Curious Expedition 2 avance sur les traces d’un XIXe siècle fantasmé, là où les jungles, déserts et montagnes deviennent le théâtre d’une exploration aux allures de récit pulp. Maschinen-Mensch relève le gant de la suite en étoffant le tableau : nouvelles mécaniques, esthétique léchée, ambitions narratives plus prononcées.
Sur Xbox Series, l’appel de l’inconnu vibre toujours, mais la promesse d’un monde renouvelé résiste-t-elle vraiment à l’usure de la routine ? L’aventure se rêve plus vaste, mais le sentier demeure balisé.
Chroniques d’explorateurs, masques et illusions
Dans Curious Expedition 2, vous endossez le rôle d’un explorateur de la Société Royale Britannique, chargé de fouler des terres inconnues et d’en rapporter des merveilles à la civilisation. L’immersion naît d’un contexte historique richement illustré : les années 1880 servent d’écrin à une succession de voyages où chaque région – jungle luxuriante, désert aride, île perdue, montagne glacée – devient prétexte à l’étonnement. Chaque expédition se pare d’un souffle d’aventure, mêlant rencontres improbables, artefacts mystérieux, et créatures exotiques. La galerie de tribus, les coutumes étranges, les menaces naturelles et la soif de gloire dessinent un monde où la découverte flirte sans cesse avec le péril.
Mais sous l’élan de la nouveauté, la mécanique s’enraye. Les merveilles changent de décor, les objectifs, eux, se répètent : explorer, ramener un trésor, franchir un temple, esquiver les pièges, survivre aux créatures. La diversité des biomes, si séduisante au premier abord, s’efface devant la redondance des missions. Les événements dynamiques et les rencontres aléatoires tentent d’insuffler de la variété, mais le schéma se fige, et l’excitation s’estompe. L’exploration, promise comme le cœur battant du jeu, s’enferme trop vite dans une routine.
La structure narrative tire pourtant profit de la fragmentation : chaque expédition propose ses dilemmes, ses choix moraux, ses risques à jauger, donnant une densité supplémentaire au voyage. L’atmosphère, la richesse des descriptions, la magie du cadre historique font briller les premiers pas, mais la flamme vacille lorsque la répétitivité s’installe.
Tactique sous tension, quand le hasard dévore la raison
Le système de combat de Curious Expedition 2 se déploie dans un entrelacs de hasard et de stratégie contrariée. Les affrontements, menés en tour par tour, s’articulent autour de lancers de dés qui déterminent l’ensemble des actions possibles : attaques, parades, soins, capacités spéciales. À chaque tour, l’issue du combat échappe en partie à la logique pure pour s’abandonner au caprice du sort. Cette dynamique infuse à chaque rencontre une tension particulière : la planification s’incline devant la roulette du destin, l’audace s’allie à la résignation, et l’échec survient parfois sans que la moindre erreur de jugement ait été commise.
La variété des compagnons, chacun doté de compétences propres, apporte une nuance bienvenue. Marie Curie manipule l’alchimie, Tesla bouleverse les équilibres avec l’électricité, tandis que des aventuriers anonymes soignent, résistent, frappent ou inspirent leurs pairs. À chaque expédition, la constitution de l’équipe devient une affaire de synergies et d’adaptations : équilibrer soigneusement les spécialités, prévoir de quoi encaisser les coups du sort, composer avec les forces et les faiblesses de chacun. Cette diversité étoffe le gameplay, permet de s’ajuster en fonction des défis, et offre quelques respirations tactiques dans une structure autrement soumise à la fatalité.
Mais la frustration rode. Un mauvais jet de dés peut anéantir toute une préparation minutieuse, retourner une expédition prometteuse en débâcle absurde. Les possibilités de mitigation restent limitées : si certains équipements ou compétences influencent le résultat, le poids du hasard subsiste, amplifiant parfois un sentiment d’impuissance. La progression, pensée pour récompenser la prise de risque, se heurte trop souvent à l’arbitraire d’un lancer malheureux, qui ruine l’équilibre du groupe ou condamne le héros à une retraite prématurée.
