Développé par MAGITEC et édité par KEMCO, Covenant of Solitude est sorti sur PC le 5 juin 2025, après avoir longtemps circulé sur mobile. Ce JRPG tactique à l’ancienne propose une aventure teintée de rejet, de guerre et de monstres invoqués, où vous incarnez un adolescent marginalisé, capable de contrôler les espèces démoniaques qui peuplent un empire au bord de l’effondrement.
Mais ce retour dans les terres balisées du RPG classique parvient-il à ranimer une flamme sincère, ou s’enferme-t-il dans la répétition d’une formule surannée ?
Un monde d’exclusion gouverné par le sang des pactes
L’histoire de Covenant of Solitude suit les pas de Fort, un adolescent rejeté pour sa nature de “genie” – être capable d’invoquer et de contrôler des monstres. Dès les premières heures, le jeu établit une tension centrale : la peur de l’altérité, l’exclusion sociale, et la solitude forcée de celui qui porte en lui un pouvoir que les autres craignent. Cette mise en place, bien que classique, installe un ton plus sombre que la moyenne des RPG mobiles d’origine.
Très vite, l’intrigue bascule dans un conflit militaire de plus grande ampleur : invasion de royaumes, trahisons politiques, pouvoirs surnaturels convoités par les empires… La progression narrative conserve une certaine efficacité, rythmée par des rebondissements fréquents, des retournements de camp, et des dilemmes moraux parfois plus lourds qu’il n’y paraît. Mais elle reste très encadrée : chaque séquence sert de prétexte à introduire une nouvelle zone, un nouveau boss, une nouvelle mécanique.
Les personnages secondaires suivent des archétypes rigides – le noble en quête de rédemption, l’ami d’enfance naïf, la combattante au passé trouble – mais certains dialogues, notamment entre Fort et ses invocations, parviennent à instaurer une mélancolie étrange, un questionnement discret sur le contrôle, la loyauté et l’isolement.
Car la vraie originalité du scénario vient de ce rapport ambigu entre Fort et les monstres qu’il commande. Ils ne sont pas de simples outils de combat : ils réagissent, interagissent, murmurent parfois leur désaccord. Ce lien forcé donne à certaines scènes une teinte involontairement tragique, renforcée par la solitude constante du protagoniste, même au sein de son groupe.
Mais le jeu ne pousse jamais très loin ces thématiques. Il les effleure, puis les range sous la mécanique suivante. À mesure que le scénario avance, Covenant of Solitude retombe dans une structure de JRPG balisé : séquence village, menace, boss, cinématique, récompense. Le fond sombre reste là, mais il est souvent submergé par la forme.
Une invocation à l’ancienne entre routine tactique et idées solides
Le gameplay de Covenant of Solitude repose sur une structure classique de JRPG au tour par tour, enrichie par une mécanique centrale : l’invocation et le contrôle de monstres alliés, répartis en classes et éléments. Fort, le protagoniste, ne dirige pas une équipe d’humains, mais un escadron de créatures qu’il recrute, fusionne et positionne selon les besoins du champ de bataille. C’est cette dynamique qui donne au jeu sa saveur tactique propre, malgré un habillage daté.
Chaque monstre appartient à une famille (dragons, bêtes, humanoïdes, esprits…), avec ses propres capacités, résistances et synergies. Leur acquisition se fait via des “runes” obtenues au fil de l’aventure, et leur montée en puissance passe par un système d’évolution simple mais efficace, à la manière d’un Pokémon ou d’un Shin Megami Tensei épuré. Le choix de l’équipe devient rapidement un exercice d’optimisation stratégique, surtout dans les phases avancées du jeu où la composition face à un boss conditionne directement votre survie.
Les combats, bien que structurés au tour par tour classique, intègrent des zones de front et de soutien, obligeant à penser la répartition des rôles. Certaines capacités ne peuvent être lancées qu’en première ligne, d’autres n’agissent qu’en soutien. Cette contrainte spatiale, alliée à la diversité des ennemis et à la gestion des coûts de magie, donne au système une profondeur inattendue, bien supérieure à celle de la moyenne des RPG d’origine mobile.
Cependant, cette richesse est parfois bridée par une progression trop linéaire. Les zones sont peu ouvertes, les combats aléatoires abondants, et le rythme d’exploration souffre d’un manque d’événements dynamiques. On avance d’un point A à un point B, avec peu de surprises, peu de détours, peu d’interruptions. Le jeu devient rapidement une suite de combats intercalés de dialogues fonctionnels et de micro-objectifs.
L’interface, héritée de sa version mobile, reste lisible mais datée dans son ergonomie : menus plats, icônes minimales, absence de raccourcis clavier efficaces. Sur PC, le confort reste acceptable, mais loin des standards modernes. Néanmoins, le tout tourne sans accroc, sans ralentissement, et la gestion des combats au clavier/souris reste fluide.
Covenant of Solitude ne réinvente rien. Mais il applique avec rigueur les recettes du JRPG tactique, en y glissant un système d’invocation original, qui suffit à maintenir l’intérêt jusqu’au terme de l’aventure.
Un RPG d’hier figé dans sa palette
Visuellement, Covenant of Solitude affiche une 2D pixelisée d’inspiration 16-bit, typique des productions KEMCO sur mobile. Les décors – villages, forêts, donjons, citadelles – sont fonctionnels, lisibles, mais sans âme propre. Aucun lieu ne marque durablement. Les palettes de couleurs sont limitées, les tuiles recyclées d’un biome à l’autre, et les bâtiments semblent générés par modèle. Ce n’est pas laid : c’est standardisé à l’extrême.
Les sprites des personnages et des monstres, en revanche, montrent un niveau de détail plus soigné. Les créatures invoquées, notamment, bénéficient d’un design plus expressif que les environnements. On y retrouve des références aux codes du bestiaire RPG japonais classique : dragons filiformes, bêtes mutantes, esprits en forme de masque. Les animations restent minimalistes – quelques frames par attaque, des effets lumineux rudimentaires – mais le tout conserve une cohérence visuelle claire.
Le jeu souffre cependant de manques flagrants d’animations contextuelles. Les scènes clés sont racontées par textes sur fond figé, sans mise en scène, sans zoom, sans variation d’angle. Aucune tentative de dynamiser les moments dramatiques. Tout reste à plat, comme si le récit était collé sur un moteur générique.
Sur PC, l’affichage est net en plein écran, mais le format d’origine (mobile vertical) reste perceptible : grandes zones vides, menus étirés, interface non retravaillée. Aucune refonte visuelle n’a été tentée pour adapter l’expérience au support. Ce portage est strictement fonctionnel.
Côté sonore, Covenant of Solitude aligne une bande originale classique, correcte, oubliable. Les thèmes de combat, de carte du monde, de boss et de donjon se distinguent sans briller. Pas de leitmotiv, pas de variations thématiques : une ambiance générique propre, sans envolée. Le mixage est propre, mais sans relief. Les effets sonores, eux, sont réduits au minimum : bruits d’attaque recyclés, menus sonores discrets, aucune spatialisation ni impact notable.
Pas de doublage, pas d’intro animée, pas de moments marquants audio-visuellement. L’ensemble est un RPG en mode économie de moyens, qui s’appuie sur sa solidité mécanique plus que sur sa mise en scène.
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