Sorti le 31 janvier 2025 sur PC, Eyes of War est le dernier-né du studio Good Mood Games, qui tente d’apporter une touche d’originalité au RTS médiéval. Là où le genre est souvent synonyme de contrôle total et de distances tactiques, ce titre ambitionne de briser la frontière entre le commandant et le soldat, en permettant de passer à tout moment d’une vue aérienne à une immersion totale sur le champ de bataille.
Le pari est risqué. Réunir la rigueur stratégique d’un jeu de gestion militaire et l’intensité brute d’un combat en vue à la troisième personne est une ambition rarement atteinte avec succès, comme Kingdom Under Fire. Eyes of War parvient-il à fusionner ces mondes avec intelligence, ou se retrouve-t-il prisonnier de ses contradictions ?
Quand les royaumes vacillent sous le poids de leurs ambitions
Eyes of War ne vous raconte pas l’histoire d’un héros providentiel ou d’un empire prédestiné à la grandeur. Ici, il n’y a pas de destinée écrite, seulement un champ de bataille où les puissants tombent aussi vite qu’ils se lèvent. Le jeu vous place au cœur d’un monde médiéval ravagé par la guerre, où quatre factions s’affrontent pour imposer leur domination. Mais contrairement à certains RTS à forte composante narrative, aucune campagne scriptée ne vient vous tenir par la main. Le contexte est là, les conflits sont en place, mais c’est à vous d’écrire l’histoire en forçant la victoire par l’acier et le feu.
Chaque faction possède sa propre philosophie militaire et ses spécificités stratégiques. Certaines privilégient la rapidité et la frappe chirurgicale, tandis que d’autres bâtissent leur puissance sur la discipline et la résistance. Cette diversité de gameplay permet d’adopter des approches radicalement différentes selon l’armée que vous choisissez de mener. Mais si l’univers de Eyes of War pose un cadre intéressant, il reste plus fonctionnel qu’immersif.
Là où d’autres jeux du genre enrichissent leur lore avec des personnages marquants, des dialogues et une tension dramatique palpable, ici, tout repose sur les affrontements eux-mêmes. Les factions ne sont que des outils de guerre, avec peu d’efforts mis sur le développement de leurs motivations, de leur histoire ou de leur culture. C’est un RTS qui respire la tactique pure, mais qui oublie parfois de donner une âme à son conflit.
Si Eyes of War vous offre la liberté d’écrire votre propre conquête, il aurait gagné à rendre son monde plus vivant, plus incarné, afin que chaque bataille ait plus de poids que la simple conquête d’un territoire supplémentaire.
Entre plan de bataille et coups d’éclat sur le terrain
Dans Eyes of War, le champ de bataille est votre tableau, et chaque unité votre pinceau. Comme dans tout RTS digne de ce nom, vous devez gérer vos ressources, développer votre armée et déployer vos troupes sur des fronts multiples. Mais là où le jeu cherche à se distinguer, c’est en vous offrant la possibilité d’incarner directement n’importe quelle unité en vue à la troisième personne, vous plongeant au cœur de la mêlée.
Cette mécanique, à mi-chemin entre le contrôle stratégique omniscient et l’action , est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse. Lorsqu’elle fonctionne, elle transforme une bataille classique en un véritable terrain de jeu tactique, où un général avisé peut lui-même renverser le cours du combat par ses actions directes. Mais lorsqu’elle échoue, elle détache le joueur de sa vision d’ensemble et le pousse à microgérer au détriment du plan global.
Dans sa dimension RTS pure, Eyes of War offre un socle solide, mais pas révolutionnaire. Les bases de gestion sont présentes : construction de structures, recrutement d’unités, et optimisation des ressources. Les batailles nécessitent un positionnement intelligent et une bonne lecture du terrain, avec un level design qui encourage l’exploitation des reliefs et des couverts. Les sièges de forteresses sont particulièrement intenses, obligeant à des stratégies d’encerclement et d’assauts coordonnés.
Mais dès que l’on bascule en mode action, la fluidité de l’expérience varie considérablement. Les combats rapprochés manquent de précision, et le passage d’une unité à l’autre en plein affrontement n’est pas toujours intuitif. Le dynamisme est là, mais il souffre d’un manque de réactivité, rendant certains duels plus frustrants que stratégiques. De plus, l’IA ennemie est inconstante : si certaines unités utilisent intelligemment leur environnement, d’autres se contentent d’attaquer en ligne droite, ruinant l’illusion d’un champ de bataille vraiment organique.
Le jeu ne parvient pas toujours à trouver l’équilibre entre son ambition et son exécution. Si Eyes of War sait offrir des moments de tension et de stratégie bien sentis, il arrive aussi que ses mécaniques s’entrechoquent, donnant une impression d’expérience hybride qui ne trouve jamais totalement son harmonie.
Une fresque guerrière entre grandeur et imperfections
L’ambition visuelle de Eyes of War n’est pas de rivaliser avec les mastodontes du genre, mais de proposer une représentation stylisée et efficace du chaos des batailles médiévales. Les vastes plaines, les forteresses massives et les forêts denses offrent un terrain de jeu varié, et le level design sert autant la tactique que l’immersion. L’échelle des affrontements est impressionnante, et voir des centaines de soldats s’entrechoquer sous vos ordres confère au jeu une ampleur dramatique indéniable.
Cependant, si le spectacle est là, la finition laisse à désirer. Les animations des unités manquent de souplesse, et les affrontements rapprochés, bien que dynamiques en vue à la troisième personne, souffrent d’un manque de fluidité. Les impacts de coups manquent de poids, et les collisions entre personnages donnent une impression d’imprécision. Côté textures et détails environnementaux, le jeu oscille entre de belles réussites et des zones plus vides, donnant une sensation d’inconstance graphique qui nuit à la cohérence visuelle.
Sur le plan sonore, Eyes of War alterne entre envolées épiques et silences pesants. La bande-son sait se faire grandiose dans les moments clés, avec des chœurs et des percussions qui renforcent l’intensité des batailles, mais elle manque d’accompagnement dans les phases de gestion et de préparation, où le silence peut parfois diminuer l’impact émotionnel. Les effets sonores sont globalement réussis, avec des cris de guerre, des chocs métalliques et des sons d’impact convaincants, mais leur répétitivité peut devenir lassante lors des longues batailles.
Si Eyes of War parvient à offrir des panoramas de guerre impressionnants, son rendu technique et son sound design ne parviennent pas toujours à soutenir l’ampleur de ses ambitions. L’immersion est là, mais elle vacille sous le poids de certaines failles techniques et d’une exécution parfois inégale.
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