Le bestiaire, bien que varié, ne bouleverse jamais la routine : chaque combat s’aborde selon une logique familière, et le renouvellement des menaces ne parvient pas toujours à masquer la répétition des séquences. Les rencontres aléatoires ajoutent une dimension d’imprévu, mais contribuent aussi à diluer la courbe d’apprentissage dans une succession de situations parfois redondantes. Le sentiment de progresser grâce à l’expérience cède trop souvent la place à l’impression de survivre grâce à la chance.
L’intention de renouveler le système de combat, indéniable, se heurte donc à une question de fond : comment maintenir l’engagement du joueur lorsque le hasard, plus que la stratégie, gouverne l’issue de l’aventure ? Curious Expedition 2 propose ainsi un dilemme permanent, où chaque victoire semble arrachée au chaos, et où chaque défaite laisse planer le doute sur la valeur réelle des choix opérés.
Poussières de couleurs et rêve d’aventure graphique
La direction artistique de Curious Expedition 2 compose un hommage éclatant aux récits d’explorateurs : une palette vive, des aplats tranchés, un trait stylisé qui évoque les pages d’un vieux pulp ou d’une bande dessinée d’aventure. Chaque région traversée – jungle exubérante, île perdue, désert infini, sommet glacé – se distingue par un soin du détail et une identité visuelle immédiate : les forêts grouillent de créatures étranges, les temples se dressent comme des reliques oubliées, les villages tribaux foisonnent de couleurs et de symboles inédits. Les personnages, expressifs malgré la stylisation, ajoutent à l’exotisme général, injectant une touche de fantaisie dans l’histoire.
Mais derrière cette séduction première, le budget contenu du studio transparaît. La variété promise s’estompe à mesure que les expéditions s’enchaînent : les décors, d’abord foisonnants, révèlent des motifs récurrents, des architectures recyclées, des paysages qui finissent par se ressembler d’une aventure à l’autre. Cette homogénéité visuelle bride l’émerveillement, limite la capacité du jeu à surprendre sur la durée, et conforte la sensation de routine déjà amorcée par la structure des missions.
Le bestiaire, pourtant haut en couleurs, retombe dans la répétition : certains monstres ou animaux mythiques refont surface, recyclés d’une carte à l’autre, et les rencontres perdent peu à peu leur impact. L’animation, si elle n’entrave jamais la lisibilité, ne brille pas par son expressivité ou sa profusion : les mouvements restent simples, efficaces, mais sans véritable souffle.
Côté sonore, l’habillage accompagne sobrement l’aventure : quelques thèmes aux accents exotiques, des bruitages immersifs, une ambiance sonore qui préfère soutenir le décor plutôt que s’imposer en protagoniste. L’ensemble compose un écrin soigné, mais sans éclat durable, là où l’on aurait pu attendre une envolée digne de l’appel du large.
Odyssée en boucle, vertige de la répétition
Curious Expedition 2 revendique une rejouabilité nourrie par la génération procédurale et la diversité de ses personnages. À chaque nouvelle expédition, le jeu promet des choix renouvelés, des cartes inédites, des obstacles imprévisibles. Mais derrière ce mirage d’infini, la mécanique se répète, polissant peu à peu l’étonnement jusqu’à l’usure.
Chaque aventure commence par le même schéma : constituer une équipe, gérer la santé mentale, trouver des ressources, explorer ruines et sanctuaires, affronter ou éviter des menaces. Les variations, si elles existent, s’effacent sous la prévisibilité du gameplay. Les missions se recoupent, les objectifs se dupliquent, et les dilemmes se résolvent souvent selon la même logique, jusqu’à dissoudre la sensation de nouveauté.
La montée en difficulté, l’introduction de personnages historiques aux pouvoirs uniques, et les défis imposés par les modes supérieurs enrichissent l’expérience sans la réinventer. La génération procédurale, censée garantir la surprise, finit par révéler ses ficelles : les cartes, au lieu de proposer des situations vraiment inédites, tendent à reproduire les mêmes types de séquences et de rencontres, conduisant à une sensation de déjà-vu qui s’installe trop vite.
Ce cercle de répétition freine la soif d’exploration et érode peu à peu l’enthousiasme, malgré l’intelligence de certains systèmes de gestion ou la profondeur promise par la diversité des choix. Curious Expedition 2 se débat avec les mêmes limites que son prédécesseur, peinant à transformer la curiosité initiale en fascination durable.
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