Développé et édité par RedDeer Games, Cottonville débarque sur Nintendo Switch le 17 juillet 2025, offrant une fusion de simulation de ferme, de gestion d’atelier et de création de mode. Son univers pastel et sa promesse de détente “cozy” invitent à une pause douce — mais cette tranquillité se transforme-t-elle en repos salutaire, ou cache-t-elle un jeu trop léger, sans queue, ni fil ?
Le fil tiré d’une histoire sans drame
L’histoire de Cottonville s’efface derrière l’évidence de sa prémisse : vous reprenez l’atelier d’une grand-mère disparue, investissant une petite ville où chaque rencontre n’est qu’un prétexte à la mission, à la réparation, à la renaissance d’un quotidien qui refuse l’accident. Pas de rivalité, pas de tension, pas de secret à déterrer – seulement la boucle des demandes, des conversations feutrées, des personnages aussi lisses que les coussins qu’ils réclament. L’univers repose sur la bienveillance, mais aussi sur la neutralité : chaque habitant – voisine bavarde, commerçant appliqué, facteur serviable – ne sert qu’à rythmer la routine et à rappeler l’absence de conflit. Il n’y a ni ombre, ni enjeu dramatique, ni progression psychologique : tout se joue à la surface, dans l’accumulation de petites tâches, de services rendus, de mercis à récolter.
Ce refus du drame, assumé, fait de Cottonville une fable sans aspérité, un récit qui rassure mais ne bouleverse jamais. L’attachement n’est jamais convoqué, la surprise ne naît jamais d’un revirement ou d’une découverte : on vient pour la douceur du geste, pas pour l’émotion du récit. L’atelier ne cache rien, la ville ne trahit pas, la mémoire du lieu est celle d’un monde sans histoire – et le jeu, en cela, tient une promesse de tranquillité qui est aussi son principal abandon. L’absence de localisation française n’arrange rien et ne permet ni de s’impliquer dans les événements du jeu, ni de réellement y prêter attention.
Le geste en boucle et la logique de l’endormissement
Le gameplay de Cottonville s’enferme dans la répétition d’une boucle aussi rassurante qu’anesthésiante. À chaque journée, le joueur alterne entre culture du coton, récolte minutieuse, filage sur rouet et couture d’objets à la chaîne dans l’atelier. La mécanique n’évolue jamais au-delà de l’automatisation douce : il s’agit de semer, d’arroser, de cueillir, de transformer, de livrer — rien ne menace, rien ne dévie, rien ne trouble le protocole. Les outils évoluent à la marge : quelques améliorations pour accélérer la cadence, augmenter le rendement, mais aucune révolution, aucune surprise dans le flux.
La progression suit le rythme immuable des commandes des habitants, qui imposent leurs listes de produits, leurs exigences de motifs, leurs envies décoratives. Mais cette routine ne masque jamais la pauvreté structurelle : chaque tâche est un copier-coller de la précédente, chaque objet à fabriquer ne réclame que la répétition d’un mini-jeu de précision ou d’un glissement de doigt sur l’écran. La difficulté est absente : le manque de ressources n’est jamais un frein, le risque d’échec n’existe pas, et la gestion de l’inventaire se réduit à une liste à remplir, sans tension ni enjeu de choix.
Le level design épouse cette mollesse : la ville, divisée en quartiers interchangeables, ne réserve aucune surprise de parcours, aucune découverte cachée, aucun détour véritable. Les activités secondaires (décoration, amélioration de l’atelier, échanges de recettes) prolongent artificiellement l’expérience mais ne la transforment jamais. L’absence d’événements aléatoires, de compétition, d’aléa ou de contrainte, installe une monotonie qui, à terme, étouffe la satisfaction du geste maîtrisé. On joue pour faire, non pour découvrir ; on répète pour compléter, non pour inventer.
Ce refus de la tension et du vertige fait de Cottonville une simulation purement décorative, où la fatigue ne guette jamais, mais où la lassitude s’installe tôt, faute d’incident, de surprise, de défi. La boucle, parfaite pour le repos, s’interdit toute montée en puissance ou en émotion.
Le coton comme écran, la ville comme décor de vitrine
La direction artistique de Cottonville choisit la voie de la douceur absolue : chaque texture est un appel à la caresse, chaque couleur, une promesse de réconfort, chaque personnage, un galet poli par la bienveillance. Les environnements déclinent une palette pastel sans aucune violence, chaque quartier ressemble à une illustration de livre pour enfant — pas de nuit profonde, pas de pluie, pas d’ombre marquée, simplement la déclinaison d’un éternel après-midi tiède. Les intérieurs de l’atelier, les étals du marché, les rues pavées n’existent que pour souligner la routine, jamais pour inviter à l’exploration ou à l’étonnement. Tout est lisse, chaque animation suit la logique du ralenti, chaque transition gomme la moindre aspérité.
Ce choix du réconfort visuel, s’il flatte l’œil sur la durée, finit par se retourner contre lui-même : la répétition des motifs, l’uniformité des décors, l’absence de perspective ou de vie propre confinent le monde à une succession de tableaux fixes, privés d’âme et de respiration. Les personnages, tous ronds, tous souriants, deviennent interchangeables : leurs expressions varient à peine, leurs gestes se limitent à l’essentiel, la ville elle-même semble figée sous cloche.
La bande-son, fidèle à cette philosophie, s’efface presque entièrement : quelques notes légères, des boucles de piano ou de ukulélé, toujours sur le même tempo apaisant, sans crescendo ni surprise. Les bruitages, filtrés comme à travers un coussin, participent à l’endormissement général : pas de rumeur, pas de tension, pas de marqueur sonore marquant. L’absence de voix ou de véritables variations musicales empêche toute montée en émotion, toute poussée d’adrénaline ou de mélancolie. Ici, le son n’accompagne pas, il neutralise.
Cet habillage, cette musique, cette neutralité formelle sont à la fois la force et la faiblesse de Cottonville : le jeu crée un cocon, mais refuse de le fissurer ; il rassure, mais n’éveille jamais.
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