IXION, débarqué sur Xbox Series ce 8 avril 2025, ne vous offre pas un monde. Il vous laisse un cercueil volant. La station Tiqqun n’a plus de cap. La Terre est morte. La Lune n’existe plus. Et l’humanité ? En pause, en fragments, en colère. À vous de piloter le dernier vestige d’une espèce qui a confondu progrès et rupture.
Développé par Bulwark Studios, IXION est un jeu de gestion spatial qui refuse la prospérité. Tout y manque : l’oxygène, la nourriture, la foi. Chaque décision creuse un peu plus la tombe collective. Ce n’est pas une colonisation. C’est un exode désespéré, rythmé par des crises, des mutineries, des chantiers impossibles à boucler.
Mais cette apocalypse silencieuse a-t-elle été pensée pour être vécue… ou seulement subie ?
Commandement sous pression, humanité en quarantaine
IXION ne raconte pas l’avenir. Il raconte le dernier soupir du présent. Vous êtes l’Administrateur, figure absente mais omnisciente, responsable de la station Tiqqun. Pas de héros, pas de voix off inspirante. Vous êtes là pour contenir. Rationner. Décider qui vit assez longtemps pour mourir plus tard. Le jeu ne cherche pas à vous faire croire que vous sauvez l’humanité. Il vous fait sentir que vous l’exploitez pour la garder debout.
L’histoire commence avec une promesse de propulsion interstellaire. Le moteur VOHLE devait permettre à l’espèce humaine de fuir. Il pulvérise la Lune. Coupe tout lien avec la Terre. Et transforme la Tiqqun en cercueil errant. Quand la station émerge de son saut, il n’y a plus rien à quoi revenir. Seulement des débris, des signaux morts, et des voix brisées.
La narration progresse par strates : fragments de données, dialogues synthétiques, messages internes. Pas d’émotion surjouée, pas de cinéma spatial. Juste des décisions logistiques, et leurs conséquences sociales, politiques, biologiques. Vous ne parlez pas. Mais chaque décret signé creuse un peu plus l’écart entre contrôle et conscience. Accepter le cannibalisme pour éviter l’effondrement moral ? Laisser mourir un secteur pour protéger les données d’une IA défaillante ? Chaque chapitre est une plaie ouverte.
Les “personnages” n’en sont pas vraiment. Ce sont des silhouettes, des porte-parole, des fonctions. Le Conseil, les factions internes, les robots, les survivants réveillés trop tôt… Chacun exige. Aucun ne propose. Même l’IA Edden, votre interface, ne vous guide pas. Elle vous rappelle juste que le moral chute. Que l’intégrité de la coque cède. Que vous avez encore un peu de temps avant le chaos.
Mais c’est là que IXION frappe : il ne cherche jamais l’identification. Il vous laisse seul avec vos chiffres et vos dilemmes. L’émotion, c’est vous qui la produisez, à force de sacrifier pour tenir, de tenir pour sacrifier. C’est une narration froide, clinique, mais plus tranchante que bien des envolées dramatiques.
Organiser la pénurie, construire l’échec
IXION n’est pas un city-builder. C’est un simulateur d’agonie lente. Chaque décision que vous prenez — placement d’un entrepôt, construction d’une usine, ouverture d’un quartier d’habitation — n’a qu’un seul effet : déplacer la douleur. Le jeu ne récompense jamais. Il tolère. Il laisse passer. Jusqu’à ce que tout craque.
La structure du gameplay repose sur un paradoxe permanent : tout est indispensable, rien n’est possible. Vous gérez l’intérieur de la station en construisant des modules dans des anneaux sectorisés, chacun avec ses propres ressources, sa propre population, ses propres tensions. Le moindre déséquilibre — une panne d’oxygène, une coupure électrique, un retard de rationnement — devient une crise systémique. Ce n’est pas du micro-management. C’est de la gestion de crise en boucle fermée.
À l’extérieur, vous gérez la navigation spatiale : expéditions, exploration de débris, récupération de ressources. Mais chaque décision là aussi vous met en danger : vos navettes consomment, vos cargos s’usent, vos choix narratifs déclenchent des pertes. IXION ne contient aucun “bon” résultat. Seulement des résultats moins pires. Vous êtes l’Administrateur d’un monde qui a déjà échoué.
L’équilibrage est volontairement cruel. Pas d’arbre technologique luxuriant. Pas de montée en puissance. Chaque nouvelle technologie débloquée crée une nouvelle dépendance. Chaque amélioration cache une fragilité. Construire un réacteur nucléaire ? Cela signifie isoler un quartier. Produire plus de nourriture ? Cela implique de convertir des cadavres en compost. Tout a un prix. Rien n’est durable.
Le rythme est lent, tendu, méthodique. Pas d’accélération frénétique. Pas de pause salvatrice. Le jeu avance à son propre tempo, avec des événements scriptés qui vous surprennent, vous punissent, vous forcent à réagir. Vous ne contrôlez pas le scénario. Vous contrôlez juste le délai avant l’effondrement.
C’est là que IXION trouve sa voix : il ne vous donne pas d’objectifs. Il vous laisse deviner combien de sacrifices il faudra pour atteindre la prochaine zone. Et surtout : si ça vaut encore la peine.
Structures froides, sons du néant
IXION ne cherche pas la beauté. Il cherche la cohérence. Chaque visuel, chaque animation, chaque texture participe à un monde où tout est fonction, où rien n’est fait pour rassurer. L’intérieur de la Tiqqun, entièrement modélisé en 3D isométrique, est un théâtre de l’effort permanent : habitations austères, fermes hydroponiques ternes, réacteurs suintant la surcharge. L’esthétique n’est jamais là pour plaire. Elle est là pour rappeler que tout ce que vous construisez est voué à s’effondrer.
La caméra offre un contrôle fluide, mais jamais omniscient. Vous pouvez zoomer, pivoter, suivre les drones… mais vous ne verrez jamais tout. Toujours un angle mort, toujours un secteur que vous surveillez trop tard. Même l’interface participe à cette tension : claire mais dense, surchargée sans jamais être inutile. Il faut apprendre à lire dans les alarmes.
À l’extérieur, le vide spatial est d’une froideur saisissante. Pas d’exubérance cosmique, pas de nébuleuses chatoyantes. Des amas de débris, des stations abandonnées, des planètes mortes. Chaque point d’intérêt est une menace maquillée en opportunité. Même les plus beaux décors — une planète terraformée, une ceinture d’astéroïdes illuminée — n’offrent que des ressources à dilapider.
Côté sonore, IXION impose une ambiance. Pas une bande-son classique. Une respiration. Les musiques composées par Guillaume David oscillent entre nappes synthétiques étouffées et lamentations électroniques. Pas de mélodie. Pas de thème héroïque. Juste un flux continu de tension sourde, comme si la station elle-même essayait de vous parler, de vous prévenir.
Les bruitages sont tout aussi fonctionnels : cliquetis des drones, souffle des ventilateurs, alertes mécaniques, grondements de coques fatiguées. Aucun son ne flatte. Tous rappellent que la Tiqqun est un organisme blessé, vivant juste assez pour continuer à vous hanter. Même les notifications vocales d’Edden — votre IA — sont neutres, presque indifférentes. “Condition critique.” “Secteur en mutinerie.” Aucune émotion. C’est à vous de paniquer.
Techniquement, le portage Xbox Series est solide. Résolution 4K fluide, framerate stable même en surcharge, textures propres. Quelques ralentissements ponctuels dans les transitions de secteurs ou lors d’événements globaux, mais rien de rédhibitoire. L’expérience reste lisible, froide, tendue.
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