Un mercenaire. Un monolithe. Une ruine orbitale en forme de labyrinthe vivant. Dans Empyreal, développé par Silent Games et lancé le 8 mai 2025 sur Xbox Series X|S, vous n’existez pas pour sauver l’univers. Vous êtes là pour le piller.
Édité par Secret Mode, ce dungeon crawler de science-fiction n’a ni narration épique, ni grande fresque cosmique. Ce qu’il propose, c’est un gouffre. Un ziggurat extraterrestre qui change à chaque incursion, modulé par un système de “cartogrammes” qui génèrent biomes, ennemis et butin. À chaque descente, une seule règle : survivre assez longtemps pour extraire les artefacts, améliorer votre clone, et replonger.
Mais dans cette boucle dépouillée, sans lore consistant ni dialogue marquant, une question s’impose : que reste-t-il d’un RPG quand on lui retire l’identité ?
L’oubli comme mission, la répétition comme destin
Il n’y a pas d’héroïsme dans Empyreal. Seulement un corps cloné, parachuté dans les entrailles mouvantes d’un monolithe sans mémoire. Loin des fresques narratives et des castings flamboyants, le jeu érige le silence et la routine comme ses seuls piliers. Vous incarnez un mercenaire anonyme, ressuscité à chaque échec, dépouillé de toute histoire personnelle, réduit à une fonction : explorer, extraire, recommencer.
Les rares personnages rencontrés — commanditaires, techniciens, IA désincarnées — n’existent que pour alimenter la boucle. Aucun ne cherche à convaincre, aucun n’existe au-delà de ses lignes utilitaires. Les dialogues, volontairement secs, s’effacent derrière l’objectif logistique : calibrer une nouvelle incursion, valider une amélioration, lancer l’impression d’un clone amélioré. Rien n’est raconté. Tout est actionnalisé.
Et c’est là, paradoxalement, que se niche une forme d’austérité signifiante. Dans ce monde où même l’identité est une variable jetable, où le passé ne sert qu’à alimenter la prochaine mission, Empyreal fait de l’amnésie une méthode. Il ne propose pas une histoire à vivre, mais un processus à exécuter. Pas de mémoire, pas de mythe. Seulement des expéditions froides dans un ventre artificiel, dont les murs s’ajustent selon vos choix — mais jamais selon vos désirs.
Cartographier l’oubli n’efface pas l’ennui
Le gameplay d’Empyreal repose sur une idée forte : chaque expédition dans le Monolithe est générée par un “cartogramme”, une carte consommable qui détermine le biome, les ennemis et les récompenses. Une mécanique séduisante sur le papier, mais dont l’impact s’effrite à mesure que le jeu s’enfonce dans sa propre logique procédurale.
L’exploration, cloisonnée dans des zones instanciées, se réduit trop souvent à une alternance de couloirs génériques et de salles fonctionnelles. L’architecture n’évoque rien, ne suggère rien, n’imprime aucune géographie mentale. Loin de stimuler la curiosité, le level design génère une lassitude topographique. Chaque variation de décor semble n’être là que pour justifier une nouvelle ressource, un nouveau type d’ennemi, un bonus temporaire.
Le système de combat, quant à lui, vise l’efficacité tactique : esquives, coups lourds, gestion de stamina, compétences déblocables. Mais les animations rigides, les hitboxes approximatives et la faible réactivité de certaines armes donnent une sensation de latence, comme si le corps du joueur luttait contre l’inertie du moteur. Les affrontements manquent de nerf, de lisibilité et surtout de tension. On frappe, on recule, on recommence — sans que le système n’encourage jamais une montée en puissance véritable.
Le loot, élément central de la boucle, peine à créer l’addiction. Trop d’objets sans synergie, trop de statistiques peu lisibles, trop de doublons à recycler dans une interface qui semble conçue pour ralentir plutôt que pour fluidifier. Même les “implants” — ces modifications biologiques censées transformer la manière de jouer — finissent par se confondre dans un inventaire qui refuse de hiérarchiser les choix.
Empyreal veut offrir du contrôle, mais c’est de friction qu’il accouche. Derrière la promesse de la personnalisation se cache une mécanique qui répète sans conséquence, ajuste sans métamorphose, et régénère sans surprendre. Le système tourne, mais ne grince jamais assez fort pour qu’on tende l’oreille.
L’espace froid n’a pas de texture
La direction artistique d’Empyreal se drape d’un minimalisme austère. Couleurs désaturées, structures angulaires, surfaces métalliques sans histoire : le jeu cultive une esthétique de laboratoire abandonné. Le Monolithe, pourtant entité supposément vivante, ne dégage ni mystère, ni malaise, ni monumentalité. Il reste un décor. Fonctionnel, plat, impersonnel.
Visuellement, le jeu peine à incarner ses ambitions. Les effets de lumière sont statiques, les ombres parfois absentes, les textures délavées même sur Xbox Series X. L’interface, surchargée de données, contraste brutalement avec la pauvreté visuelle des environnements. On ne retient aucun lieu. Aucun panorama ne marque. Aucune salle ne frappe. Le Monolithe n’est jamais plus qu’un prétexte.
L’animation manque de cohésion. Les mouvements du personnage joueur sont rigides, les transitions entre les actions saccadées, et certains ennemis donnent l’impression d’être détachés du sol. Lorsqu’un tir frappe, il n’impacte pas : il effleure. Lorsqu’un ennemi meurt, il s’effondre sans poids, sans conséquence, sans réaction du monde.
Côté sonore, Empyreal adopte une ambiance discrète, presque absente. Quelques nappes synthétiques, des réverbérations mécaniques, des bruits d’interface. Rien ne surprend, rien ne dérange, rien ne fascine. Le mixage est propre, les effets clairs, mais l’ensemble demeure anémique. Aucun thème ne persiste, aucun bruitage ne sculpte une identité sonore. Vous traversez l’espace — mais il n’a pas d’écho.
Systèmes froids pour missions tièdes
Sous son vernis procédural, Empyreal affiche une structure rigide. Chaque incursion dans le Monolithe suit le même protocole : choix du cartogramme, descente, extraction, amélioration. Rien ne dévie. Le système fonctionne, mais sans jamais déborder. La progression, linéaire dans sa verticalité, accumule des ressources plus qu’elle ne révèle des choix.
Techniquement, le jeu reste stable sur Xbox Series : le framerate tient les 60fps même dans les salles les plus chargées, les temps de chargement sont courts, et les crashs absents. Mais cette solidité cache une absence d’optimisation ergonomique. L’interface alourdit chaque action, multiplie les confirmations, fragmente les menus. Une sensation de friction permanente, comme si le système vous suspectait à chaque clic.
Quant à la rejouabilité, vendue comme pilier central, elle repose sur une boucle répétitive plus que sur un renouvellement réel. Les cartogrammes modifient les variables, jamais les structures. Les ennemis changent de forme, pas de stratégie. Chaque partie devient une variation faible d’un canevas déjà parcouru.
Empyreal donne l’illusion du vertige algorithmique, mais refuse le chaos. Il régule. Il calibre. Il dose. Et dans ce contrôle trop propre, il oublie l’imprévisible.
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