Développé par Inti Creates, Gal Guardians: Servants of the Dark est disponible depuis le 27 mars 2025 sur Nintendo Switch. Suite directe de Grim Guardians: Demon Purge, ce nouvel opus vous replonge dans l’univers gothique et déjanté de la série, mêlant action 2D et éléments de Metroidvania. Vous incarnez Kirika et Masha, deux sœurs démoniaques aux styles de combat distincts, dans une quête pour restaurer leur maître déchu, le Seigneur Démon Maxim.
Le jeu promet une expérience enrichie, avec un monde plus vaste à explorer, des mécaniques de combat affinées et une direction artistique toujours aussi marquée. Mais cette suite parvient-elle à surpasser son prédécesseur et à s’imposer comme une référence du genre sur la console hybride de Nintendo ?
Sororité démoniaque et rituel de résurrection au clair de lune
Le rideau s’ouvre sur un château en ruine, des éclairs zébrent un ciel que personne n’a prié depuis des siècles, et deux sœurs marchent dans le sang coagulé de leur passé. Gal Guardians: Servants of the Dark ne raconte pas une histoire — il invoque une atmosphère, il ressuscite un folklore vidéoludique oublié dans les douves de l’ère 16-bits. Vous incarnez Kirika, fine lame cynique au regard de jais, et Masha, brute massive à la tendresse dissimulée, toutes deux maids, toutes deux démones, toutes deux déterminées à ramener à la vie leur seigneur, Maxim, disloqué dans l’espace spirituel par une trahison ancienne.
Leur quête ne se veut jamais subtile. Chaque segment de l’aventure est ponctué d’invocations, de créatures gothiques au design volontairement outrancier, de dialogues campés dans un anglais volontiers exagéré (la version japonaise conserve d’ailleurs une justesse d’interprétation absente ailleurs). La narration repose davantage sur l’alliance du grotesque et du tragique que sur un véritable développement dramatique. Pourtant, derrière la surcharge baroque, il y a une structure qui fonctionne.
Les sœurs se parlent, s’opposent, se soutiennent. Et cette relation, bien que codifiée, devient le cœur émotionnel du jeu. Elles ne sauvent pas un monde. Elles ne réparent pas une injustice. Elles avancent dans la douleur, animées par une fidélité aveugle à une figure paternelle disparue. On ne joue pas deux héroïnes. On joue deux survivantes de l’ombre.
Les boss, eux, ne sont pas de simples obstacles. Ce sont les fragments d’un monde oublié, des incarnations grotesques de péchés esthétiques, bardés de chaînes, d’yeux, de crocs et de cris. Chaque affrontement devient un duel de mythes, où l’excès visuel est assumé jusqu’à l’absurde. Et c’est justement dans cet excès que le jeu affirme son identité narrative.
Ce n’est pas un scénario pour les amateurs de subtilité. C’est une tragédie gothique outrancière, une sororité tragique sous acide, un opéra démoniaque qui se joue à deux voix, chacune hurlée depuis les limbes.
Fouet, fusil, plateformes et sang frais : quand le château devient arène
Derrière ses airs de fanfiction démoniaque trempée dans l’esthétique goth-lolita, Gal Guardians: Servants of the Dark cache un vrai cœur mécanique, un gameplay finement ciselé où chaque saut, chaque échange de personnage, chaque frappe chargée participe à une chorégraphie aussi nerveuse qu’addictive. Vous alternez à la volée entre Kirika, experte du combat à distance avec ses fusils démoniaques, et Masha, armée de chaînes et de coups au corps à corps d’une brutalité sèche. L’une dissout les ennemis de loin, l’autre les écrase d’un revers de gantelet.
Ce duo asymétrique constitue l’axe central du gameplay. Chaque environnement, chaque puzzle, chaque combat a été pensé pour tirer parti de leur complémentarité. Certains passages exigent une précision millimétrée dans les sauts et l’utilisation des capacités spéciales de Kirika, tandis que d’autres vous forcent à encaisser frontalement des vagues d’ennemis avec la brutalité de Masha. Les changements sont instantanés, rythmés, presque musicaux. On ne joue pas deux personnages : on joue un duo, une dynamique, une tension permanente entre finesse et force.
