Sorti le 24 mai 2023 sur Xbox Series, Danger Gazers est un roguelike de tir développé par ShotX Studio. Le jeu nous propulse dans un monde post-apocalyptique ravagé, où la poussière radioactive a remplacé les idéaux, et où chaque balle tirée semble graver un peu plus la fin d’une civilisation oubliée. L’ambition affichée : proposer des runs nerveux, une progression tendue, et une boucle de jeu capable de tenir en haleine les amateurs de chaos procédural.
Mais derrière ce vernis pixelisé et cette promesse d’intensité, Danger Gazers révèle un projet au souffle court, à l’équilibre incertain. L’univers n’est qu’un décor poussiéreux, et la structure rogue-like, bien qu’efficace par moments, ne parvient pas toujours à masquer la sécheresse du fond. Le titre se bat pour exister, tirant sur tous les leviers du genre… sans jamais parvenir à charger son propre récit.
Des fragments de monde jetés dans le vent
Dans Danger Gazers, vous incarnez un survivant sans nom, errant dans les ruines d’un monde effondré. Le scénario, volontairement minimaliste, se déploie par touches éparses : bribes de texte, quêtes secondaires laconiques, indices environnementaux laissés comme des cendres sur le passage. Il ne s’agit pas d’un récit au sens classique, mais d’un décor narratif réduit à sa plus simple expression. Une toile de fond plutôt qu’un moteur.
L’univers post-apocalyptique que propose ShotX Studio évoque des thèmes classiques – société désagrégée, lutte pour la reconstruction, menaces mutantes – mais sans jamais les articuler. Ce ne sont pas des idées développées, juste des silhouettes en périphérie. Les dialogues sont rares, les personnages secondaires interchangeables, les enjeux absents. Tout repose sur une ambiance vague et un contexte implicite, qui peine à susciter autre chose qu’une vague indifférence.
Ce parti-pris pourrait fonctionner dans un jeu de pure action, mais il manque ici d’un socle narratif pour donner sens à la répétition des runs. Le peu d’histoire disponible ne s’épaissit jamais. Pas d’évolution dramatique, pas d’arc structurant, pas d’alliés marquants ni d’adversaires charismatiques. Les fragments de lore laissent entrevoir un monde plus vaste… mais ne l’esquissent jamais vraiment.
L’intrigue n’est pas absente : elle est inerte. Suspendue entre l’idée d’un background suggéré et l’abandon d’un récit construit. Et cette incomplétude narrative finit par se répercuter sur l’implication du joueur, qui traverse les niveaux comme on rature un texte non écrit.
Une boucle nerveuse qui s’épuise à force de tirer dans le vide
Le gameplay de Danger Gazers est celui d’un twin-stick shooter infusé de mécaniques rogue-like : chaque partie est une plongée dans l’inconnu, chaque salle un défi, chaque run une variation sur un même motif. L’action est immédiate, les ennemis nombreux, les tirs fusent dans tous les sens. Sur ses premières minutes, le jeu tient son pari : un chaos bien dosé, rapide, lisible, où la survie dépend de réflexes aiguisés et d’une bonne lecture de l’espace.
Le maniement est réactif, les armes nombreuses, les effets bien marqués. Chaque outil de destruction possède ses propres contraintes : cadence, portée, effets secondaires. On alterne entre mitrailleuses, rayons concentrés, projectiles à dispersion… un arsenal qui encourage l’expérimentation, du moins en surface. Car passé les premiers runs, les combinaisons efficaces finissent par s’imposer, au détriment de la variété stratégique. Le système d’amélioration n’apporte pas suffisamment de ruptures pour renouveler l’expérience de manière significative.
La génération procédurale des niveaux fonctionne correctement, mais peine à instaurer un véritable sentiment de découverte. Les salles se répètent, les patterns ennemis aussi. Le rythme, pourtant soutenu, devient mécanique. Les décisions à prendre se réduisent à quelques choix binaires : quelle route emprunter, quelle ressource ramasser, quel bonus activer. L’arbre décisionnel reste mince, les surprises rares.
En revanche, les affrontements contre les boss rehaussent clairement le niveau d’intensité. Plus agressifs, plus complexes, ces duels viennent briser la monotonie ambiante, obligeant à repenser son positionnement et sa gestion des ressources. Ces rares pics de difficulté offrent un aperçu d’un jeu plus exigeant, plus stratégique, mais ils sont trop isolés pour donner à la structure globale le relief qu’elle mérite.
Danger Gazers propose une boucle de gameplay solide, mais trop linéaire. L’adrénaline initiale s’émousse faute de renouvellement. L’action est fluide, mais pas transcendante. Le jeu tire dans toutes les directions, mais ne parvient jamais à viser juste sur la durée.
Un monde pixelisé qui vacille entre tension et répétition
Visuellement, Danger Gazers assume une esthétique pixel art sombre, compacte, marquée par une désaturation volontaire des teintes. Déserts dévastés, ruines calcinées, friches radioactives : le décor joue la carte de la désolation, avec un certain souci du détail dans les arrière-plans et les effets de lumière. Le style fonctionne sur le court terme, évoquant sans détour un monde écrasé par les retombées de sa propre violence. Mais cette direction artistique, si elle capte d’abord l’attention, finit par s’enliser dans une monotonie visuelle.
Les environnements, trop similaires d’un run à l’autre, usent leur impact à force de se répéter. On reconnaît les structures, les agencements, les palettes, et l’exploration perd rapidement tout pouvoir d’évocation. Aucun lieu ne se distingue vraiment, aucun décor ne surprend. L’impression d’arpenter un monde figé dans ses propres boucles procédurales domine, et affaiblit le sentiment d’immersion.
Le bestiaire, quant à lui, se distingue davantage. Bandits masqués, mutants difformes, machines hostiles : les ennemis possèdent des designs suffisamment distincts pour soutenir la lisibilité du gameplay, tout en renforçant la thématique de déclin civilisationnel. Les boss, plus imposants, bénéficient d’une mise en scène plus travaillée, avec des animations plus dynamiques et des effets visuels mieux calibrés.
La bande-son, électronique et syncopée, accompagne efficacement l’action. Les rythmiques soutenues, les nappes synthétiques, les pics de tension audio lors des combats renforcent l’urgence constante du jeu. Les bruitages, eux aussi, remplissent leur rôle : tirs, explosions, impacts, alarmes… chaque élément sonore vient ponctuer le chaos ambiant avec cohérence.
Mais là encore, les limites apparaissent à mesure que le joueur s’enfonce dans les sessions prolongées. Les variations musicales restent limitées, et l’ensemble finit par tourner en boucle, à l’image du reste du jeu. L’immersion sonore est solide, mais pas mémorable. Elle accompagne, sans jamais porter.
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