu ses seuls moments d’impact visuel réel.
Les quelques énigmes ou phases de plateforme tentent d’introduire de la variété, mais échouent à convaincre. Trop mécaniques, mal intégrées, elles se heurtent à un level design trop rigide pour susciter l’émerveillement.
Côté sonore, le constat est plus nuancé. La bande-son, minimaliste mais élégante, accompagne les déplacements sans jamais les surcharger. Les musiques de combat savent se faire plus dramatiques sans sombrer dans l’agressif. Rien de mémorable, mais une présence constante, cohérente, fonctionnelle.
Les doublages — discrets — restent rares, les dialogues étant souvent relayés par des monologues ou des bribes de narration. Ce choix, en accord avec la solitude du personnage, limite cependant l’impact émotionnel des scènes clés.
Little Witch Nobeta est esthétiquement inégal : un modèle principal soigné enfermé dans un monde trop pauvre. Un écrin vide autour d’un personnage vivant. L’enchantement visuel ne prend que par intermittence, dans un jeu qui semble avoir oublié d’habiter son propre décor.
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