Le 14 juillet 2023, Dragon Quest Treasures a quitté les eaux troubles de son exclusivité Switch pour débarquer sur PC via Steam, auréolé d’un certain succès critique… et d’un enthousiasme commercial que l’on peine à s’expliquer. Spin-off de Dragon Quest XI, centré sur Erik et Mia, deux visages familiers des joueurs, le titre promettait un hommage aux anciens Monsters tout en misant sur la chasse au trésor et une mécanique d’exploration coopérative. Sur le papier : une aventure à la fois fraîche, légère, et parfaitement calibrée pour un jeune public ou les fans nostalgiques.
Mais entre promesses et réalité, il y a un gouffre. Et dans ce gouffre ne résonne que le bruit creux d’un jeu mal fini, sous-exploité, et bâti sur une boucle de gameplay terriblement creuse. Porté par le nom d’une licence historique, Dragon Quest Treasures se rêve héritier… mais ne parvient jamais à sortir de l’ombre de ses prédécesseurs. Cette version PC avait toutes les cartes en main pour rectifier le tir. Hélas, elle n’apporte qu’une déception supplémentaire, au bout d’une aventure qui semble avoir oublié l’essentiel : le plaisir de jouer.
Un trésor de confusion narrative
À première vue, Dragon Quest Treasures semble vouloir capitaliser sur l’un des rares personnages réellement marquants de Dragon Quest XI : Erik, accompagné ici de sa sœur Mia, pour un récit censé s’inscrire en amont de leur apparition dans l’épisode principal. L’idée aurait pu être prometteuse. Mais très rapidement, tout s’effondre.
Le scénario s’ouvre sur une suite d’invraisemblances grotesques : deux enfants vivant paisiblement sur un drakkar viking décident de fuir, libèrent des mascottes fluo façon produit dérivé pour peluche, tombent dans un portail interdimensionnel et se retrouvent… sur un dragon. Littéralement. Draconia, l’archipel où se déroule l’action, repose sur le dos d’un dragon fossile. Et vous y chercherez sept pierres de dragon, parce que vous êtes les héritiers du dragon, pour combattre une légende de dragons… Tout est dragon. Mais rien n’a de dents.
L’histoire accumule les clichés sans jamais en faire quelque chose de consistant. Les dialogues sont plats, les rebondissements inexistants, et l’univers—pourtant riche dans la série mère—se réduit ici à une soupe narrative tiède et sans relief. Aucun lien crédible avec Dragon Quest XI, aucune volonté de tisser des connexions scénaristiques intéressantes. La licence est simplement plaquée, comme un autocollant mal collé sur un jeu qui aurait pu s’appeler autrement.
Le ton, lui, oscille entre un humour forcé et une tentative ratée de donner de l’épaisseur à un monde qui ne repose que sur des prétextes. Les mascottes ? Caricatures sans saveur. Les antagonistes ? Oubliables. Les enjeux ? Une chasse au trésor sans enjeu, sans tension, sans direction.
Et pourtant, il fallait oser : faire durer plus d’une heure une introduction à base de tutoriel mollasson, dialogues insipides et cinématiques interminables, le tout pour présenter un gameplay qui tient sur deux boutons. Là où un épisode classique de la saga allait droit au but, Treasures s’enlise dans un faux rythme digne d’un RPG mobile, surécrit et sous-inspiré.
Le constat est cruel : là où Dragon Quest brillait par sa simplicité bien dosée et son sens du rythme narratif, Treasures choisit l’artifice, la redondance, et le remplissage. Un spin-off qui oublie tout ce qui faisait l’élégance de la série principale.
Le grind du vide et la mécanique de trop
Derrière son vernis pastel et ses monstres familiers, Dragon Quest Treasures cache une structure de jeu terriblement creuse, articulée autour d’une boucle de gameplay répétitive et bâclée. Le cœur du système repose sur une promesse simple : explorer des îles, utiliser les capacités de vos monstres pour trouver des trésors, et faire évoluer votre base. En pratique ? Une série de mécaniques sous-développées, jamais exploitée à son plein potentiel.
Les chasses au trésor, pierre angulaire du jeu, s’appuient sur une mécanique de “vision” activée avec vos compagnons. Ceux-ci vous offrent une image approximative du lieu à fouiller, censée aiguiller votre recherche. Mais le level design monotone et l’absence de repères visuels efficaces rendent cette mécanique caduque. D’autant que les développeurs ont ajouté un signal lumineux indiquant automatiquement un trésor à proximité… ce qui annule tout intérêt pour l’exploration ou la déduction. Le jeu vous guide sans subtilité, jusqu’à vous faire regretter la moindre tentative d’observation.
Les capacités de terrain des monstres, pourtant mises en avant comme une feature majeure, se limitent à cinq actions génériques : bondir, planer, sprinter, se rendre invisible, ou scanner les alentours. Sur le papier, cela rappelle Pokémon Legends Arceus ou Cassette Beasts. Dans les faits, ces compétences sont trop peu nombreuses, peu utiles, et mal intégrées au level design. Le jeu ne vous incite jamais à les exploiter intelligemment, se contentant de quelques zones vaguement inaccessibles si vous n’avez pas le bon pouvoir.
Les combats en temps réel, quant à eux, frôlent le néant stratégique. Vous dirigez Erik ou Mia, tandis que vos monstres gérés par une IA aux fraises font… ce qu’ils peuvent. Attaques ratées, positionnements absurdes, cibles ignorées : rien n’est maîtrisé. Vous, de votre côté, spammez une touche pour frapper, avec une absence de verrouillage qui rend chaque affrontement aussi brouillon qu’ennuyeux.
