Développé par Team 3kh et sorti sur PC en 2024, Kaiten propose un duel stratégique atypique, fondé sur un principe radical : chaque action se décide par une roue aléatoire. Ce jeu en 1 contre 1 mêle tactique, adaptation, et hasard contrôlé, dans un système de combat en ligne où chaque erreur, chaque coup du sort, chaque placement devient une décision à double tranchant.
Mais ce parti pris mécanique parvient-il à réinventer la confrontation tactique, ou s’égare-t-il dans une roulette stratégique sans contrôle ?
Des pions sans passé dans une arène sans monde
Kaiten n’a aucune narration. Aucun univers construit. Aucun personnage nommé. Le jeu vous propulse directement dans une interface de combat, sans préambule, sans justification, sans contexte. Pas de monde à sauver, pas de factions à opposer, pas même une esthétique qui viendrait suggérer un lore implicite. Vous êtes dans une arène abstraite, géométrique, hors du temps et de l’espace.
Les “pions” que vous contrôlez – et que l’adversaire aligne en miroir – sont des entités anonymes, représentées par des formes stylisées. Leur identité se résume à leurs fonctions : tank, attaquant, support… mais aucun développement, aucun background, aucun attachement émotionnel n’est envisageable. Ce sont des pièces sur un échiquier, et rien de plus.
Pas de dialogues. Pas de narration environnementale. Pas de textes de présentation. Même les cartes de compétence, pourtant nombreuses, ne portent aucun nom évocateur ni trace d’univers. Elles activent un effet mécanique. Point. Le jeu ne vous parle jamais. Il agit.
Ce dépouillement total n’est pas un oubli, mais un choix assumé. Kaiten ne cherche pas à raconter quoi que ce soit. Il s’érige comme une pure mécanique stratégique, un système fermé où l’enjeu est ludique, pas narratif. Ce minimalisme extrême crée une distance radicale : vous jouez avec des abstractions, pas avec des figures.
Mais cette absence, aussi cohérente soit-elle, laisse un vide pour ceux qui cherchent à projeter une histoire, une tension dramatique, une incarnation. Kaiten est un pur système. Et dans ce système, l’humanité est exclue.
Un engrenage parfait dicté par le chaos
Le gameplay de Kaiten repose sur un principe unique : chaque action passe par une roue de sélection aléatoire, qui détermine le type de mouvement que vous pouvez effectuer à votre tour. Oubliez les ordres directs. Vous n’agissez jamais par volonté pure, mais par opportunité cadrée. Le cœur du jeu est là : accepter l’aléa, le lire, le retourner contre l’adversaire.
Chaque partie se joue en duel 1 contre 1, dans une arène divisée en rangées. Vous y déployez trois pions, face à ceux de l’ennemi, dans un système de ligne-à-ligne où les unités s’attaquent frontalement. Mais chaque tour de roue vous propose des options limitées, contextuelles, parfois imprévues. Le choix devient adaptation. Vous ne dominez pas. Vous réagissez.
Cette contrainte crée une dynamique à la fois tactique et instable : vous anticipez, vous vous préparez… mais la roue vous force à improviser. Certains tours vous donnent accès à une attaque frontale, d’autres à un déplacement, d’autres encore à une carte spéciale. Et parfois, elle ne vous propose rien d’utile, vous laissant vulnérable, exposé, contraint.
C’est là que Kaiten devient passionnant : dans l’interstice entre stratégie long terme et tactique d’urgence. Vous devez construire une victoire sans jamais contrôler vos outils. Le deck de cartes, que vous composez entre les manches, introduit des modificateurs supplémentaires : buffs temporaires, effets de zone, remplacements de pions, etc. Mais là encore, leur utilisation dépend du tirage. Le jeu vous apprend à perdre le contrôle sans lâcher prise.
Les affrontements se jouent en cinq manches rapides, à la manière d’un duel de sabre digital. Les pions tombent, et ne reviennent pas. Chaque mort est définitive. Chaque coup mal optimisé vous coûte une ligne, une manche, un match. L’asymétrie des effets, couplée à l’aléa contrôlé de la roue, donne au jeu une profondeur inattendue. Vous ne jouez pas contre un système, vous jouez avec une incertitude permanente.
Kaiten n’offre pas de confort. Il vous pousse à penser vite, à penser autrement, à penser sans certitude. Une mécanique brillante, exigeante, polarisante. Et d’une cohérence absolue.
Des cercles qui tournent dans un espace réduit au symbole
Kaiten adopte une esthétique ultra-minimaliste, presque abstraite. L’arène est un espace géométrique fixe, bordé de colonnes lumineuses et de surfaces planes. Les couleurs sont réduites à une palette de bleu, rouge, noir, et blanc. Tout dans le visuel renforce l’idée de système, pas d’univers. Vous êtes dans une matrice fermée, un théâtre algorithmique où seule compte la mécanique.
Les pions eux-mêmes ne possèdent ni visage, ni texture, ni animation complexe. Ce sont des formes stylisées, parfois vaguement anthropomorphes, mais jamais détaillées. Chaque type de pion est identifiable à son icône, à son type d’action, à son positionnement – pas à son design. Le choix esthétique est clair : l’efficacité visuelle prime sur l’incarnation.
Les animations sont brèves, chirurgicales : une attaque est un éclair, un déplacement un glissement fluide, une carte un effet ponctuel. Aucun excès d’effets spéciaux. Pas de mise en scène, pas de caméra dynamique. Le jeu évacue toute forme de spectaculaire, pour laisser place à la lecture pure du combat.
Sur PC, les performances sont impeccables. Le jeu tourne à pleine fluidité, l’interface est limpide, la lisibilité est absolue. Aucun élément visuel ne vient parasiter l’action. Les menus sont sobres, en aplats, sans animation superflue. Tout converge vers la sensation de contrôle… dans un espace que vous ne contrôlez jamais.
Côté sonore, Kaiten fait le choix d’une ambiance synthétique, dépouillée, presque clinique. Quelques nappes de fond, des impulsions électroniques, des signaux mécaniques. Pas de musique mélodique, pas de montée dramatique. Juste un son de boucle, de système, de tension froide. Les effets audio des actions sont courts, nets, sans écho. Une attaque claque. Un échec s’écrase. Le son est un feedback, pas une émotion.
Le résultat est une identité visuelle et sonore cohérente, radicale, mais déshumanisée. Kaiten ne vous accueille pas. Il vous teste.
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