Quatre ans après l’échec d’Override: Mech City Brawl, le studio brésilien Modus revient sur le devant de la scène avec un concept aussi improbable qu’ambitieux : fusionner le jeu de combat et le jeu de rythme. God of Rock, sorti sur toutes les plateformes majeures, nous propulse dans un tournoi organisé par une divinité musicale, où des artistes caricaturaux s’affrontent à coups de combos et d’accords frénétiques.
Mais derrière cette idée singulière, le titre parvient-il à orchestrer une expérience harmonieuse, ou se perd-il dans une cacophonie de mécaniques incompatibles ?
Un casting caricatural
God of Rock tente d’habiller son concept hybride d’un semblant de contexte narratif : un dieu excentrique de la musique convoque douze combattants pour un tournoi où le vainqueur verra son vœu exaucé. Mais cette trame, déjà vue et sans relief, n’est qu’un prétexte mince pour enchaîner des affrontements.
Les personnages, pourtant hauts en couleur, se limitent à des archétypes grotesques de musiciens célèbres : une rock star déchue, un DJ illuminé, une diva rebelle… Chacun est introduit par une saynète dessinée à la main en noir et blanc, expédiée en quelques secondes et dépourvue d’impact. Ce choix stylistique aurait pu renforcer l’identité visuelle, mais il trahit surtout un manque de moyens et d’ambition narrative.
Aucune véritable interaction entre les combattants ne vient densifier l’univers, aucun développement ne permet de créer un attachement durable. Là où d’autres jeux de combat exploitent leurs rosters pour bâtir une mythologie, God of Rock laisse ses figures figées dans une fonction décorative. Les amateurs de lore et de progression scénaristique resteront donc sur leur faim : ici, l’histoire est réduite au minimum syndical.
Un mariage contre-nature entre baston et rythme
Au cœur de God of Rock se trouve une idée radicale : fusionner l’intensité d’un versus fighting avec la rigueur d’un jeu de rythme. Concrètement, les combats se jouent en appuyant sur des séquences de notes qui défilent en bas de l’écran, chaque succès ou échec déclenchant attaques et contre-attaques. Mais ce concept, aussi intrigant soit-il, révèle vite ses limites structurelles.
La première frustration vient de la dissociation entre action et visuel. Le joueur est condamné à fixer la piste rythmique en bas de l’écran, ne pouvant jamais apprécier les affrontements chorégraphiés censés se dérouler en haut. La “baston” devient une illusion purement cosmétique, et même les spectateurs extérieurs n’y trouvent aucun plaisir, tant les combattants restent statiques en dehors de quelques animations automatisées.
À cela s’ajoute une ergonomie contre-productive. Les séquences imposent des combinaisons de touches qui ne correspondent pas à la disposition naturelle des boutons sur une manette, générant une courbe d’apprentissage abrupte. Les inputs croisés (par exemple X + B) sont particulièrement pénibles, et la difficulté monte rapidement jusqu’à l’absurde, rendant certains combats presque impraticables pour des joueurs non-initiés au genre.
Le système de coups spéciaux, inspiré des quart-de-cercle de Street Fighter, ajoute une couche de complexité malvenue. Exécuter ces commandes au milieu d’une séquence rythmique exige une concentration surhumaine, et le timing pour contrer les attaques adverses est si serré qu’il frustre plus qu’il ne stimule. Résultat : l’innovation promise se transforme en une expérience hybride qui ne convainc ni les amateurs de jeux de combat, ni les puristes du rythme.
Enfin, l’absence de timer et la répétition infinie des morceaux jusqu’à ce qu’un joueur tombe à zéro de vie rendent certains matchs interminables. Ce défaut de conception accentue l’impression d’un système séduisant sur le papier mais chaotique en pratique.
Une direction artistique cohérente mais prisonnière de son concept
Visuellement, God of Rock adopte un style cartoonesque coloré, renforcé par des effets lumineux qui rappellent les scènes de concert et les excès psychédéliques de l’univers rock. Les arènes, bien que variées et riches en détails, ne suffisent pas à masquer l’impression de vide laissée par des personnages rigides et faiblement animés. L’absence totale de synchro labiale lors des dialogues souligne une production bâclée sur le plan technique.
Pire encore, la mise en scène des combats — censée incarner la fusion entre la baston et le rythme — échoue à capter l’attention. Les affrontements sont relégués au second plan puisque le joueur est contraint de fixer la piste rythmique. Le résultat : des animations qui défilent sans jamais être réellement regardées, rendant l’ensemble terne et répétitif.
Côté sonore, en revanche, le titre sauve partiellement les meubles. La bande-son, énergique et variée, propose des morceaux rock accrocheurs qui soutiennent efficacement les séquences de jeu. Mais cette réussite est ternie par la redondance des morceaux dans les combats prolongés : la répétition de boucles musicales transforme l’énergie initiale en lassitude. Les effets sonores, quant à eux, remplissent leur rôle sans éclat particulier, mais manquent d’impact pour rendre les affrontements mémorables.
God of Rock offre une esthétique cohérente avec son concept, mais la faiblesse des animations et les compromis visuels imposés par la mécanique de rythme plombent l’immersion et réduisent son potentiel spectaculaire.
0 commentaires