Développé par Prophecy Games et lancé en accès anticipé le 29 avril 2025 sur PC, Deadzone: Rogue vous propulse dans les entrailles d’un vaisseau spatial infesté de machines hostiles. Ce roguelite en vue FPS mise sur une boucle de jeu nerveuse : exploration, affrontements intenses, loots variés et progression par la mort.
Mais derrière cette façade rutilante, des questions subsistent : le jeu parvient-il à renouveler le genre ou se contente-t-il de recycler des mécaniques éprouvées ? Et surtout, saura-t-il maintenir l’intérêt des joueurs au-delà de ses premières heures ?
Une narration en orbite basse
Dans Deadzone: Rogue, vous vous réveillez à bord de l’ISS-X, sans aucun souvenir de votre identité ni des événements ayant conduit à cette situation. Ce point de départ, bien que classique dans le genre, aurait pu servir de tremplin à une narration immersive et intrigante. Cependant, le jeu choisit de rester minimaliste, voire austère, en matière de storytelling.
Les éléments narratifs sont distillés avec parcimonie, principalement à travers des descriptions environnementales et quelques textes épars. Il n’y a pas de dialogues, de journaux de bord ou d’interactions avec d’autres personnages pour étoffer l’univers ou approfondir le contexte. Cette absence de développement narratif laisse le joueur dans une position d’observateur distant, sans réel attachement émotionnel ou motivation claire pour progresser.
Cette approche dépouillée peut convenir à certains joueurs appréciant l’interprétation libre et l’exploration pure. Toutefois, elle risque de laisser sur leur faim ceux en quête d’une histoire structurée ou de personnages mémorables. En l’état, Deadzone: Rogue offre une expérience centrée sur l’action et la mécanique de jeu, reléguant la narration au second plan.
Mourir, apprendre, recommencer
Deadzone: Rogue n’a pas l’ambition de réinventer le roguelite spatial. Il veut vous y enfermer, manette en sueur, cœur au bord des lèvres, le canon fumant. Chaque partie débute de la même façon : vous émergez dans une salle froide, métallique, les systèmes encore sous tension, avec pour seule compagnie un flingue primaire et un espoir aussi fragile qu’un bouclier à 10 %. Mais très vite, l’enfer commence.
Le jeu repose sur une boucle simple et brutale : ouvrir une salle, nettoyer les lieux, choisir une récompense, progresser. Pas de hub, pas de pause narrative, pas de détour. La progression est organique, enchaînée, chaque pièce plus difficile que la précédente, chaque choix plus décisif. Les ennemis débarquent par vagues, mécaniques, insectoïdes, arachnéens ou volants — et ils ne laissent aucune fenêtre de répit. Vous n’êtes pas là pour explorer : vous êtes là pour survivre.
Mais derrière cette boucle infernale, Deadzone: Rogue cache une vraie science de la tension. Les affrontements sont nerveux, exigeants, jouissifs. Le feeling des armes est chirurgical : le fusil à pompe pulvérise, le railgun perce les armures, le lance-flammes crame tout dans un rugissement de pixels incandescents. Chaque tir a un poids, chaque rechargement est un moment de vulnérabilité. Ce n’est pas un FPS de surface : c’est un ballet sanglant, où chaque milliseconde compte.
Le système de progression, lui, est à double étage. D’abord, l’amélioration immédiate, à chaque salle : un bonus passif, une nouvelle capacité, un mod d’arme. Ensuite, la progression entre les runs, avec des points de technologie récupérés sur les cadavres encore fumants de vos tentatives précédentes. Ces upgrades sont permanents, mais jamais surpuissants : le jeu vous aide à mieux jouer, pas à tricher.
Et le level design ? Il est procédural, oui — mais maîtrisé. Chaque salle est une arène, et chaque arène propose des angles de tir, des pièges environnementaux (barils explosifs, modules de turrets), des alcôves pour respirer ou poser une tourelle. C’est un jeu de positionnement autant que de réflexe. Les pièces s’enchaînent, mais ne se répètent jamais vraiment : chaque combat est une équation à résoudre, sous pression.
Mention spéciale au mode furtif temporaire qui précède chaque ouverture de porte : quelques secondes d’invisibilité pour scanner les ennemis, placer un tir critique, déclencher une embuscade. Ce petit twist suffit à transformer une boucle de tir classique en un puzzle tactique. Vous entrez, vous calculez, vous tuez — ou vous mourez.
Et si vous mourez ? Vous recommencez. Mais pas pareil. Pas au même endroit. Pas avec les mêmes armes. Pas avec la même stratégie. Le jeu vous apprend à la dure, mais toujours de façon lisible.
Quelques scories subsistent : une IA parfois figée, des baisses de framerate dans les escarmouches les plus denses, et une certaine lassitude qui peut s’installer après plusieurs heures — la faute à une variété encore limitée d’ennemis et de biomes. Mais pour un titre en accès anticipé, la base est solide, brutale, calibrée au millimètre pour l’adrénaline.