Le système de progression, basé sur des quêtes FedEx sans imagination, ne parvient jamais à relancer l’intérêt. Vous récupérez des trésors, améliorez votre base (sans possibilité de personnalisation), puis repartez. Aucun enjeu, aucun choix significatif, aucune surprise. Et ce château central, censé être votre QG, ne sert à rien. Pas d’interactions marquantes, pas de mécaniques de gestion, pas d’évolution visible.
Mais le plus grand raté reste ailleurs : l’absence totale de multijoueur, alors que toute la structure du jeu semble pensée pour deux joueurs. Dès l’introduction, vous alternez entre Erik et Mia, chacun actionnant un mécanisme pour faire avancer l’autre. Une mécanique de coopération qui hurle l’évidence d’un mode coopératif… inexistant. L’oubli n’est pas anodin : il traduit le sentiment constant que le jeu a été amputé d’une partie de son contenu, sorti trop tôt, pour capitaliser sur la licence plutôt que sur une vision aboutie.
Dragon Quest Treasures est une leçon de ce qu’il ne faut pas faire : partir d’idées séduisantes, et les réduire à des mécaniques artificielles sans souffle ni structure. Une aventure au potentiel énorme, mais étouffée par sa propre superficialité.
Couleurs familières, mélodies recyclées
Visuellement, Dragon Quest Treasures revendique clairement son héritage Switch. Malgré son arrivée sur PC, le jeu reste techniquement modeste, avec des environnements simplifiés, des textures floues, et une direction artistique qui repose quasi exclusivement sur le charme des designs de Toriyama. Et c’est bien là l’un des seuls piliers visuels solides du titre : les monstres sont toujours aussi reconnaissables, expressifs et attachants.
Mais si les créatures bénéficient de ce soin esthétique bien connu des fans, le reste du monde souffre d’une répétitivité criante. Les cinq îles de Draconia se ressemblent toutes : reliefs lisses, couleurs saturées, décors statiques. Les assets sont recyclés à outrance, les animations minimalistes, et les effets de lumière quasi inexistants. Il ne s’agit pas d’un style épuré par choix artistique : c’est un minimalisme imposé par une production au rabais, bâti autour d’un moteur daté.
Et cette version PC n’arrange rien. Aucune amélioration substantielle. Les options graphiques sont rachitiques, les ombres à peine plus définies, la distance d’affichage légèrement étendue. Pire : les cinématiques, loin d’être retravaillées, ont simplement été upscalées puis floutées, trahissant un traitement de surface plus qu’un vrai portage. Rien ici ne donne le sentiment d’un jeu « retravaillé » pour un nouveau support. C’est un copier-coller rehaussé, vendu plein tarif.
Côté bande-son, Treasures mise sur des valeurs sûres : les musiques orchestrales emblématiques de la saga, toujours aussi bien composées, toujours aussi efficaces… mais pas nouvelles. Les thèmes principaux sont recyclés de Dragon Quest XI et d’autres opus, parfois en boucle pendant de longues séquences d’exploration. L’effet nostalgie fonctionne, mais l’absence de compositions originales ou de réarrangements plus subtils laisse un goût de facilité.
Les doublages, eux, sont plus convaincants. Les monstres bénéficient d’un vrai soin, avec des voix japonaises savoureuses, souvent drôles, fidèles à l’esprit de la licence. Ces échanges viennent compenser la pauvreté générale des dialogues des héros, trop souvent noyés dans des échanges génériques.
En somme, la direction artistique s’appuie sur le strict minimum attendu d’un Dragon Quest. Elle évite le naufrage grâce à son identité graphique et musicale bien établie… mais ne propose aucun supplément d’âme pour mériter ce passage sur PC.
Un portage sans ambition pour un contenu sans profondeur
On aurait pu espérer que cette version PC de Dragon Quest Treasures corrige au moins partiellement les errements de la version originale. Sept mois de délai pour offrir quelques ajustements, rééquilibrages, une interface repensée, un contenu bonus… mais non. Ce portage n’est rien de plus qu’un copier-coller paresseux, à peine rehaussé, sans la moindre fonctionnalité inédite.
Les temps de chargement, déjà longs sur Switch, sont certes réduits sur PC, et le jeu tourne sans accroc majeur sur des configurations même modestes. Mais aucun travail de fond n’a été fait : pas de refonte de l’interface, pas de mode multijoueur rajouté, pas même de contenu scénaristique ou de fin de jeu supplémentaire. Les joueurs PC récupèrent le même contenu vidéoludique que les possesseurs de Switch, mais sans la justification de l’expérience portable.
Pire encore, le manque de finition reste omniprésent. Menus peu lisibles, carte inutilement rigide, absence de tri dans l’inventaire, ergonomie basique : rien n’a été revu pour le confort de jeu sur un autre support. Même le HUD reste pensé pour une résolution 720p, sans la moindre adaptation à des écrans PC modernes.
Côté fonctionnalités, là encore, rien : aucune compatibilité Steam Deck, aucune prise en charge des succès, aucune option d’accessibilité digne de ce nom. Pas de traduction vocale en français non plus, bien que les textes soient intégralement localisés. Les doublages sont disponibles uniquement en japonais ou en anglais, sans réelle plus-value dans cette version.
Enfin, notons que malgré son prix équivalent à une version physique Switch, ce portage n’offre ni contenu bonus, ni artbook numérique, ni musique téléchargeable, ni galerie, ni mode galerie des trésors — rien. Même les systèmes d’amélioration ou de collection, pourtant omniprésents dans les spin-offs récents, sont ici d’une stérilité rare.
Dragon Quest Treasures sur PC n’est donc pas une version “améliorée”. C’est un simple portage tardif, sans générosité, sans correction, sans la moindre volonté d’en faire un produit abouti. Un constat d’autant plus amer que la base, déjà faible, aurait eu bien besoin d’un second souffle.
0 commentaires