Le level design, quant à lui, oscille entre héritage Castlevania assumé et modernisation subtile. Chaque zone du château se distingue par ses pièges, ses ennemis, ses ambiances sonores et ses subtils chemins alternatifs. Les secrets sont nombreux, les objets de collection disséminés dans des recoins qui récompensent l’exploration et la mémoire spatiale. Le jeu ne vous indique rien : il vous pousse à cartographier mentalement ses couloirs, ses ascenseurs cachés, ses murs friables.
Des compétences supplémentaires viennent enrichir cette exploration : double saut, dash démoniaque, projectiles spéciaux… mais jamais de manière gratuite. Chaque nouveau pouvoir est une clé. Une permission. Une promesse de retour dans une salle oubliée pour ouvrir un passage que l’on pensait inaccessible. Le backtracking est dosé, équilibré, jamais frustrant. Il ne s’impose pas : il appelle.
Côté affrontements, Gal Guardians assume sa filiation avec les boss fights spectaculaires des grands classiques du genre. Chaque boss est une horreur baroque, une créature infusée de magie noire et d’excès visuel, avec des patterns bien lisibles mais impitoyables. On n’y survit pas au hasard. Il faut apprendre, répéter, maîtriser. Et dans ces moments de tension pure, le jeu s’ouvre enfin pleinement.
Ce n’est pas un simple Metroidvania. C’est un bal masqué sanglant, un théâtre de la mécanique bien huilée, une partition jouée à deux mains sur un orgue démoniaque.
Velours noir, châteaux pixelisés et metal symphonique dans les veines
Dans Gal Guardians: Servants of the Dark, chaque écran est une vitrine gothique, chaque couloir une scène de théâtre tragique où le pixel art se fait baroque, et chaque fond une tapisserie maudite. Le titre reprend les codes esthétiques du précédent opus pour les pousser encore plus loin : les décors suintent le rouge, le mauve, le vert putride. Les piliers sont sculptés à la main, les vitraux fracturés laissent passer une lumière surnaturelle, et le château tout entier semble respirer une mélancolie démoniaque.
La finesse du pixel art est remarquable. Kirika et Masha sont animées avec une élégance violente : chacune de leurs attaques, chacun de leurs dashs, chacune de leurs postures de repos témoigne d’un soin maniaque dans l’animation. Les ennemis, nombreux et souvent grotesques, bénéficient d’un travail similaire : boss mutants, gargouilles électriques, prêtres possédés, ou fantômes en cape de soie, tous participent à l’effervescence visuelle permanente. Il ne s’agit pas d’en mettre plein la vue, mais de construire un monde crédible dans son outrance.
Certains effets sont particulièrement marquants, notamment les transitions d’écran, les invocations de boss, les sorts spéciaux. Le jeu maîtrise parfaitement l’art de la surcharge contrôlée : effets de lumière maîtrisés, particules incandescentes, distorsions visuelles subtiles. Tout ce qui brille ici est dangereux. Tout ce qui clignote, mortel. Il y a du Treasure dans la mise en scène, du Bloodstained dans l’héritage, du Castlevania dans la mémoire.
Et cette mémoire, c’est la bande-son qui la ravive.
La musique est omniprésente. Tantôt metal symphonique, tantôt chiptune survolté, tantôt mélopée d’église renversée, elle soutient la tension sans jamais se répéter. Chaque zone possède sa propre identité sonore. Chaque combat de boss déchaîne un thème spécifique, avec une violence qui n’est jamais gratuite mais dramaturgique. C’est du son qui se vit dans les tripes.
Les bruitages suivent la même logique : nets, brutaux, précis. Le fouet claque, le fusil tonne, les monstres hurlent. Chaque impact a du poids. Chaque blessure a un écho. Et chaque dialogue, même s’il n’est que partiellement doublé, bénéficie d’un jeu vocal exagéré qui colle parfaitement à l’esthétique du titre.
Gal Guardians ne cherche pas l’élégance — il cherche la puissance. Et dans sa manière de saturer l’écran et les tympans sans jamais casser son harmonie interne, il y parvient haut la main.
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