Quand l’espace suinte la mort
Deadzone: Rogue ne cherche pas à vous éblouir par une débauche visuelle. Il vous enferme. Il vous oppresse. Et dans cette prison spatiale qu’est l’ISS-X, tout est pensé pour étouffer, pas pour séduire. Le jeu adopte une esthétique industrielle, glacée, où les murs suintent l’huile noire et la lumière filtre à peine entre deux générateurs en surchauffe.
Visuellement, c’est un hommage brutal aux corridors claustrophobes des System Shock ou des Doom 3 : des éclairages rouges d’urgence, des panneaux criblés d’impacts, des tuyaux qui tremblent sous la pression. L’environnement est répétitif, oui — mais intentionnellement. Il ne s’agit pas de varier pour flatter la rétine, mais de plonger dans une boucle paranoïaque, où l’œil ne sait jamais d’où viendra la prochaine menace.
Les ennemis, eux, sont fonctionnels mais expressifs : des drones de combat, des arachnides cybernétiques, des bêtes mécaniques qui grincent, cliquètent, ou explosent dans un feu d’artifice de câbles et de sang pixelisé. Leur design est simple mais lisible, et surtout, ils imposent une présence. Un bruit. Une silhouette. Une angoisse.
Les animations sont soignées. Votre personnage recharge, sprinte, glisse avec une fluidité organique. L’arme tremble sous la pression, l’écran se brouille à chaque impact, les particules explosent en rafales quand une salle devient une boucherie métallique. Le feedback visuel est viscéral. Chaque explosion laisse une empreinte. Chaque tir vous secoue.
Côté son, c’est une autre réussite. La bande-son, saturée de nappes synthétiques et de percussions électroniques, rappelle les meilleures compositions de Mick Gordon, sans jamais verser dans la parodie. Les musiques montent en intensité avec les combats, puis s’effacent dans un silence pesant entre deux pièces. Ce contraste est essentiel. Il crée une attente, une angoisse. Le calme n’est pas reposant. Il est menaçant.
Les bruitages sont précis, chirurgicaux : les détonations claquent, les cris métalliques déchirent l’espace, et chaque ouverture de porte est un signal d’alerte. Vous écoutez les couloirs. Vous devinez les ennemis. Vous survivez avec vos oreilles autant qu’avec votre arme.
Enfin, l’interface, minimaliste mais lisible, s’intègre parfaitement à l’ambiance. Aucun HUD encombrant, aucune distraction. Juste les infos essentielles : santé, énergie, munitions, compétences. Le reste, c’est vous. Votre instinct. Vos nerfs.
Système sous tension, modules en alpha
Deadzone: Rogue, en l’état actuel de son accès anticipé, pose les bases d’un système solide, mais non sans aspérités. Techniquement, le jeu est stable, fluide dans l’ensemble, mais certaines arêtes dépassent encore, témoignant de son développement en cours.
Sur le plan des performances, le titre tourne correctement sur une large gamme de configurations, même si quelques ralentissements surviennent dans les séquences les plus explosives. Les particules, les effets de lumière dynamiques et les débris projetés à l’écran peuvent faire chuter le framerate, notamment sur les configurations modestes. Les développeurs ont déjà annoncé plusieurs patches d’optimisation — preuve d’un suivi actif — mais le polish global reste à affiner.
Côté bugs, rien de catastrophique, mais des défauts de pathfinding (ennemis bloqués dans les décors, trajectoires erratiques), quelques soucis de détection de collisions, et des plantages sporadiques en fin de run. Le genre roguelite ne pardonne pas ce genre de faille : mourir à cause d’un bug, c’est voir toute une session réduite à néant. Et ça, même dans un jeu en accès anticipé, c’est difficile à excuser.
Le mode multijoueur, encore en bêta, permet à jusqu’à trois joueurs de se lancer ensemble dans une expédition coopérative. L’idée est excellente, et l’exécution globalement fonctionnelle, mais le matchmaking est rudimentaire (pas de filtrage, pas de lobby structuré), et l’équilibrage des ennemis en multijoueur demande encore des ajustements. En solo, le jeu est calibré au millimètre ; en coop, il devient parfois un festival de chaos incontrôlé.
En matière d’accessibilité, le jeu est pour l’instant pauvre. Aucune option pour les daltoniens, aucun remapping des touches, pas de sous-titres configurables, et une interface non traduite dans certaines langues clés (dont le français au moment du test). Le menu d’options reste basique, sans paramétrage avancé du HUD ou du champ de vision, ce qui peut frustrer les joueurs les plus exigeants.
La rejouabilité, en revanche, est au cœur de l’ADN du titre. Chaque run est unique, chaque build ouvre de nouvelles synergies, et l’envie de refaire « juste une dernière partie » est bien là. L’intégration d’un système de défis hebdomadaires ou de missions spéciales — pour l’instant absent — renforcerait encore l’intérêt sur le long terme. Le studio a déjà annoncé ces ajouts à venir : il faudra juger sur pièces.
Enfin, Deadzone: Rogue propose une expérience exclusivement PvE, sans leaderboard, sans saison, sans boutique. Pas de fioritures, pas de microtransactions. Une approche brute, centrée sur le gameplay, à l’ancienne — et ça fait du bien.
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