Oubliez les après-midis ensoleillées, les balles pastel glissant doucement sur des greens paisibles. Golf With Your Friends sabote délibérément le calme du mini-golf pour le remplacer par une joyeuse anarchie. Développé par Blacklight Interactive et édité par Team17, ce titre multijoueur propose une relecture totalement débridée du genre : des parcours absurdes, des règles personnalisables et une physique souvent facétieuse. Sur Nintendo Switch, cette version nomade tente de transposer ce cocktail de chaos et de convivialité dans le creux de vos mains, en misant sur un multijoueur immédiat et accessible.
Mais à trop vouloir miser sur la folie, ne risque-t-on pas de perdre l’essentiel ? Derrière ses décors chamarrés et son esprit potache, Golf With Your Friends parvient-il réellement à tenir le cap d’un jeu amusant sur la durée — ou ses premières promesses s’étiolent-elles dans les rouages imprécis d’un gameplay vacillant ?
Règles sans récit, chaos sans cadre
Golf With Your Friends ne raconte rien. Ou plutôt, il choisit de ne rien raconter. Aucun contexte, aucun personnage, aucune progression narrative ne vient structurer les parties ou justifier les environnements traversés. Vous n’incarnez personne. Vous ne sauvez rien. Vous ne poursuivez aucun but narratif. Ce vide est assumé : ici, le mini-golf est dépouillé de tout vernis scénaristique pour se concentrer uniquement sur la mécanique, l’interaction et le plaisir immédiat du chaos.
Ce choix radical — l’absence totale de trame ou de protagonistes — libère le jeu d’une certaine linéarité, mais il en limite aussi la portée émotionnelle. Aucun attachement ne se forme, aucun monde ne s’ancre. Chaque partie devient un instant isolé, un sketch plutôt qu’un récit. Si certains décors évoquent des univers (station spatiale, manoir hanté, temple aztèque…), ils ne sont jamais habités. Pas d’histoire à décrypter, pas de symbolique à interpréter : tout est décor, rien n’est mémoire.
Ce parti-pris n’est ni une erreur, ni un oubli. Il est simplement le reflet de l’intention première : faire du mini-golf un terrain de jeu pur, sans fioriture ni contexte. Mais en refusant toute forme de narration, Golf With Your Friends se condamne aussi à n’être qu’un jeu de sessions, incapable de proposer autre chose qu’une accumulation de parcours loufoques.
Parcours déglingués et précision sacrifiée
Le terrain de jeu de Golf With Your Friends ressemble davantage à un carnaval sous acide qu’à un green réglementaire. Onze parcours thématiques, chacun composé de dix-huit trous, vous entraînent dans des mondes aussi farfelus que chaotiques : manoirs hantés, stations spatiales, biomes sucrés dignes d’un cauchemar de diabétique. Chaque environnement introduit des obstacles délirants — plates-formes mouvantes, portails de téléportation, tapis roulants, pièges mortels — qui transforment l’approche de chaque coup en une loterie d’ingéniosité et d’improvisation.
C’est là que le jeu touche du doigt le génie : chaque parcours semble conçu par un designer possédé par le démon du level design. Les idées débordent, les variations surprennent, et l’imagination visuelle est indéniable. Le niveau Space Station, par exemple, perturbe la gravité pour rendre chaque trajectoire imprévisible. Candyland ralentit les balles dans des mares de guimauve ou les expédie sur des tremplins de réglisse. C’est beau, c’est fou, et souvent hilarant.
Mais cette débauche créative dissimule un défaut structurel : l’incohérence. La difficulté varie sans logique. Certains trous se bouclent en un seul coup, d’autres exigent une précision quasi impossible. En l’absence de mini-carte ou de caméra libre efficace, le joueur tâtonne, expérimente à l’aveugle. Chaque parcours devient une succession de tentatives, souvent plus chanceuses que stratégiques. L’exigence de précision se heurte à une lisibilité imparfaite, et la frustration finit par s’installer dans les tracés les plus complexes.
