Fretless – The Wrath of Riffson est un RPG tactique au tour par tour sorti sur PC le 17 juillet 2025. Développé par Ritual Studios et édité par Playdigious Originals, il impose un gameplay centré sur l’exécution musicale : chaque attaque est un riff, chaque défense une pulsation, chaque choix une note dans une partition figée.
Le cadre est absurde mais assumé : vous incarnez Rob, musicien arraché à son quotidien pour lutter contre Rick Riffson, despote sonore dont l’armée est composée d’instruments trafiqués. Tout l’univers repose sur une logique musicale, mais la structure, elle, reste entièrement tactique. Aucun freestyle, aucun désordre. Le jeu déroule son système sans chercher la rupture.
Un monde réduit à un riff
L’univers de Fretless repose sur une idée unique : la musique comme loi. Rick Riffson, génie dévoyé, a imposé un monopole total sur la création sonore grâce à une technologie propriétaire, la Rifftech. Toutes les formes d’expression musicale ont été captées, brevetées, contrôlées. Toute dissidence sonore est traquée. Toute variation est interdite.
Vous incarnez Rob, guitariste solitaire, entraîné dans un combat qui le dépasse, enrôlé par un groupe de résistants cherchant à briser la domination de Riffson. Ce point de départ évoque la fable dystopique, mais le jeu ne développe aucun personnage en dehors de leurs fonctions. Rob est un vecteur. Il agit, il frappe, il déclenche. Il ne doute pas. Il n’évolue pas. Sa parole n’est jamais plus qu’un trait d’humour ou une transition vers le combat suivant.
Les figures qui l’accompagnent — Saxman, Drumbot, Synth — ne dépassent jamais leur archétype. Chacune incarne un style musical réduit à une caricature. Le saxophone parle jazz. Le synthé parle électronique. Le dialogue ne construit rien. Il rythme. Il meuble. Il ponctue. Le monde ne se déploie jamais. Il s’assemble en ligne droite. Les zones explorées — villes, marécages, usines — sont traversées, non habitées. Aucun souvenir, aucune histoire, aucun enjeu local. Tout est sacrifice au rythme.
Rick Riffson, antagoniste central, enchaîne les poses sans jamais devenir une menace crédible. Il parle comme une parodie de capitaliste, il agit comme un boss de fin de niveau. Sa présence est permanente, mais son impact est accessoire. Il ne dirige pas. Il annonce. Il provoque. Il attend.
L’écriture suit la musique. Elle martèle. Elle répète. Elle ne construit aucune tension. L’intrigue ne connaît ni fracture ni montée dramatique. Elle se contente d’être là, en boucle, sans pic ni chute. L’univers reste conceptuel. Le scénario reste linéaire. Les personnages restent des fonctions.
Le système joue juste mais refuse toute improvisation
La structure de Fretless repose sur un modèle classique du RPG au tour par tour, enrichi par une couche d’interactions rythmiques. Chaque attaque déclenche un mini-jeu de type QTE, où la réussite dépend de la synchronisation du joueur avec une séquence imposée. Ce choix ajoute de la tension, mais ne modifie jamais la logique d’ensemble : les combats se déroulent sur des arènes figées, sans éléments dynamiques, sans altération du terrain, sans évolution contextuelle.
L’enchaînement des actions suit une logique simple : attaque, compétence, soin, défense. Chaque action consomme une ressource — énergie ou inspiration — que l’on recharge au fil des tours. Le joueur compose son build à partir d’un deck de riffs, qui détermine les actions disponibles. La mécanique de deckbuilding est présente, mais peu profonde. Les cartes sont nombreuses, mais leur impact varie peu. Certaines infligent des dégâts directs, d’autres provoquent des altérations d’état ou appliquent des buffs classiques. Aucun combo ne bouleverse la structure. Aucune synergie ne transforme une partie. Le système reste stable, efficace, limité.
Le level design n’existe que comme prétexte. Les zones explorées sont linéaires, les cartes n’ont aucune verticalité, aucune complexité géographique. Le déplacement est réduit à une succession de nœuds reliés par des trajets fixes. Aucun raccourci. Aucun piège. Aucun secret. Le joueur se déplace pour atteindre un point, enclencher un dialogue, puis lancer un combat. L’exploration est factice. Le décor est un menu.
L’intelligence artificielle est fonctionnelle. Les ennemis appliquent une routine définie. Certains protègent, d’autres frappent en ligne, d’autres invoquent des renforts. Le danger vient de la combinaison, pas du comportement. Aucun adversaire ne s’adapte. Aucun n’anticipe. La difficulté monte, mais la tactique ne se transforme pas.
La boucle de jeu est claire. Elle ne varie jamais. Choix de cartes, exécution rythmique, récupération de ressources, déplacement vers le combat suivant. Le système est fluide, mais fermé. Il délivre une expérience structurée, balisée, répétable. Chaque session rejoue la précédente avec de nouveaux riffs, mais le tempo ne change pas.
L’univers visuel donne le ton mais refuse l’accident
Fretless affiche une direction artistique cohérente, immédiatement lisible, parfaitement ancrée dans son concept. L’esthétique pixel art s’inspire des dessins animés occidentaux des années 2000 : contours noirs, couleurs vives, formes exagérées, animations volontairement limitées. Le monde est peuplé d’instruments anthropomorphes, de personnages en carton pâte, de bâtiments stylisés comme des amplis ou des pédaliers géants. Chaque zone correspond à un genre musical — jazz, metal, électro — avec une identité visuelle marquée. Ce choix graphique affirme une intention, mais le résultat ne dépasse jamais son rôle de décor. Il illustre. Il ne raconte rien.
Les environnements sont statiques. Aucun effet de lumière dynamique. Aucun changement d’ambiance. Les arrière-plans bougent à peine, les éléments de décor ne réagissent jamais à l’action. Le joueur traverse une série de tableaux fixes, pensés pour poser une ambiance musicale, pas pour soutenir une progression spatiale ou narrative. La mise en scène reste illustrative. Jamais immersive.
Les personnages sont expressifs mais limités à quelques sprites. Les animations sont fonctionnelles, sans transition. Le jeu assume cette simplicité, mais ne la transcende pas. Les attaques s’enchaînent, les effets se déclenchent, les QTE s’affichent avec des lignes de tempo ou des icônes d’inspiration. Tout est propre, compréhensible, lisible. Mais tout est contenu. Aucune exagération. Aucun débordement visuel. Le rythme ne déborde pas sur l’image.
La bande-son occupe une place centrale dans la proposition. Chaque environnement, chaque combat, chaque séquence repose sur une boucle musicale dédiée. Les compositions varient selon les zones et les types d’ennemis. Le jazz y est syncopé, l’électro percussive, le metal saturé. Le travail est sérieux, mais rarement mémorable. Peu de thèmes s’imposent. Peu d’ambiances restent en tête. La fonction l’emporte sur la sensation. L’OST accompagne, mais ne dirige jamais.
Le sound design, lui, reste en retrait. Les sons de coups, de sélection, de validation sont corrects, mais manquent d’impact. Les riffs déclenchés durant les QTE n’ont pas de feedback clair, ce qui amoindrit la sensation de maîtrise. Les ennemis grognent, crissent, s’écrasent. Mais aucun ne se distingue par un cri, un effet sonore ou un motif identifiable. Le jeu suit un mixage équilibré, neutre, efficace, sans prise de risque.
Aucun doublage. Tous les dialogues sont textuels. Les bulles s’affichent, les lignes défilent, sans inflexion ni surprise. Le silence des voix renforce l’impression d’un univers stylisé mais désincarné.
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