Sorti le 16 janvier 2025 sur Nintendo Switch, Donkey Kong Country Returns HD transpose un classique de la Wii dans un nouvel écrin haute définition. Aucun remake. Aucun réagencement. Ce remaster signé Forever Entertainment propose un simple rehaussement visuel, quelques ajustements d’accessibilité, et l’ajout des huit niveaux bonus venus de la version 3DS. Rien de plus. Rien de moins.
Mais cette mise à jour tardive, appliquée à un jeu qui avait redéfini la plateforme 2D en 2010, mérite-t-elle encore qu’on s’y replonge avec exigence ? Ou s’agit-il d’une relecture paresseuse, destinée à recycler un nom sans engager d’effort véritable ?
Une île pillée sans mots et une vengeance sans pause
Aucune scène d’exposition, aucun dialogue explicatif. Donkey Kong Country Returns HD reprend à la lettre le postulat du jeu original : la tribu Tiki Tak, entité grotesque sortie des profondeurs sonores de l’île, hypnotise la faune pour lui voler ses instincts, et avec eux, les réserves de bananes de Donkey Kong. Le récit tient en une impulsion. Il n’y a rien à expliquer. Juste à foncer.
La narration passe par l’animation, le rythme, l’agencement des niveaux. Aucun texte. Aucun menu bavard. La jungle s’exprime par ses tremblements, ses pièges, ses transitions. Chaque monde impose son thème. Chaque environnement raconte une variation sur le pillage, la résistance, la reprise de contrôle.
Donkey et Diddy forment une mécanique plus qu’un duo. L’un frappe, roule, dévaste. L’autre plane, soutient, ajuste. Le remaster conserve cette asymétrie avec exactitude. Elle ne change rien. Elle fonctionne toujours. En solo, Diddy devient un appui. En coop, il devient un test de coordination, et parfois un obstacle si le rythme se brise. Pas d’option d’assistance supplémentaire. Pas d’ajout narratif. Ce n’est pas une évolution. C’est une restitution.
Ce minimalisme radical — pas de nouvelle scène, pas de voix, pas de cinématique réécrite — est assumé. Mais il confirme la nature de cette édition : un retour visuel, pas une relecture. L’efficacité du fond est intacte. Son habillage, figé.
Une ligne droite coupée de pics et de pièges sans concession
Donkey Kong Country Returns HD ne reconstruit rien. Il reconduit. Chaque niveau conserve la même structure, la même rythmique, la même cruauté méthodique que dans la version Wii de 2010. Aucune flexibilité, aucune surcouche. La plateforme ici n’est pas une promenade : c’est une suite d’exigences. Lecture des trajectoires, timing des sauts, calcul des roulades, maîtrise des rebonds. Chaque échec est mécanique. Chaque réussite, millimétrée.
Le remaster introduit un mode moderne, plus permissif : trois cœurs au lieu de deux, objets d’aide disponibles chez Cranky, perroquet pour détecter les pièces de puzzle, ballons pour amortir les chutes. Mais ce confort reste marginal. Le squelette est intact. Les pièges ne sont pas retirés. Le niveau ne change pas. Il pardonne un coup. Pas deux.
Le mode classique reste accessible à tout moment. C’est lui qui révèle la précision du jeu. Pas une erreur de level design. Pas une plateforme flottante. Chaque saut est pensé, chaque rebord est voulu. Rien n’est accidentel. Le jeu est difficile, mais jamais injuste.
La coop locale amplifie la tension. Deux joueurs, deux vitesses, deux physiques. Si Donkey impose par la force, Diddy module par l’aérien. Mais cette complémentarité est exigeante : la moindre désynchronisation brise le tempo. Ce n’est pas un mode secondaire. C’est un test de coordination. Il ne tolère aucune approximation.
Les huit niveaux supplémentaires de la version 3DS sont intégrés sans modification. Ils prolongent la courbe, ajoutent quelques pics, confirment l’intention première du jeu : pousser le joueur à la lecture permanente, sans interruption.
Pas de guidage. Pas de surcouche moderne. Un jeu de plateforme brut, reconduit sans mollesse.
Une jungle lissée sous un vernis qui ne remodèle rien
Visuellement, Donkey Kong Country Returns HD applique une couche nette. Les textures sont affinées, les arrière-plans lissés, les contours stabilisés. Le rendu est propre, parfaitement adapté à la Nintendo Switch, mais il ne transforme pas l’esthétique d’origine. Il la restaure. Il la prolonge. Il ne la questionne jamais.
Chaque monde — jungle, plage, temple, volcan — retrouve sa lisibilité, sa densité. Les niveaux en ombres chinoises gagnent en clarté. Les effets de lumière dans les zones volcaniques sont mieux gérés. Mais aucune scène ne surprend. Rien n’est redessiné. Pas de variation chromatique, pas de nouveau filtre. Le style cartoonesque résiste au temps, mais il ne s’élargit pas.
Les animations restent rigides. Les gestes de Donkey, les envolées de Diddy, les mouvements ennemis : tout est repris à l’identique. La HD accentue les contours, mais elle ne leur donne pas de souplesse. Ce n’est pas une refonte. C’est une version figée, légèrement nettoyée.
Côté sonore, rien ne bouge. La bande originale, signée Kenji Yamamoto, reprend les arrangements de 2010, eux-mêmes inspirés des thèmes de David Wise. Le résultat reste efficace, calibré, parfaitement en place. Chaque niveau impose son ambiance : percussions tendues dans les cavernes, mélodies suspendues dans les jungles, silence tendu dans les temples. Mais aucun remix, aucun ajout. Le remaster ne propose rien de plus. Il remet.
L’expérience sonore reste forte, mais sans relecture. Le son surround ajoute un peu d’épaisseur en mode docké, mais le jeu ne s’appuie pas dessus. L’immersion fonctionne, mais elle tient à la partition d’origine, pas à son réarrangement.
Un travail de surface. Soigné. Jamais transformateur.
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