Le système de jeu, malgré ses règles personnalisables, n’offre que peu de leviers pour compenser ces écarts : pas d’outils pour planifier ses coups, pas de feedback clair sur les trajectoires, et une physique parfois capricieuse. Résultat : le chaos l’emporte trop souvent sur le contrôle, et ce qui devrait être un plaisir d’optimisation devient un exercice de patience.
Couleurs criardes et silences creux
Visuellement, Golf With Your Friends adopte une direction artistique cartoonesque, presque criarde, qui colle à son ambition de chaos bon enfant. Les parcours sont saturés de couleurs vives, de textures exagérées et d’éléments absurdes qui accentuent le caractère délirant des environnements. Chaque monde possède une identité visuelle nette, immédiatement reconnaissable : bonbons géants, lave en fusion, machines futuristes… Le choc visuel fonctionne sur le court terme, et certaines idées de mise en scène surprennent agréablement.
Mais cette explosion de couleurs ne masque pas la pauvreté d’exécution. Les décors sont souvent figés, comme s’ils étaient en attente d’une vie qu’ils ne recevront jamais. Peu ou pas d’animations environnementales, des textures basiques, des effets visuels limités : passé l’étonnement initial, l’ensemble se révèle plat, sans souffle. Le moteur graphique montre rapidement ses limites, et la version Nintendo Switch accentue ces faiblesses avec un framerate instable et des ralentissements fréquents dans les parcours les plus chargés.
Côté son, le constat est plus terne encore. La bande-son se résume à des boucles musicales génériques, oubliables, parfois répétitives au point de lasser après quelques minutes. Aucune variation marquante entre les mondes, aucune dynamique rythmique liée aux actions du joueur. Le sound design minimaliste renforce ce sentiment de vide fonctionnel : les bruitages sont là, mais sans texture, sans personnalité.
Aucun doublage, aucune voix, aucun effort d’immersion auditive. Tout est utilitaire. Dans un jeu qui mise autant sur l’excès, cette discrétion sonore frôle le contresens artistique. Là où l’image crie, le son chuchote — et l’ensemble manque cruellement d’unité.
Multijoueur éclaté, technique éclopée
Le cœur battant de Golf With Your Friends repose sur son mode multijoueur. En local ou en ligne, jusqu’à douze joueurs peuvent s’affronter simultanément ou à tour de rôle selon la configuration choisie. C’est là que le titre donne le meilleur de lui-même : les interactions entre joueurs, les coups imprévus, les ratés grotesques et les trajectoires impossibles créent des moments de pure absurdité partagée. Le chaos devient moteur de rire, et le multijoueur transforme chaque trou en terrain de joute burlesque.
Mais cette dynamique ne masque pas les accrocs. Le jeu en ligne souffre de problèmes techniques récurrents : instabilités de connexion, latence, difficultés à rejoindre des parties actives sans groupe constitué. La version Nintendo Switch est particulièrement affectée par ces soucis, avec des ralentissements sensibles dès que plusieurs balles interagissent simultanément à l’écran.
En local, le système d’alternance des joueurs via une seule manette manque de fluidité et nuit à l’expérience. Aucun outil d’organisation clair, aucune option de personnalisation avancée de session hors ligne. Ce qui devrait être une expérience immédiate et intuitive se transforme trop souvent en suite de manipulations laborieuses.
Des modes alternatifs viennent étoffer le contenu : le mode Hockey fonctionne plutôt bien, avec sa rondelle et ses buts à atteindre en contournant un gardien. À l’inverse, le mode Dunk (basket) est handicapé par une mécanique de saut bancale et imprécise. Quant au Party Mode et ses power-ups aléatoires, il amuse lors des premières parties mais devient vite indigeste à force de chaos non maîtrisé. Ces ajouts apportent une variété bienvenue mais ponctuelle — et ne corrigent pas les lacunes plus structurelles du gameplay.
Sur le plan technique, les défauts sont persistants. Baisses de framerate, bugs de collision, balles coincées dans le décor, imprécisions de contrôle : autant d’éléments qui parasitent l’expérience, surtout sur Switch. La précision nécessaire à certains parcours entre alors en contradiction avec les limites techniques de la plateforme.
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