Sorti le 8 février 2022 sur Nintendo Switch, Death end re;Quest 2 ne cherche ni à séduire, ni à ménager. Développé par Compile Heart et publié par Idea Factory, ce JRPG hybride croise visual novel macabre et RPG tactique dans une ambiance oppressante où l’horreur psychologique le dispute au fantastique le plus morbide. Le cadre : Le Choara, ville dévitalisée hantée par des monstres. L’héroïne : Mai Toyama, rescapée d’un passé innommable, désormais pensionnaire d’un orphelinat gothique.
Mais si l’histoire plonge sans retenue dans les abîmes de la cruauté humaine et du trauma, le portage Switch, lui, peine à suivre. Problèmes de framerate, textures floues, combats à la traîne : l’expérience, intense sur d’autres supports, vacille sur la console hybride de Nintendo.
Violences intimes, démons publics
L’ouverture de Death end re;Quest 2 ne cherche pas à installer une zone de confort. Mai Toyama tue son père pour fuir des années de violences sexuelles. Aucun filtre, aucun euphémisme. Le ton est posé : radical, frontal, dérangeant. Cette brutalité sert une histoire où la survie physique et mentale devient l’axe central de chaque chapitre. Accueillie à l’académie Wordsworth, Mai découvre rapidement que Le Choara, ville figée dans un passé factice, abrite un mal plus ancien, plus diffus, plus métaphysique.
Le récit alterne entre deux registres : visual novel de jour, RPG cauchemardesque de nuit. Le jour, les relations entre pensionnaires installent un semblant d’équilibre — amitiés naissantes, tensions sous-jacentes, dialogues sensibles. Rotten Dollhart, en particulier, ancre une dynamique de sororité discrète mais essentielle, qui vient contrebalancer la noirceur ambiante. La nuit, tout bascule. Le Choara devient un piège organique, parcouru de créatures difformes, de silhouettes hurlantes, de non-lieux saturés de tension.
L’écriture joue habilement avec la mécanique des Death Ends — fins brutales déclenchées par un mauvais choix. Chaque décision devient suspecte. Chaque réponse peut sceller une condamnation. Cette instabilité constante injecte une peur sourde, plus efficace que bien des jumpscares. Le jeu vous pousse à avancer tout en vous rappelant, sans relâche, que tout peut basculer. Et ça fonctionne.
Tactique en cercle, boucle enrayée
Les combats de Death end re;Quest 2 adoptent une structure en arène circulaire, où chaque affrontement devient un jeu de placement, d’impact et de rebond. Le système repose sur une mécanique de projection : frapper pour repousser, faire ricocher les ennemis contre les murs ou les uns contre les autres afin de maximiser les dégâts. L’idée est bonne, la promesse tactique évidente — et dans les premières heures, ça fonctionne.
Mais le rythme s’effondre rapidement. Les ennemis de base tombent dans des schémas répétitifs, les zones d’exploration deviennent de simples couloirs de grind, et les boss — trop résistants, trop longs — transforment l’intensité en lassitude. Un combat peut durer trente minutes non pas parce qu’il est difficile, mais parce qu’il refuse de finir. L’usure remplace la tension.
Le Glitch Mode, qui déclenche une transformation temporaire de vos personnages, ajoute une touche visuelle intéressante mais peine à renouveler l’approche stratégique. Il n’offre pas de rupture, seulement un bonus de puissance, sans changer les règles du jeu. Résultat : une surcouche brillante à un système qui s’enlise.
Le système n’est pas mauvais. Il est juste sous-exploité, étiré, appauvri par des ennemis trop semblables et des affrontements qui ne se renouvellent pas. La stratégie initiale devient routine. Le plaisir, obligation.
Rendu spectral, portage amputé
C’est sur Switch que Death end re;Quest 2 révèle ses plus profondes fractures. Là où l’univers visuel repose sur une opposition entre l’élégance macabre des segments en visual novel et la laideur rampante des explorations nocturnes, le portage sabote cette dualité. Les illustrations 2D conservent leur finesse — personnages expressifs, décors travaillés, direction artistique homogène — mais le reste s’effondre.
En phase d’exploration, les textures bavent, les modèles 3D accusent une génération de retard, et l’aliasing s’invite sur chaque bord de décor. Le framerate, lui, tousse dès que la scène se densifie. Une ruelle chargée, un combat avec plus de deux ennemis, et l’animation ralentit jusqu’à rompre le rythme. Le jeu ne devient pas injouable, mais il perd sa tension, son impact, sa lisibilité.
Ces défauts techniques ne sont pas anodins. Dans un jeu où la pression psychologique est centrale, chaque accroc visuel ou mécanique dilue l’atmosphère. L’immersion, si difficile à construire, se brise en une seconde. Et quand l’exploration devient elle-même laborieuse à cause d’une caméra poussive ou de ralentissements répétés, ce n’est plus une faiblesse, c’est un handicap structurel.
Reste le doublage japonais, impeccable de nuance, et quelques passages narratifs portés par une écriture solide. Mais cela ne suffit pas à masquer l’état du portage : Death end re;Quest 2 méritait mieux que cette version diminuée.
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